Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée par le député Didier Le Gac, vise à lutter contre le dumping social pratiqué par certains armateurs étrangers en refusant les pratiques concurrentielles déloyales dans les eaux françaises.
Ce texte fait écho au licenciement brutal, en mars 2022, de 786 marins de la compagnie britannique P&O Ferries, sans préavis, par visioconférence, et à leur remplacement par des marins non européens, de diverses nationalités, majoritairement des Philippins. Les navires de la compagnie, initialement sous pavillon britannique, étaient passés sous pavillon chypriote. L’objectif de la compagnie était bien de réduire ses coûts en augmentant le temps de travail, en diminuant les temps de repos et en abaissant le salaire horaire des marins.
Les compagnies françaises font face à une concurrence déloyale très brutale, notamment sur les liaisons maritimes entre la France et l’Angleterre.
Le transport transmanche s’effectue dans un couloir de navigation parmi les plus empruntés au monde, dans lequel on dénombre plus de 700 passages de navires par jour. Les deux compagnies Irish Ferries et P&O Ferries concentrent aujourd’hui 30 % du marché transmanche.
Le Brexit est venu accroître le risque de généralisation du dumping social en sortant les relations maritimes entre les ports français et le Royaume-Uni du cadre réglementaire européen, notamment des règles de protection des travailleurs mobiles internationaux.
Ainsi, la proposition de loi que nous examinons tend à restaurer la justice sociale en renforçant la protection des marins, mise à mal par la concurrence de compagnies se livrant à des pratiques commerciales déloyales.
Pour ce faire, il est proposé d’imposer l’application du salaire minimum français aux équipages de toutes les compagnies maritimes, quel que soit leur pavillon, assurant des liaisons régulières internationales de passagers touchant un port français.
Il est également proposé de mettre en place une durée de repos à terre au moins équivalente à la durée d’embarquement des marins, afin d’assurer la sécurité de la navigation et de lutter contre les pollutions marines.
Enfin, la fourniture, par les marins résidant à l’étranger, d’un certificat d’aptitude médicale à la navigation répondant aux exigences minimales fixées à l’échelon international est également prévue.
À l’Assemblée nationale, les députés ont souhaité profiter de ce véhicule législatif pour lutter contre le dumping social sur toutes les façades maritimes et dans toutes les activités en reprenant le dispositif de l’État d’accueil, qui impose les mêmes règles en matière de droit du travail et de salaire aux navires transportant des voyageurs entre deux ports français et aux navires qui travaillent dans les eaux françaises.
Ils ont ainsi ajouté deux articles dans le texte.
L’article 1er bis visait à renforcer les sanctions pénales en cas de non-respect des conditions sociales minimales françaises sur les navires étrangers assurant la liaison entre la Corse et le continent, sur les navires de travaux, de service et d’exploitation des éoliennes en mer et sur les yachts battant pavillon autre que français.
L’article 1er ter prévoyait des sanctions administratives pour permettre à l’administration de sanctionner plus facilement le manquement des employeurs et des armateurs à ces obligations sociales.
Nous regrettons que ces deux articles visant à sécuriser le dispositif de l’État d’accueil aient été supprimés par la commission des affaires sociales du Sénat. C’est la raison pour laquelle nous proposerons de les rétablir afin de permettre l’extension du champ d’application du texte au-delà du transmanche. Nous souhaitons ainsi renforcer nos moyens de lutte contre les compagnies qui viennent fausser le jeu de la concurrence en ne respectant pas les conditions salariales minimales des marins.
Nous attendons de connaître le sort qui sera réservé à l’amendement du Gouvernement visant à modifier les dispositions initiales du texte, mais notre groupe votera bien sûr cette proposition de loi. Nous espérons par ailleurs que la navette parlementaire aboutira le plus rapidement possible afin de répondre aux attentes très fortes du secteur. Il s’agit de faire en sorte que la loi puisse entrer en vigueur si possible dès le mois de janvier 2024, car il y a urgence !