Intervention de Sabine Drexler

Réunion du 13 juillet 2023 à 10h30
Biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 — Vote sur l'ensemble

Photo de Sabine DrexlerSabine Drexler :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons au bout du processus législatif, engagé sur l’initiative du ministère de la culture, relatif à ce nouveau texte, soutenu par le Sénat.

L’année dernière, ensemble, nous avons permis la restitution de quatorze œuvres spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale.

Aujourd’hui, par ce texte, nous allons encore un peu plus loin en créant un cadre de simplification, assorti de garanties mises en œuvre par la CIVS, qui permettra de restituer des œuvres culturelles appartenant aux collections publiques.

Après des investigations minutieuses et un accord amiable signé par les parties, ces œuvres pourront enfin revenir aux descendants de leurs propriétaires.

Nous n’effacerons malheureusement pas ce qui a eu lieu – persécutions, spoliations, arrestations, déportations et terribles exterminations. Le passé est passé, alors saisissons-nous aujourd’hui, mes chers collègues, de toutes les occasions qui nous sont données pour tenter de réparer et de rendre justice.

Alors que les derniers rescapés disparaissent, j’espère que cela permettra aux victimes de trouver une forme de repos et de panser, autant que faire se peut, les plaies de ces vies et de ces familles brisées.

Même si ces démarches n’effacent pas et n’excusent en rien les crimes commis pendant cette période, elles contribueront, nous l’espérons tous, à honorer un triple devoir : celui de mémoire, bien sûr, celui de reconnaissance des crimes dont les familles ont été les victimes, mais aussi un devoir d’éducation, celui de n’avoir jamais de cesse de rappeler la réalité de ce qui s’est passé, d’empêcher certains de réécrire l’histoire et de contribuer inlassablement à entretenir la vigilance face à l’antisémitisme et à toutes les formes de xénophobie qui ressurgissent insidieusement, ou parfois, depuis quelques années, sous la forme de violences extrêmes.

Le génocide des Juifs européens par les nazis, qui, dans notre pays, fut « secondé » par les autorités françaises, pour reprendre le terme employé par Jacques Chirac dans son discours de 1995, nous oblige à nous saisir de chaque occasion de panser, autant que faire se peut, cette blessure. Ce texte constitue à cet égard une nouvelle avancée qu’il faut saluer.

On estime qu’au moins 5 millions de livres et environ 100 000 œuvres d’art ont été spoliés en France pendant l’Occupation. Environ 45 000 de ces œuvres ont été restituées après la guerre et près de 2 200 d’entre elles font partie, aujourd’hui encore, des collections des musées nationaux.

Ces données sont fondées sur les déclarations effectuées après la guerre par les personnes spoliées. Or l’on sait que toutes n’ont pas déclaré la disparition ou la vente forcée de leurs biens. Il convient donc d’envisager ces données avec précaution, car l’on peut penser qu’elles sont certainement en dessous de la réalité.

J’estime que nous pouvons collectivement nous réjouir de cette volonté de réparation qui, aujourd’hui, nous anime tous. Ce n’est que justice que de permettre aux victimes et à leurs héritiers de pouvoir ainsi retrouver leurs biens familiaux.

Élue d’un territoire, l’Alsace, qui a une histoire complexe et singulière, liée notamment à la présence d’une importante communauté juive remontant au XIIe siècle, et native d’un village que l’on appelle aujourd’hui encore « la petite Jérusalem du Sundgau », je suis particulièrement heureuse que la voie soit ouverte.

Il nous appartient maintenant collectivement de continuer sur ce chemin. Nous comptons sur vous et sur votre administration, madame la ministre, pour continuer d’allouer les moyens nécessaires à l’accompagnement de cette politique de restitution auprès des musées.

Je tiens à saluer le travail effectué par ma collègue rapporteure Béatrice Gosselin, ainsi que par nos collègues, ici même, au Sénat, mais également par les députés qui ont travaillé sur ce texte. Ce travail empreint d’humanité a permis de trouver un accord lors de la commission mixte paritaire.

Il est heureux et éminemment rassurant que, sur ce sujet, l’unanimité ait prévalu dans les deux chambres.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, c’est avec conviction et émotion qu’avec l’ensemble de mon groupe je voterai les conclusions de la commission mixte paritaire.

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