Intervention de Béatrice Gosselin

Réunion du 13 juillet 2023 à 10h30
Biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Photo de Béatrice GosselinBéatrice Gosselin :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est une nouvelle fois avec une grande émotion que j’interviens à la tribune alors que nous nous apprêtons, j’en forme le vœu, à adopter définitivement le projet de loi relatif à la restitution des biens culturels spoliés.

Les débats intervenus jusqu’ici dans chacune des deux chambres du Parlement ont démontré combien ce texte était attendu.

Même si nous sommes conscients que les crimes de la Shoah sont irréparables, nous savons qu’il est de notre devoir de faire œuvre de justice et d’humanité en proposant des solutions justes et équitables, conformément aux principes de Washington.

Les spoliations de biens culturels ont porté atteinte aux Juifs d’Europe dans leur dignité, leur culture, leur histoire et leur identité. Elles ne peuvent être dissociées de la politique d’extermination conduite pendant cette période ; c’est pourquoi la restitution des biens qui appartiennent aux collections publiques m’apparaît comme impérieuse : elle fait partie intégrante du travail de mémoire et de justice vis-à-vis de la Shoah.

L’adoption à l’unanimité du projet de loi en première lecture, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, a permis de mettre en évidence le consensus politique qui se dégage autour de ce texte.

Lors de l’examen du premier texte de restitution de biens spoliés, voilà un an et demi, nos deux chambres s’étaient d’ailleurs exprimées en faveur de l’adoption d’un cadre général permettant de simplifier et d’accélérer la restitution des biens spoliés appartenant aux collections publiques.

Le texte n’a que peu évolué par rapport à la rédaction que nous avions adoptée en première lecture. L’Assemblée nationale n’a remis en cause ni l’architecture de la procédure de restitution qui figurait dans le projet de loi initial, à laquelle nous avions souscrit, ni les apports du Sénat destinés à en renforcer la transparence et à en faciliter l’application.

Ses modifications ont visé à approfondir le travail que nous avions amorcé et à sécuriser encore davantage la procédure de restitution. Ainsi, plusieurs d’entre elles ont permis d’apporter une réponse à des préoccupations que nous avions exprimées en séance.

Le texte prévoit désormais la possibilité de solliciter le concours de l’État pour octroyer une compensation financière aux victimes ou à leurs ayants droit en échange du maintien du bien, avec leur accord, dans la collection publique.

Si l’Assemblée nationale a souhaité que le rapport destiné à informer le Parlement des restitutions opérées ne soit finalement transmis que selon un rythme bisannuel, elle en a, en contrepartie, étendu le champ à un certain nombre de données qualitatives sur la recherche de provenance susceptibles de nous satisfaire.

La commission de la culture est convaincue que l’intensification du travail de recherche de provenance est la clef de voûte des restitutions à venir.

En demandant au Gouvernement de nous fournir des éléments sur son action pour contribuer à son développement, nous l’incitons à aller de l’avant. Pour autant, cela ne nous empêchera pas de nous montrer extrêmement vigilants sur ces points lors de l’examen, chaque année, du projet de loi de finances.

Comme nous, en première lecture, l’Assemblée nationale s’est montrée sensible à la nécessité de mieux reconnaître la responsabilité propre du régime de Vichy dans les persécutions antisémites.

La formule à laquelle elle est parvenue pour caractériser les autorités responsables apparaît comme un bon compromis. En évoquant « l’État français entre le 10 juillet 1940 et le 24 août 1944 », soit, entre la date du vote des pleins pouvoirs à Philippe Pétain et la date de publication du dernier Journal officiel de l’État français, le législateur reconnaît clairement la responsabilité de l’État pendant cette période – c’est-à-dire celle des autorités politiques comme de l’administration. Il se garde ainsi de revenir en arrière par rapport à la reconnaissance de la responsabilité de l’État français opérée par le Président de la République Jacques Chirac en 1995.

Dans ces conditions, la commission mixte paritaire s’est contentée de strictes modifications rédactionnelles.

J’espère de tout cœur que ce texte recueillera votre approbation unanime. Je crois devoir insister sur le fait que ce n’est pas remettre en cause le caractère inaliénable des collections que d’en demander la levée pour les biens spoliés ; cela répond, au contraire, à une nécessité, tant par devoir vis-à-vis des victimes, que par besoin de légitimité de nos collections elles-mêmes.

L’objectivité, la transparence et la collégialité de la procédure mise en place sont de solides garanties. Il nous appartiendra désormais de veiller à ce que ce texte historique et hautement symbolique trouve sa traduction concrète, pour qu’il soit l’instrument de justice auquel nous aspirons.

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