Intervention de Jean-Christophe Combe

Réunion du 4 juillet 2023 à 14h30
Protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Jean-Christophe Combe :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous connaissons toutes et tous, même si nous n’avons pas été directement confrontés à ces situations, les souffrances et les difficultés que rencontrent de trop nombreuses familles de notre pays : celles dont les enfants sont atteints d’une grave maladie, victimes d’un accident ou en situation de handicap, et dont le quotidien, parce qu’elles sont frappées par le sort, bascule du jour au lendemain.

En tant que ministre des familles, c’est à ces familles que je pense avant tout en m’exprimant aujourd’hui devant vous. Et c’est en leur nom que je me réjouis du chemin déjà parcouru par la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par le député Paul Christophe, que votre commission des affaires sociales a adoptée la semaine dernière.

Madame la rapporteure, je salue le travail que vous avez accompli à ce titre. Le présent texte a été précisé et enrichi par plusieurs amendements déposés par vos soins.

Beaucoup a été fait ces dernières années en faveur d’un meilleur accompagnement des parents d’enfants malades ou en situation de handicap, souvent d’ailleurs sur l’initiative du Parlement.

Nous avons tous en mémoire le vote, en 2019, de la loi visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels et le droit à l’oubli ; celui, en 2021, de la loi visant à l’accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer ; ou encore celui, toujours en 2021, de la loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d’un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu.

Le Gouvernement agit également en matière de recherche.

Vous connaissez l’engagement du ministre de la santé et de la prévention, François Braun, dans la lutte contre les cancers pédiatriques, enjeu médical majeur qui concerne chaque année environ 2 500 enfants et adolescents. Si la majorité d’entre eux guérissent, il nous faut poursuivre nos efforts, car, pour 20 % d’entre eux, il n’y a qu’un seul et unique espoir : le progrès de la recherche.

Le Gouvernement s’y attelle au travers de la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030, dont certaines mesures sont spécifiquement dédiées à cette question.

Nonobstant les progrès accomplis, il nous faut aller plus loin pour améliorer l’accompagnement que nous proposons à ces familles. C’est une demande forte et légitime de leur part et de celle des associations qui les représentent et les soutiennent.

Nombre de ces associations, réunies pour beaucoup au sein de la fédération Grandir sans cancer, agissent au quotidien aux côtés des parents. Elles jouent parfois un rôle salutaire d’aiguillon auprès des pouvoirs publics, pointant certains irritants et proposant l’évolution de certains dispositifs. Je salue ainsi le dialogue qui est engagé avec les associations Eva pour la vie, Rose et Léa.

Je relève aussi l’engagement des chercheurs, des professionnels engagés dans la lutte contre les cancers, maladies graves et handicaps de l’enfant, ainsi que dans l’accompagnement de leurs familles. C’est notamment avec ces acteurs que votre collègue député Paul Christophe, auteur d’un excellent rapport sur le sujet, a rédigé le texte qui vous est présenté aujourd’hui et dont les dispositions, soutenues par le Gouvernement, viendront utilement compléter les mesures fortes déjà appliquées.

Je pense avant tout aux dispositifs de congé de présence parentale (CPP) et d’allocation journalière de présence parentale (AJPP), que cette proposition de loi renforce. Cette prestation est versée chaque année à environ 10 000 parents s’occupant d’un enfant malade, victime d’un accident ou en situation de handicap. Son droit est ouvert pour une période égale à la durée du traitement de l’enfant, fixé par un certificat médical établi par le médecin traitant.

Grâce à la représentation nationale, le nombre maximum de jours du congé indemnisés par l’allocation, fixé à 310, peut être doublé depuis 2021. Ce congé peut ainsi atteindre 620 jours, dans les situations caractérisées par des traitements longs qui nécessitent un arrêt total d’activité de la part de l’un des parents.

Cette amélioration majeure concerne 5 % des bénéficiaires de l’AJPP, qui, face à des maladies longues – j’y insiste, ces situations extrêmement difficiles appellent une présence continue du parent auprès de l’enfant –, allaient auparavant au terme des 310 jours. La représentation nationale a donc eu raison de se saisir de cette question.

Le dispositif fonctionne, mais – les remontées de terrain en témoignent – il est parfois grippé par des délais excessifs. Une telle situation n’est bien sûr pas satisfaisante : il convient de simplifier les démarches.

Il fallait le faire, tout d’abord, au moment de l’ouverture des droits, avec l’idée de procéder à la liquidation de la prestation sans attendre l’avis du service de contrôle médical de la caisse d’assurance maladie. Ce contrôle a priori est parfois retardé du fait de la charge de travail importante des services. Nous passerons à un contrôle a posteriori, qui facilitera l’accès rapide à la prestation.

En matière de renouvellement exceptionnel des droits, une simplification est également prévue, avec la suppression de l’avis explicite aujourd’hui requis de la part du service de contrôle médical.

Ces mesures s’inscrivent pleinement dans la logique gouvernementale en faveur de l’accès rapide et effectif au droit. Ces questions sont au cœur du dialogue que je mène avec l’ensemble des acteurs, en particulier avec la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Cette dernière se montre de plus en plus souple : à preuve, elle modernise ses pratiques et les adapte aux attentes et aux besoins de nos concitoyens. Je salue à ce titre l’action des 35 000 agents des caisses d’allocations familiales (CAF), présents au quotidien aux côtés des bénéficiaires qu’ils accompagnent. La prochaine convention d’objectifs et de gestion (COG) entre l’État et la Cnaf, qui sera signée dans les prochains jours, va d’ailleurs dans le sens d’un accès encore plus effectif aux droits.

Les autres dispositions de cette proposition de loi visent à répondre à un ensemble de problématiques liées aux bouleversements que représente, pour les familles concernées, la survenue chez leur enfant d’un accident, d’une maladie ou d’un handicap.

Pour ce qui concerne les problématiques d’ordre professionnel, en renforçant la protection contre le licenciement, ou encore en facilitant le recours au télétravail, ce texte traite de ce que j’aime à qualifier de « responsabilité familiale des entreprises ».

Nous connaissons depuis longtemps la responsabilité sociale et environnementale (RSE). Face aux enjeux de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, et alors que notre rapport collectif au travail est en train de changer, cette composante familiale devient incontournable. Elle commence par une organisation qui tient compte de la dimension parentale du salarié, et donc de l’intérêt des enfants.

Nombre d’entreprises l’ont déjà compris et je souhaite que cette tendance s’accélère. Elles y sont invitées par les articles de ce texte portant allongement de la durée du congé de deuil pour décès d’un enfant et du congé pour l’annonce de la survenue d’un handicap ou d’une affection de longue durée chez un enfant.

Le Gouvernement soutient ces mesures. Il a d’ailleurs déposé un amendement visant à les étendre aux agents de la fonction publique. Dans les faits, elles offriront davantage de temps aux parents concernés par ces situations, pour certaines très difficiles, pour d’autres dramatiques.

Il faut du temps pour faire son deuil ou prendre la mesure de la situation nouvelle et des bouleversements induits. À cet égard, le présent texte contient de nombreuses avancées pour les familles : nous nous retrouverons tous, sans difficulté, pour les soutenir.

Il nous faudra, bien sûr, continuer à rechercher des améliorations. Je suis convaincu que ce travail passe notamment par des initiatives locales, des retours d’expérience et des expérimentations.

À ce titre, le Gouvernement soutient pleinement l’article 5 de la proposition de loi : l’expérimentation qu’il prévoit permettra aux CAF de rester souples et de proposer aux bénéficiaires qu’elles accompagnent des aménagements que nous ne connaissons pas aujourd’hui, mais qui auront peut-être vocation, demain, à être généralisés.

En tout cas, la question se posera toujours en relation avec les parents, dont nous devons entendre les besoins et les attentes, et avec les professionnels qui les accompagnent, lesquels doivent continuer à nous dire ce qui fonctionne et ce qui doit être amélioré.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion