Intervention de Rima Abdul-Malak

Réunion du 13 juillet 2023 à 10h30
Biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 — Adoption définitive des conclusions d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Rima Abdul-Malak  :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mon cher Laurent Lafon, madame la rapporteure, ma chère Béatrice Gosselin, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, voilà un mois et demi, je défendais devant vous mon premier projet de loi, relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945.

Un peu plus tôt aujourd’hui, l’Assemblée nationale a adopté le texte issu des travaux conclusifs de la commission mixte paritaire du 6 juillet dernier.

Je viens maintenant devant vous pour l’étape ultime de ce parcours démocratique exemplaire, construit à partir du Sénat, dans un esprit de responsabilité dont je souhaite vous remercier très sincèrement.

Ce 13 juillet s’inscrira désormais dans le calendrier comme une date symbole, à quelques jours de la journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux Justes de France, telle qu’instaurée par la loi du 10 juillet 2000 afin de marquer l’anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942.

Ce projet de loi, vous l’avez fait vôtre en proposant des amendements sous la coordination engagée de la rapporteure Béatrice Gosselin.

Vous l’avez fait vôtre en vous inscrivant dans un travail mené de longue date par le Sénat. Je tiens à saluer de nouveau l’engagement de l’ancienne sénatrice Corinne Bouchoux, qui a formulé dès 2013, dans son rapport d’information Œuvres culturelles spoliées ou au passé flou et musées publics : bilan et perspectives, des propositions très constructives.

Vous l’avez fait vôtre en défendant, au nom des Français que vous représentez, une haute idée de la justice et un rapport responsable à notre histoire.

Une fois adopté, ce texte sera la première loi depuis la Libération reconnaissant la spoliation spécifique subie par les Juifs en France et partout, du fait de l’Allemagne nazie et des diverses autorités qui lui ont été liées.

Nous avons eu de nombreux débats sémantiques, ici, comme à l’Assemblée nationale. Ceux-ci étaient importants, car chaque mot compte. Notre rapport à l’histoire nécessite une grande précision.

Je tiens à saluer le travail que vous avez mené en lien avec les députés avec rigueur, solennité et un grand sens éthique pour aboutir aux formulations les plus justes. La qualité et la profondeur de nos débats donnent une force politique toute particulière à ce texte.

Il s’agit d’un projet de loi de justice, de mémoire, mais aussi, et surtout, d’action. En permettant de déroger au principe d’inaliénabilité, il ouvre, pour les musées et les bibliothèques de France, une nouvelle ère de recherches et de restitutions.

Après son adoption, le travail qui a été engagé depuis la création, au ministère de la culture, de la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS), va se poursuivre et s’amplifier. Je sais pouvoir compter sur vous pour relayer l’importance des recherches de provenance, pour encourager les professionnels des musées de vos circonscriptions à conduire ces travaux et les collectivités à utiliser l’outil que leur offrira aujourd’hui la loi pour restituer les œuvres spoliées aux Juifs entre 1933 et 1945.

Vous m’avez plusieurs fois interpellée sur l’enjeu des moyens.

La M2RS, que nous avons créée en 2019 au ministère de la culture, est composée de six agents extrêmement engagés ; ils sont tous en tribune aujourd’hui, je tiens à les saluer et à les remercier.

Elle dispose d’un budget de 220 000 euros pour financer des missions de recherche assurées par des chercheurs indépendants, auquel j’ai ajouté 100 000 euros en 2023 pour amorcer une aide aux musées territoriaux qui veulent mener des recherches sur leurs collections. Nous irons encore plus loin en 2024.

N’oublions pas, par ailleurs, le rôle direct des musées et des institutions culturelles. Au musée du Louvre, trois postes à temps plein sont consacrés à la recherche de provenance ; le musée d’Orsay vient d’en créer un ; le musée de la musique en a créé un récemment. Il en va de même de l’Institut national d’histoire de l’art (INHA) – je salue la présence d’Ines Rotermund-Reynard en tribune – et de musées territoriaux, à l’instar du musée Faure d’Aix-les-Bains ou du musée des Beaux-Arts de Rouen. Nous serons au rendez-vous de la montée en puissance des recherches de provenance.

Nous répondrons également aux besoins en matière de formation, j’y tiens énormément.

Nous avons mis en place une formation obligatoire sur les spoliations entre 1933 et 1945 pour tous les élèves conservateurs du patrimoine et conservateurs des bibliothèques ; nous avons lancé, cette année, une sensibilisation-formation pour les élèves commissaires-priseurs ; j’ai mentionné plusieurs fois le nouveau diplôme universitaire (DU) de recherche de provenance des œuvres d’art à l’Université Paris Nanterre, et nous allons créer à partir de septembre un nouveau master 2 de recherche de provenance de l’École du Louvre. Il s’agit d’avancées majeures qui datent d’un ou deux ans seulement : un pas de géant après tant d’années d’attente.

Au moment du soixante-quinzième anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau, lorsque le Président de la République s’est rendu au Mémorial de la Shoah, il a déclaré : « […] le “plus jamais” que nous dicte la Shoah est un impératif catégorique. Le souvenir de l’horreur ne doit pas s’estomper, la Shoah ne doit pas cicatriser. Elle doit rester une plaie vive au flanc de l’humanité, au flanc de notre République. Notre vigilance doit sans cesse être éclairée par notre mémoire. »

Ce projet de loi répond bien à cette nécessité. C’est un texte d’action pour que ce devoir de mémoire et de vigilance se traduise par des actes de justice, qui continuent d’éclairer notre histoire autant que notre avenir.

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