Le débat d’aujourd’hui porte sur l’industrie verte. Une fois de plus, il est traité en urgence, de manière décousue et au travers des multiples points que nous devons traiter pour exprimer notre ambition partagée de réindustrialisation de notre pays.
Par ailleurs, la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre du ZAN au cœur des territoires n’a pas encore été votée par l’Assemblée nationale. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) n’est pas non plus encore à l’ordre du jour, alors que, pour produire et réindustrialiser, il faut de l’énergie ; elle sera peut-être examinée au second semestre de cette année.
Nous devons donc examiner le présent texte en urgence, ce qui conduit à une situation absolument incroyable. En effet, messieurs les ministres, résumer l’industrie verte aux énergies renouvelables, cela revient à s’en tenir à une ambition tout de même trop légère par rapport aux capacités industrielles de notre pays. Quelle est la vraie ambition de la France en matière de réindustrialisation ? Quels sont ses objectifs en matière de décarbonation de l’ensemble de notre économie ?
J’insiste de nouveau sur ce point : si nous nous donnons pour ambition de reconquérir notre autonomie industrielle dans les territoires, il faudra aller plus vite. Là encore, le Sénat a été au rendez-vous, en proposant une fourniture d’énergie décarbonée en quantité suffisante pour satisfaire les besoins de l’industrie.
Un autre sujet a été mis sur la table à l’occasion de l’examen de la proposition de loi relative au ZAN. Nous avons évalué entre 20 000 et 30 000 hectares la quantité de foncier nécessaire pour réindustrialiser la France ; or, sur l’autre plateau de la balance, on constate qu’il y a 150 000 hectares de friches dans les territoires. Le problème est, là encore, l’urgence avec laquelle vous voulez que nous transposions dans ce texte cette ambition d’industrie verte, monsieur le ministre Lescure : c’est le problème du temps ! Vous vous êtes satisfait, à juste titre d’ailleurs – étant originaire de cette région, je connais bien le dossier auquel vous avez fait allusion –, de la disponibilité de certaines surfaces ; il n’en reste pas moins qu’il faudra des moyens considérables et beaucoup de temps pour dépolluer les 150 000 hectares de friches industrielles disponibles.
On constate donc un décalage entre la nécessaire ambition de réindustrialisation de la France, que nous partageons, et la gestion financière de l’accompagnement des collectivités vis-à-vis de ces friches parfois orphelines. C’est un vrai sujet d’accessibilité territoriale : il faut que l’ensemble de nos collectivités soient en mesure d’accueillir, à un moment donné, de nouvelles entreprises dans le cadre de la réindustrialisation de la France.
Je voudrais également évoquer l’article 4 de ce texte. Monsieur le ministre, je suis d’accord avec vous quand vous déclarez que le sujet absolument essentiel, aujourd’hui, est ce qui donne à un produit la qualification de « déchet ». La bataille est devenue européenne, voire mondiale, autour de la détention des déchets, parce que derrière cette notion se trouve de l’innovation, de la création de valeur. Nous aurons assurément des débats assez passionnés sur cette question, mais il faut placer le curseur là où il faut, parce que l’enjeu est éminemment stratégique, notamment au vu de la rareté de certains matériaux.
Désormais, en matière industrielle, je ne parlerais plus de déchets, mais de coproduits. Il faut, comme nous l’avons fait lors de l’examen de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, déterminer comment sortir de la qualification de « déchet » pour favoriser l’innovation.
En conclusion, je veux faire remarquer que l’intitulé de ce projet de loi, « relatif à l’industrie verte », est quelque peu trompeur. En effet, comme je l’ai expliqué, cette notion ne se limite pas aux énergies renouvelables, mais doit englober l’ensemble des activités industrielles de notre pays, en accord avec l’ambition de la France d’accéder à une industrie décarbonée et d’accompagner celle-ci, parce que c’est l’enjeu économique de demain.