Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, décidément, urgence et résilience sont désormais les impératifs de l'action publique !
Maires, parlementaires, membres du Gouvernement, nous avons tous dû agir vite et fort face à la succession des crises, lesquelles n'ont d'ailleurs pas non plus épargné nos voisins. Je pense à la crise sanitaire, aux crises écologiques, mais aussi aux émeutes, qui ne sont pas l'apanage de la France ; en témoignent les violentes insurrections qui ont touché le Royaume-Uni en 2011 à la suite, là encore, de la mort d'un jeune homme, ou bien encore celles qui ont eu lieu à Stuttgart, en Allemagne, en juin 2020.
Nous voici donc réunis pour prendre les mesures urgentes qui s'imposent après les graves événements qui se sont déroulés dans plusieurs centaines de nos communes et dont les balafres et les stigmates, même quand ils auront disparu, laisseront des traces profondes dans les esprits.
Dans l'Yonne, nous n'avons pas été épargnés – à Sens, à Joigny, à Migennes, à Saint-Florentin et à Auxerre. Chez nous, comme partout ailleurs, nos compatriotes ont été choqués, sidérés par le déferlement de la violence et des attaques contre les figures incarnant l'autorité de notre pays – M. le ministre a cité les chiffres tout à l'heure.
J'ai naturellement une pensée toute particulière pour Vincent Jeanbrun et sa famille, pour Stéphanie Von Euw, maire de Pontoise, ainsi que pour tous les maires pris pour cible.
Cette violence s'est aussi traduite par le pillage de magasins et de commerces, ce qui a poussé Sylvain Tesson à écrire que nous étions en présence d'« émeutes de l'iPhone ». En effet, lorsque la consommation est érigée en nouvelle religion, ce qui prime, ce n'est plus être, c'est paraître. « Je pille, donc je suis » semblent nous dire ces jeunes, qui nous narguent à coup d'« Emoji » sur les réseaux sociaux. Descartes, reviens, ils sont devenus fous !
« Nous avons assisté impuissants au pillage de la ville » me confiait Paul-Antoine de Carville, le maire de Sens, lors de l'une de ces nuits de violence aveugle et gratuite. Enfin, quand je dis « gratuite », pas tout à fait : au contraire, l'addition sera lourde !
À ce moment de mon intervention, je tiens à rendre hommage à l'action des forces de sécurité : police nationale, gendarmerie, pompiers, sans oublier les policiers municipaux, qui ont parfois été en première ligne, souvent dans des rapports de force qui leur étaient défavorables, à quelques dizaines contre plusieurs centaines…
Aujourd'hui, l'ordre est revenu – c'est heureux –, et l'heure est à la reconstruction. Tel est l'objet de ce projet de loi, monsieur le ministre. Il s'agit de donner en urgence aux élus locaux les moyens de reconstruire et de réparer le plus rapidement possible.
Le texte comporte trois habilitations pour légiférer par voie d'ordonnance. Le contexte le justifie, dès lors que la rapidité sera au rendez-vous et que l'on n'attendra pas le terme des deux ou trois mois, selon les articles. Je me réjouis d'ailleurs que la commission des affaires économiques ait adopté le texte dans un très large consensus.
Le tout n'a qu'un seul objectif : donner aux maires les outils pour reconstruire vite et bien. Cela signifie qu'il faut déroger au droit en vigueur pour autoriser la reconstruction à l'identique, faciliter l'engagement des opérations et des travaux préliminaires dès le dépôt de la demande d'urbanisme, grâce notamment à la mise en place d'un rescrit – peut-être ce dispositif pourra-t-il être généralisé à l'avenir ? –, simplifier les conditions de recours aux marchés globaux et limiter l'allotissement.
Il faut reconstruire vite et bien, mais en aidant les élus financièrement. Tel est l'objet de l'article 3 qui prévoit, tout d'abord, une dérogation à l'obligation de participation minimale de 20 %, ensuite, un déplafonnement des fonds de concours, enfin, le versement anticipé dans l'année du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Toutes ces mesures sont bienvenues, monsieur le ministre.
Permettez-moi néanmoins d'appeler votre attention sur certains points dont Mme Di Folco vient de parler : quid de la voirie ou du remplacement des caméras de vidéosurveillance ? Il me semble à cet égard que l'amendement que le Gouvernement a déposé va dans le sens d'une extension du champ de l'habilitation – c'est une bonne chose, car les attentes sont fortes.
J'ajoute que les communes auront également besoin de nouveaux outils leur permettant, par exemple, de recourir à des avances de liquidités, notamment ces communes dont les projets, qui n'avaient pas encore abouti, sont partis en fumée. Je pense en particulier à la ville de Sens, dont le projet de centre social a été anéanti.
Voilà pour la reconstruction matérielle : sachez que vous nous trouverez résolument à vos côtés, monsieur le ministre, pour voter les dispositions de ce texte.
Cela étant, il nous faut œuvrer sur un autre chantier, considérable, celui de la reconstruction républicaine et morale, si je puis dire. Comment faire pour qu'il n'y ait plus plusieurs France qui se regardent en chiens de faïence ?
Vivre ensemble, cela ne se décrète pas : cela se construit au quotidien. Souvenez-vous de Renan : la Nation est ce « plébiscite de tous les jours »…
Il nous faut un nouveau creuset forgeant le sentiment d'appartenance nationale. Je crois à cet égard qu'il est grand temps de passer au service national universel (SNU) au « format XXL ». Le généraliser serait une piste pour remédier à l'anomie et à la désaffiliation qui guette.
Il faut en outre l'ordre et le progrès, pour faire écho à la devise nationale d'un autre pays.
L'ordre est bien sûr nécessaire, car aucun territoire ne saurait se soustraire à l'ordre républicain. La République ne doit pas tolérer de zones à détruire – ZAD –, ni de zones de non-droit – ZND. L'ordre est indispensable, puisque, comme le ministre de l'intérieur l'a précisé, 40 % des interpellés avaient déjà un casier judiciaire ou étaient inscrits au traitement d'antécédents judiciaires (TAJ). Ne laissons pas quelques dizaines de milliers de fauteurs de troubles mettre à mal l'unité de la Nation et désespérer cette majorité silencieuse que vous évoquiez.
Il faut également le progrès, parce qu'aucun territoire ne saurait être oublié, abandonné ou, pis encore, considéré comme perdu.
N'opposons pas les uns aux autres : ce principe est valable tant dans le rural que dans le rurbain, l'urbain et les quartiers. Je pense aux maisons France Services, aux programmes de retour des services publics dans les territoires, aux dotations qui ont significativement augmenté pour accompagner les territoires.
Monsieur le ministre, on le voit bien, le débat de ce jour n'épuisera pas tous les sujets que posent les événements que nous venons de vivre.
Le présent projet de loi est cependant un préalable indispensable. C'est la raison pour laquelle le groupe RDPI, à l'unisson de nombreux autres groupes – nous avons pu le constater hier lors de la réunion de la commission des affaires économiques – le votera !