Intervention de Dominique Faure

Réunion du 13 juillet 2023 à 10h30
Objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire sur une proposition de loi

Dominique Faure :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de vous retrouver aujourd’hui dans l’hémicycle pour le vote des conclusions de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux.

Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Christophe Béchu, qui a défendu ce texte au Sénat et à l’Assemblée nationale : il est retenu en conseil des ministres, où il présente le projet de loi relatif à l’accélération de la reconstruction des bâtiments dégradés ou démolis au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023 et au traitement des copropriétés dégradées, que vous aurez l’occasion d’examiner la semaine prochaine.

La lutte contre l’artificialisation des sols, comme vous le savez, est décisive pour limiter l’empreinte environnementale de notre société. En effet, un sol artificialisé ne stocke plus de CO2 et il devient un espace stérile pour la biodiversité. Imperméable, il contribue directement et massivement au dérèglement du cycle de l’eau, cette perturbation que nous vivons un peu plus durement chaque année.

Depuis 1981, la surface des terres artificialisées serait passée de 3 millions d’hectares à 5, 1 millions d’hectares, sous l’effet d’une croissance qui est nettement supérieure à celle de la population.

L’objectif de ZAN apparaît donc comme une réponse indispensable pour faire face à l’urgence de lutter contre l’artificialisation des sols ; il faut en préserver la trajectoire tout en facilitant sa territorialisation, par le dialogue.

Pour mettre un terme au cercle vicieux de l’artificialisation des sols, le Parlement a adopté la trajectoire ZAN dans le cadre de l’examen de la loi Climat et résilience, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

L’engagement est double. Premièrement, il s’agissait de diminuer par deux la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) au cours de la décennie 2021-2031 par rapport à la décennie précédente 2011-2021. Concrètement, cela revient à prolonger la baisse déjà observée de la consommation d’espaces naturels, en réalisant un effort supplémentaire pour tenir un objectif moyen de consommation de 12 500 hectares par an jusqu’en 2031. En cela, je souligne que la loi n’a pas entraîné de rupture dans les pratiques d’aménagement. Elle ne fait qu’amplifier une tendance déjà en cours en prévoyant que les territoires fourniront un effort supplémentaire, mais qui reste limité.

Pour franchir la marche suivante, il faudra parvenir à un usage des sols de zéro artificialisation nette à l’horizon 2050. Concrètement, cela reviendra à faire le solde entre les surfaces nouvellement artificialisées et les surfaces rendues à la nature.

Nous ne sommes pas les seuls à suivre une telle démarche. Bon nombre de nos partenaires européens ont d’ores et déjà adopté des mesures visant à limiter progressivement l’artificialisation des sols. Dans la continuité des recommandations de la commission spéciale, l’objectif fixé à l’échelle européenne est également celui de zéro artificialisation nette d’ici à 2050.

Notre volonté, constante depuis le début, est d’une part de garantir l’application et le respect de cette trajectoire, à la fois parce qu’elle est indispensable et parce qu’elle est issue d’un vote de la représentation nationale ; d’autre part de privilégier toujours le dialogue et la concertation avec les élus locaux pour sa mise en œuvre territorialisée.

Tel est l’esprit qui a guidé le Gouvernement depuis le début de l’examen du texte et qui a prévalu dans le cadre du compromis trouvé en commission mixte paritaire.

Deuxièmement, il s’agissait de construire un chemin de consensus en commission mixte paritaire. Le texte que nous examinons aujourd’hui a fait l’objet de longs débats : plus de treize heures d’examen en séance au Sénat, plus de quinze heures à l’Assemblée nationale et six heures de commission mixte paritaire.

Un chemin de consensus s’est dessiné au cours de ces échanges, nourris également des nombreuses discussions avec les associations d’élus, comme vous l’avez mentionné, monsieur le rapporteur.

La proposition de loi contient ainsi des mesures de bon sens et de facilitation, sur lesquelles nous sommes d’accord depuis le début. Il s’agit tout d’abord de la prise en compte de la renaturation avant 2031, de la mise en place de nouveaux outils pour les communes afin de mieux maîtriser les projets avant 2031, date à laquelle seront instaurés un droit de préemption élargi pour les communes et un mécanisme de sursis à statuer spécifique, ou encore de la possibilité offerte aux communes littorales d’anticiper le recul du trait de côte dans la recomposition urbaine qu’il induit.

Il y a ensuite des dispositions dont nous comprenons l’esprit, mais qui relèvent du domaine réglementaire. Je pense notamment aux liens juridiques entre les différents documents d’urbanisme, à la prise en compte des efforts passés ou des spécificités des différents territoires, ou encore aux dispositions relatives à la nomenclature de l’artificialisation.

Ces dispositions ont été retranscrites dans la réécriture des décrets du 29 avril 2022, actuellement soumis à la consultation du public.

Enfin, le Gouvernement était attaché à deux grands principes, dans la continuité des annonces faites par la Première ministre lors du dernier congrès de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité.

Tout d’abord, il s’agit de la prise en compte des communes les plus petites au travers du principe d’une garantie rurale. Le compromis trouvé en commission mixte paritaire préserve la garantie à 1 hectare, souhaitée par le Sénat, et permet à toutes les communes de bénéficier de ce minimum, qu’elles soient couvertes par un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), un plan local d’urbanisme (PLU) ou une carte communale. Les communes ont également la possibilité de prescrire un document d’urbanisme avant le 1er août 2026, si elles souhaitent bénéficier de la garantie rurale.

Ensuite, il s’agit de la prise en compte des villes les plus grandes lors des grands projets d’envergure nationale. Un consensus a été trouvé sur le fait que certains grands projets de l’État, portant par exemple sur des infrastructures majeures, telles que les lignes à grande vitesse ou le projet de canal Seine-Nord Europe, consomment beaucoup d’espace à l’échelle d’une région. Ils doivent faire l’objet d’une prise en compte spécifique, sans que cela remette en cause l’objectif de réduction de 50 % de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers fixé pour 2031.

Le compromis trouvé en commission mixte paritaire permet que la liste des grands projets reste définie, après consultations, par l’État, tout en prévoyant un droit de proposition des régions. Un forfait de 12 500 hectares est prévu, dont 10 000 seront mutualisés entre les régions couvertes par un Sraddet.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte issu de nos débats est bien un texte de compromis, qui permet d’adapter les dispositions de la loi Climat et résilience à la réalité des territoires sans revenir pour autant sur les objectifs et sur la trajectoire que nous nous étions collectivement fixés en 2021.

Je souhaite que nous puissions aujourd’hui adopter un texte qui fasse consensus et qui permette une meilleure appropriation de l’objectif de réduction de l’artificialisation dans les territoires, condition essentielle de son efficacité.

Je sais par ailleurs que nous aurons l’occasion de nous revoir pour parler de sujets directement liés à notre trajectoire de réduction de l’artificialisation des sols.

L’État devra être au rendez-vous – il le sera – pour accompagner les collectivités territoriales, notamment les plus petites d’entre elles, en matière d’ingénierie. Nous devons également, comme le dispose l’article 15 du texte sur lequel vous allez vous prononcer aujourd’hui, approfondir la réflexion qui est en cours sur la fiscalité, comprise comme un outil de lutte contre l’artificialisation des sols. La transition écologique représente un véritable défi pour nous tous, qui mérite bien que les clivages soient dépassés, dans l’intérêt commun des Français.

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