Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la démocratie est, on le sait, un bien précieux qui nous est cher à tous. Durement conquise, elle nous donne le droit de penser et de nous exprimer différemment ; c’est ce droit qui la fait vivre. Il en est de même pour la démocratie parlementaire. Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous avons le droit de penser, de nous exprimer différemment et de défendre nos idées aussi longtemps que nous le souhaitons.
Or, curieusement, au moment même où le Président de la République a conquis – permettez-moi de le dire ainsi ! – le droit de s’exprimer devant le Parlement, sans qu’aucun parlementaire puisse lui répondre, on veut restreindre le droit des parlementaires à s’exprimer au sein de leur assemblée ! (Avouez, mes chers collègues, qu’il s’agit là d’une bien curieuse conception de la liberté de discussion parlementaire !
Chaque membre de notre groupe l’a exprimé ici avec sa sensibilité et sa conviction propres, nous pensons tous au fond de nous-mêmes que la liberté de discussion parlementaire est incompatible avec ce que d’aucuns ont appelé le « concept du forfait-temps ».
Dans une démocratie, il ne peut y avoir, d’un côté, le temps en quelque sorte illimité – celui de toutes ses annonces –du Président de la République, qui occupe tout l’espace médiatique, et, de l’autre, un temps limité pour le Parlement, essence même de l’expression démocratique, avec notamment une expression restreinte pour l’opposition, quelle que soit bien sûr cette opposition. Avec l’article 13, on va à l’encontre de cette démocratie apaisée qu’on se plaît à invoquer aujourd'hui.
Il n’est vraiment pas possible de limiter les débats au Parlement alors que c’est le lieu même où ils doivent se développer. La procédure du « crédit-temps » les assécherait. Un groupe qui aurait épuisé son temps de parole ne pourrait plus défendre un amendement ! Or, cela a été souligné à maintes reprises, mais je tiens à le répéter car il est important de le redire en permanence, l’exercice du droit d’amendement est essentiel au débat démocratique, certains ajoutant même qu’il est consubstantiel au rôle du parlementaire. Il permet tout simplement à chacun d’exprimer ses positions et de formuler des contre-propositions, sans que cela empêche in fine, vous le savez très bien, monsieur le secrétaire d'État, l’adoption des textes présentés par le Gouvernement.
Nous pensons que l’article 13 du projet de loi organique a pour objectif de scléroser la parole de l’opposition dans le débat parlementaire. Le président du Sénat a réaffirmé que le temps global ne serait pas appliqué ici même. Fort bien ! Mais – et je reprends là des arguments qui ont déjà été développés – si le Sénat vote l’article 13 dans sa rédaction actuelle, nous allons, dans les faits, limiter le temps de parole des députés, en empêchant un nouveau débat sur ce même article, alors même que nous connaissons les conditions dans lesquelles il a été adopté à l'Assemblée nationale.
Pour éviter toute hypocrisie, il faut que les mêmes droits s’appliquent au Sénat et à l'Assemblée nationale. Et, afin de mettre nos actes en conformité avec les déclarations du président du Sénat, la seule chose à faire est tout simplement de ne pas voter l’article 13 du projet de loi organique.