Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les sénateurs, du 27 juin au 5 juillet, notre pays a été marqué par des nuits de violences et de pillages inqualifiables, avec des destructions dont l’étendue surpasse le triste précédent des émeutes de 2005.
Sous la conduite du Président de la République et de la Première ministre, nous nous étions engagés à présenter un texte permettant de répondre au besoin de travaux d’urgence. Je tiens à saluer le travail du Sénat au cours des dernières heures et, plus largement, l’état d’esprit dans lequel ce projet a été accueilli.
Au-delà de la circulaire qui a été publiée, les mesures proposées, qui relèvent de la loi, visent à faire face plus rapidement à l’urgence de la reconstruction matérielle, en levant un certain nombre de verrous.
Je vous le dis d’emblée, ce texte ne constitue pas une réponse globale à la situation que nous avons connue. Il s’agit ici de traiter non pas les causes, mais les conséquences. Nous voulons, dans l’urgence du moment, prendre des dispositions permettant de reconstruire plus vite les bâtiments qui ont été touchés entre le 27 juin et le 5 juillet et qui figurent sur une liste limitative.
Je souhaite que la plus grande union possible puisse se manifester à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, comme tel a été le cas de façon quasiment unanime pour soutenir toutes les victimes.
Les chiffres dont nous parlons sont trois fois supérieurs à ceux des violences de 2005, qui avaient duré trois semaines. Le bilan, à ce stade, fait état d’un montant de 650 millions d’euros pour les destructions d’équipements, d’infrastructures et de biens privés.
Les symboles de la République ont été particulièrement touchés : 274 commissariats, brigades de gendarmerie ou postes de police municipale ; 105 mairies ; 243 établissements scolaires, dont 60 dans lesquels les dégâts sont particulièrement importants et une dizaine d’écoles complètement détruites ; 47 établissements relevant du ministère de la justice ; 3 centres hospitaliers ; des équipements urbains ; des bus ; des tramways ; des médiathèques ; des maisons de quartier ; des crèches ; des gymnases ; des maisons de la culture, et même des locaux associatifs.
Autant de lieux précieux pour apprendre, pour bénéficier d’opportunités et pour faire vivre les promesses de notre République. Autant d’équipements et de services essentiels pour nos concitoyens. Ces dégâts masquent les attaques ignobles qui ont eu lieu contre les dépositaires de la force publique – représentants des forces de l’ordre, sapeurs-pompiers, élus.
Je n’oublierai pas de citer les commerces, en particulier les pharmacies. Plus de 1 000 commerces ont été vandalisés et pillés, et un nombre particulièrement élevé de bureaux de tabac ont été pris pour cible.
Toutefois, vous le savez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs, ces statistiques pèsent peu en comparaison de ce que nos concitoyens ont vécu.
Je pense, comme beaucoup d’entre vous, à Vincent Jeanbrun, dont l’épouse et les enfants ont été agressés avec une brutalité et une lâcheté sans nom.
Je pense aux parents d’élèves de l’école élémentaire Champollion de Dijon, partiellement détruite par un engin incendiaire, dont les enfants jouaient sur une aire de jeux adjacente, alors qu’eux-mêmes préparaient la fête de fin d’année.
Je pense à cette maison de quartier d’Angoulême, incendiée à deux reprises en trois jours.
Je pense aux équipes de la mairie de Mons-en-Barœul attaquées avec un acharnement inouï pendant des heures, sans relâche, aux mortiers d’artifice.
Je pense, enfin, aux gérants de cafés, aux employés, aux propriétaires de commerces de proximité, aux pharmaciens, à tous ceux qui se lèvent tôt et qui mènent une vie droite et honnête, mais qui ont perdu durant ces nuits le fruit de leur labeur, quand ce n’étaient pas les économies d’une vie.
Nous ne lâchons rien face à ceux que le spectacle de la destruction facile réjouit, ou à ceux qui n’auront pas eu le courage de se joindre aux nécessaires appels au calme. Nous devons désormais tous nous tenir aux côtés de ceux qui doivent rebâtir.
Ce projet de loi a vocation à susciter une forme d’union nationale au service d’une reconstruction plus rapide et de qualité. Effacer les stigmates des dégâts qu’ils ont causés permettra d’adresser aux émeutiers, aux délinquants et aux criminels le plus cinglant des désaveux. Ce n’est qu’une partie de la réponse, mais c’est tout de même une réponse.
Les dégâts causés, considérables, justifient une action urgente et concertée de la part des pouvoirs publics. Le droit en vigueur prévoit d’ores et déjà de nombreux mécanismes ; la circulaire de la Première ministre les mobilise pleinement. Mais nous devons aller plus loin.
Tout d’abord, pour les bâtiments atteints, souvent anciens, l’objectif est de faciliter la reconstruction, dans le cadre législatif offert par la reconstruction à l’identique, tout en permettant des adaptations pour répondre aux nouvelles exigences en termes de sécurité et, bien sûr, d’environnement.
Ensuite, nous proposons d’autoriser au plus vite le commencement des travaux préparatoires – démolition, terrassement, installation de chantiers, fondations –, même si la demande d’autorisation est en cours d’instruction, afin de gagner un temps précieux.
Toutefois, accélérer les procédures d’autorisation administrative pour retrouver plus vite les bâtiments que nous connaissons ne veut pas dire confondre vitesse et précipitation. La qualité des instructions ne sera pas sacrifiée. Les maires conserveront naturellement leur pouvoir d’appréciation. Ce bon équilibre que nous avons cherché à préserver, le texte y répond.
Après ce volet portant sur les règles d’urbanisme, nous aborderons la reconstruction plus spécifique du bâti public : facilitation des marchés publics de travaux ; dérogation aux obligations de publicité préalables ; usage plus étendu des marchés de conception-réalisation. Ce deuxième volet nous permettra de remplir ces objectifs.
Pour ce qui concerne le financement, nous vous proposons de rendre possible la mobilisation du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) en faveur des collectivités et de leurs groupements.
Les travaux pourront être subventionnés en totalité, de manière dérogatoire. Ces mesures exceptionnelles sont nécessaires pour répondre à l’urgence de la situation et permettre une reconstruction à la fois efficace et rapide.
Je le redis, ces mesures sont temporaires et limitées aux seuls bâtiments détruits par les émeutes. Elles ne seront pas utilisables au-delà. Notre objectif est que ceux de nos concitoyens qui ont été affectés par ces violences puissent retrouver des bâtiments pérennes et durables destinés à leur rendre service.
L’enjeu est que les ordonnances soient promulguées le plus tôt possible, à commencer par celles qui portent sur les marchés publics, pour lesquelles nous prévoyons une échéance en septembre prochain au plus tard.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne serai pas plus long. Cet ensemble de mesures forme à mon sens un tout cohérent et de bon sens, permettant un choc de simplification strictement circonscrit aux besoins des collectivités territoriales les plus touchées. Je sais pouvoir compter sur votre soutien et votre engagement à leurs côtés pour faire avancer ce projet de loi déterminant.
Reconstruire, ce n’est pas gommer ou effacer, c’est rendre justice à la majorité silencieuse. C’est ne pas laisser le dernier mot aux émeutiers, pour lesquels la réponse doit être judiciaire.
Il y a eu le temps de l’urgence du retour au calme. Nous sommes maintenant dans le temps de l’urgence de la reconstruction, du traitement rapide des conséquences. Et bien sûr, à la rentrée, viendra le temps de l’action résolue sur les causes, les politiques à conduire et les dispositifs à ajuster. Cette action, nous commençons déjà à la construire, de façon pragmatique et lucide, au service de notre cohésion sociale, territoriale et nationale.
Je vous remercie de l’accueil que vous avez réservé à ce projet de loi et me réjouis que nous puissions, ensemble, faire œuvre législative efficace et utile.