Je ne crie pas au loup, et je préfèrerais que l'on constate l'inverse !
Bref, la logique comptable qui est à l'oeuvre ne fait qu'accentuer la rupture entre, d'une part, l'entreprise, lieu de création de richesses et, d'autre part, la sécurité sociale.
Une véritable réforme de la protection sociale doit, à l'évidence, présenter d'autres caractéristiques.
Du point de vue institutionnel, ce projet de loi entérine une sophistication approfondie du contrôle technocratique, ce contrôle étant accentué par les dernières réformes telles que le renforcement du rôle des directeurs d'agences régionales d'hospitalisation, la création de la Haute autorité de santé et, in fine, il entérine la négation des droits de la représentation nationale, celle-ci n'étant habilitée qu'à observer la montée en puissance de la technocratie sociale.
Comment ne pas regretter, encore et toujours, que la démocratie sociale soit aujourd'hui autant en panne qu'il y a vingt ans ? Les assurés sociaux eux-mêmes, premiers concernés par le devenir de notre système de sécurité sociale, sont privés de toute possibilité de s'exprimer du fait qu'aucune élection aux conseils d'administration des caisses n'a été organisée depuis vingt ans, au prétexte que cela est irréalisable. On organise pourtant sans difficulté des élections à la mutualité sociale agricole, les dernières datant de janvier 2005. Ce qui est réalisable pour certains serait donc irréalisable pour d'autres ?
A notre sens, une telle réforme de l'organisation des lois de financement de la sécurité sociale rééquilibrerait les dispositifs de gouvernance au profit des conseils d'administration des caisses nationales de sécurité sociale, renforçant en particulier leurs prérogatives et asseyant leur légitimité sur l'élection de leurs représentants, c'est-à-dire les représentants des assurés sociaux et des allocataires.
Il n'y a nulle trace de telles dispositions dans le présent projet, sauf à en chercher dans le « renforcement du rôle des partenaires sociaux », formule imprudemment avancée par le rapporteur.
Plus que jamais, notre protection sociale est à la croisée des chemins. Tout ce qui a été fait concourt à dégrader le lien entre la population et le système de protection sociale, noyant les fondements humanistes et solidaires de ce dernier dans une logique comptable, fortement individualiste et source de nouvelles inégalités dans l'exercice du droit constitutionnel à la santé, à la protection de l'enfance, de la famille et des personnes âgées.
Nous avons formulé plusieurs propositions qui, si elles étaient adoptées, changeraient fortement la donne et feraient reculer la logique d'étatisation en marche depuis trop longtemps.
En premier lieu, la loi organique devrait prévoir une négociation interprofessionnelle obligatoire entre les organisations syndicales et patronales, portant sur le financement de la sécurité sociale, et concernant à la fois les structures et les taux de prélèvement affectés à la sécurité sociale et aux fonds de financement.
La co-élaboration des lois de financement de la sécurité sociale serait, en effet, un gage de démocratie sociale. Vu le rôle qui a été assigné aux conseils d'administrations des différentes caisses - désormais conseils d'orientation -, on est loin du compte !
S'agissant des ressources de la protection sociale, cette réforme du financement de la sécurité sociale devrait clairement s'écarter des politiques de fiscalisation des ressources, aujourd'hui largement développées, et dont le pendant est l'abaissement des garanties collectives.
C'est pourquoi, en second lieu, il est grand temps de penser à une réforme du financement de la protection sociale tendant notamment à la modulation des cotisations perçues à partir de l'entreprise et favorisant la création d'emplois et de richesses, et ce au détriment des stratégies fondées sur la recherche de la rentabilité financière de court terme entraînant des dégâts sociaux qui sont à l'origine d'une bonne part de l'insuffisance des recettes de notre protection sociale. Car nous assistons à l'explosion de la précarité et du nombre de travailleurs pauvres !
En cette période de relative incertitude économique, la qualité de notre système de sécurité sociale est déterminante pour renforcer et consolider le lien social, prévenir les exclusions et assurer, pour chacun, le plein exercice de ses droits.
C'est de tels paramètres qu'une réforme des lois de financement de la sécurité sociale devraient prendre en compte, et non pas uniquement des impératifs comptables et budgétaires.
En l'absence d'une telle réflexion, et pour toutes ces raisons, nous estimons qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur ce projet.