Intervention de Claude Domeizel

Réunion du 17 février 2009 à 22h20
Application des articles 34-1 39 et 44 de la constitution — Article 13 priorité suite

Photo de Claude DomeizelClaude Domeizel :

Au fond, ce qui semble déranger la majorité, c’est que l’opposition use du droit d’amendement comme d’une tribune politique.

L’exercice du droit d’amendement constitue en effet un excellent instrument de combat politique.

Vous ne retenez que les manœuvres d’obstruction pour justifier votre action. Mais ces cas ne sont pas les plus intéressants ni les plus fréquents.

Vous vous attardez volontairement sur cet aspect essentiellement négatif.

Or l’utilisation politique du droit d’amendement, dans un but pédagogique auprès de l’opinion ou pour illustrer la capacité d’alternance de l’opposition, présente un aspect positif, qui enrichit de façon sensible le débat parlementaire.

Lorsque les parlementaires socialistes, par exemple, défendent un contre-plan de relance, qu’ils reprennent dès que l’occasion le permet sous forme d’amendements, ou lorsqu’ils déposent une motion de censure à l’encontre du Gouvernement, ils usent d’une prérogative qui leur permet de défendre un contre-projet pour démontrer que l’opposition est capable de réformes législatives d’ampleur.

En agissant de la sorte, nous opposons notre propre logique politique à celle du Gouvernement.

Il existe une contradiction entre la volonté de mieux programmer le travail parlementaire et la frénésie législative, doublée de l’urgence.

Pour le Gouvernement, en limitant le temps de la discussion, on va forcer tous les parlementaires à prendre leur parole au sérieux.

Il s’agit de programmer le travail parlementaire, de lutter contre l’absentéisme et d’améliorer la qualité du travail parlementaire.

Par ailleurs, la limitation drastique de l’usage du « 49-3 » porte en elle la possibilité d’un blocage absolu du système parlementaire. On ne peut nier ces difficultés.

Cependant, la meilleure façon de programmer les débats est non de limiter ceux-ci dans le temps, mais de faire moins de lois en rafales, longues et très complexes.

Ce dont souffre la qualité des normes, ce n’est pas du temps excessif que leur auraient consacré les parlementaires : c’est d’un empressement retirant au débat sa sérénité et favorisant les malfaçons.

Le Président de la République évoque le « besoin d’agir », et d’agir « vite », bien sûr. Il confond l’annonce de l’action et l’action elle-même !

Le temps de l’annonce n’est pas celui de l’action, surtout en matière législative. Ce n’est pas parce qu’une loi est vite faite qu’elle est bien faite et appliquée. Ce n’est pas la quantité de lois qui fait leur efficacité.

Dans son dernier rapport sur l’application des lois, le Sénat relève qu’à peine un quart des mesures réglementaires attendues pour les lois votées au cours de l’année parlementaire 2007-2008 a été publié, contre 32, 1 % l’année précédente. Pour les lois dont le projet avait fait l’objet d’une déclaration d’urgence, ce taux d’application tombe à 10 % ! On croit rêver ! Seules dix lois votées depuis le début de la législature sont devenues pleinement applicables.

Le nombre et la longueur des textes augmentent sans cesse sous la double influence de la décentralisation et de la construction européenne, mais aussi parce que le Gouvernement ajoute de nombreux articles additionnels à ses propres projets de loi.

La qualité de la loi, la sécurité juridique et la clarté de la loi ne sont plus assurées de façon satisfaisante.

Ainsi, que doit-on penser de l’article 13 figurant dans le présent projet de loi organique alors que le Sénat a annoncé par avance qu’il ne le mettrait pas en application ? Nous connaîtrons sur ce point une situation de bicamérisme inégalitaire, ce qui n’est pas acceptable au regard du bon fonctionnement de l’institution parlementaire.

La loi organique a pour objet de mettre en application certaines dispositions de la Constitution afin d’uniformiser la procédure législative et d’apporter de la cohérence au vote de la loi, puisque la loi est l’expression du Parlement.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’inscrire dans la loi organique que tout article de tout projet ou de toute proposition de loi donne lieu à un débat en séance publique. Ce débat doit inclure la présentation de l’ensemble des amendements déposés sur cet article, l’exposé de l’avis de la commission et du Gouvernement et les explications de vote des membres du Parlement, dans les conditions fixées par les règlements des assemblées parlementaires.

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