Intervention de Marie-Pierre Richer

Réunion du 4 juillet 2023 à 14h30
Protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Marie-Pierre RicherMarie-Pierre Richer :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré un cadre législatif dynamique, marqué par l’adoption de trois textes depuis 2020, les familles d’enfants atteints d’un handicap ou d’une maladie grave se heurtent encore à des obstacles de natures diverses, tant dans leur situation professionnelle que dans les démarches administratives et médicales à accomplir.

Ces obstacles sont d’autant plus malvenus que les familles concernées sont souvent – il n’est nul besoin de le dire – bouleversées par la situation.

En l’absence d’un projet de loi plus englobant pour améliorer les conditions d’existence des familles, il nous revient donc, de nouveau, de légiférer sur cette question pour répondre à la demande de celles qui connaissent des situations difficiles, et que l’ensemble des associations que j’ai auditionnées m’ont résumée en un mot : répit.

En allégeant leurs démarches et en sécurisant leurs conditions d’existence, cette proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour du Sénat par le Gouvernement près de quatre mois après son adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale, vise à permettre aux parents concernés d’être davantage présents physiquement, mais aussi mentalement, auprès de leur enfant.

L’amélioration du CPP et de l’AJPP est au cœur de ce texte. Ces dispositifs permettent au parent d’un enfant dont l’état de santé justifie sa présence d’interrompre son activité professionnelle pendant 310 jours fractionnables, sur une période maximale de trois ans, et renouvelables une fois. En compensation de la perte de revenus qui en découle, les parents bénéficient d’une allocation forfaitaire.

Avant de vous présenter ces dispositions plus en détail, je tiens à remercier l’auteur de cette proposition de loi et rapporteur de l’Assemblée nationale, le député Paul Christophe, dont je salue la présence en tribune aujourd’hui. Je remercie également notre collègue Brigitte Micouleau de son appui et son soutien lors de l’instruction de ce texte au Sénat. Elle est, comme vous le savez, très engagée auprès des familles et des associations.

L’article 1er vise à offrir une protection contre le licenciement aux salariés en congé de présence parentale. Les salariés dont l’enfant souffre d’une maladie ou d’un handicap graves ont un besoin accru de stabilité dans tous les pans de leur vie, au premier chef dans leur vie professionnelle. Pourtant, comme l’ont révélé les auditions, des discriminations et des intimidations qui, fussent-elles rares, n’en sont pas moins inacceptables, restent à déplorer, justifiant ainsi l’intervention du législateur.

En offrant une protection ex ante aux salariés en congé de présence parentale, l’article 1er rend impossible le licenciement d’un salarié en congé de présence parentale du fait même de son statut, hors cas de faute grave et de force majeure, sur le modèle de la protection contre le licenciement des femmes en congé de maternité.

Pour atteindre pleinement son objectif, cette protection devait toutefois s’appliquer à tous les parents en CPP, quels que soient leurs choix professionnels. En ce sens, la commission a adopté cet article modifié par un amendement tendant à préciser que la protection contre le licenciement était applicable à toute la durée du congé de présence parentale, y compris lors des éventuelles périodes de reprise du contrat de travail entre deux périodes de congés.

L’article 1er bis, inséré en séance à l’Assemblée nationale, allonge la durée minimale de deux congés pour événements familiaux. Il couvre deux sujets bien distincts.

D’une part, cet article étend de deux à cinq jours ouvrables la durée du congé pour annonce de la survenue d’un handicap ou d’une pathologie grave chez l’enfant. Cette mesure, plébiscitée par les associations, laissera davantage de temps aux familles pour assimiler la nouvelle et accomplir les démarches prenantes et chronophages auxquelles elles sont confrontées après l’annonce. La commission l’a donc adoptée sans modification.

D’autre part, l’article 1er bis augmente la durée du congé pour le salarié dont un enfant décède. Le texte transmis par l’Assemblée nationale se bornait à porter de cinq à douze jours ouvrables le congé dans le cas général, sans toutefois modifier le congé spécifique pour la perte d’un enfant de moins de 25 ans, qui restait fixé à sept jours ouvrés.

La commission a adopté un amendement tendant à corriger cette incohérence en préservant la position du Sénat, qui, en 2020, a entendu conférer deux jours de congé supplémentaires en pareil cas. Elle a donc fixé à quatorze jours ouvrables le congé minimal pour un salarié confronté à la perte d’un enfant ou d’une personne à charge de moins de 25 ans, ou à la perte d’un enfant lui-même parent.

En concertation avec le Gouvernement, qui en assure la recevabilité financière au titre de l’article 40 de la Constitution, je vous proposerai, au nom de la commission, un amendement visant à répercuter les modifications adoptées pour les salariés sur les agents publics, afin de garantir l’égalité des droits en la matière.

Certes, il ne revient pas à la loi de fixer le congé pour le décès d’un enfant chez les militaires. Mais j’appelle le Gouvernement à leur rendre applicables les modifications mises en œuvre par ce texte s’il devait, comme je l’espère vivement, arriver au terme de son cheminement parlementaire.

L’article 2 simplifie et assouplit le recours au télétravail pour les salariés aidants. Les accords collectifs régissant le télétravail devront désormais évoquer distinctement les modalités d’accès au travail à distance pour ces salariés. En parallèle, l’employeur refusant d’accorder le bénéfice du télétravail à un salarié aidant devra motiver sa décision.

Mes chers collègues, j’en suis consciente, cet article ne touchera pas tous les parents aidants. Ceux dont le métier n’est pas télétravaillable ne pourront pas bénéficier de cette avancée, tout comme ceux dont l’état de santé de l’enfant est incompatible avec l’exercice du télétravail, qui implique – rappelons-le – les mêmes sujétions qu’une activité professionnelle sur site. Toutefois, cet article procède d’une logique vertueuse. Il repose sur la confiance dans le dialogue social pour fixer les dispositions adaptées, afin d’offrir davantage de flexibilité aux salariés aidants. C’est pourquoi la commission l’a adopté sans modification.

Les articles suivants concernent les bénéficiaires de l’allocation journalière de présence parentale.

Comme je l’ai indiqué, cette allocation peut désormais être renouvelée, en vertu de la loi du 15 novembre 2021. Il convient, pour ce faire, qu’un nouveau certificat médical atteste le caractère indispensable de la poursuite des soins contraignants et d’une présence soutenue.

Néanmoins, le renouvellement de l’AJPP est soumis à l’accord explicite du service du contrôle médical de l’assurance maladie, par dérogation au principe appliqué à une première demande, selon lequel le silence gardé pendant deux mois vaut acceptation. De cette inversion de logique résultent des délais trop longs d’instruction des demandes, plaçant les familles dans des situations délicates.

L’article 3 supprime ce caractère explicite. En outre, il permet aux CAF d’accorder une avance sur prestation afin d’éviter toute rupture de ressources pour les parents éligibles à l’AJPP. La commission vous invite à adopter cet article en l’état pour simplifier le recours à la prestation.

Cette même intention se traduit à l’article 5, qui permet aux CAF de mettre en œuvre des innovations, à titre expérimental, dans le service de l’AJPP afin de prémunir ses allocataires de difficultés financières.

L’article 4 apporte lui aussi un ajustement à une réforme récemment votée. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 a revalorisé le montant de l’AJPP, ainsi que celui de l’allocation journalière du proche aidant (AJPA), calculé selon les mêmes modalités. Ces deux allocations sont désormais indexées sur le Smic et portées à 1 373 euros par mois pour vingt-deux jours d’allocation. La LFSS a toutefois prévu, avec une date d’entrée en vigueur différée au 1er janvier 2024, un mécanisme d’écrêtement pour éviter les effets d’aubaine.

Le montant de ces deux allocations versées aux non-salariés des professions agricoles et à leurs conjoints collaborateurs ne peut excéder les revenus journaliers tirés de leur activité professionnelle.

Cette modulation s’applique aussi aux bénéficiaires d’une allocation chômage. Or le soupçon d’un effet d’aubaine lors de la revalorisation de l’allocation n’est étayé en rien. De plus, la mise en œuvre de ce dispositif, particulièrement complexe, aurait mobilisé des moyens disproportionnés pour la branche famille. Pour ces raisons, la commission est favorable à cet article, qui supprime le mécanisme d’écrêtement.

En vertu de l’article 4 bis, un bailleur ne peut plus refuser le renouvellement du bail à un locataire bénéficiaire de l’AJPP aux ressources modestes, à moins qu’une solution de relogement, correspondant à ses besoins et à proximité géographique, ne lui soit proposée. Les associations entendues en audition ont mentionné des difficultés dans l’accès au logement des bénéficiaires de l’AJPP. Selon elles, la priorité est de garantir la situation de ceux qui disposent déjà d’un logement.

Cette limitation du droit de propriété des bailleurs, analogue à la protection dont bénéficient les personnes âgées de plus de 65 ans aux faibles revenus, ne doit pas être surestimée. D’une part, le nombre de bénéficiaires de l’AJPP est très limité : on en compte 11 000 pour toute la France et tous ne sont pas locataires. D’autre part, la durée de cette protection est en réalité assez réduite : la prestation est, en moyenne, versée pour huit mois seulement et ne peut en aucun cas dépasser six ans. Pour ces raisons, la commission a adopté cet article.

Mes chers collègues, le présent texte contient des avancées très attendues pour les familles confrontées à la maladie ou au handicap graves d’un enfant. Il offrira un parcours simplifié aux allocataires de l’AJPP, protégera davantage les parents concernés de certains risques socioprofessionnels et permettra une meilleure adaptation du monde du travail aux caractéristiques de ces salariés.

La commission vous invite donc à accorder une vaste majorité au texte issu de ses travaux. C’est peu dire que les familles attendent avec une grande impatience le vote de cette proposition de loi.

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