Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 24 mars 2005 à 15h00
Lois de financement de la sécurité sociale — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Nous avons tenu à déposer cet amendement, que vous qualifierez sans doute d'irrecevable, afin d'interpeller directement le Gouvernement sur une question importante relevant de l'équité : l'application de la franchise d'un euro aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

Je ne développerai pas à nouveau ici les arguments avancés à l'occasion de la réforme de l'assurance maladie à l'encontre de la fameuse contribution forfaitaire, en quelque sorte proportionnelle à l'état de santé des assurés sociaux, et donc particulièrement injuste et source d'inégalités.

Nous continuons de penser aujourd'hui, comme s'autorisent d'ailleurs à le faire ceux des partisans de votre réforme qui sont opposés au principe même d'une telle contribution, que cette dernière est uniquement une mesure de régulation financière.

Depuis la signature de l'agrément de la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, il ne fait plus de doute que vous concevez de manière univoque « l'esprit de responsabilité » dont chacun doit faire preuve.

Pour « sauver » notre système d'assurance maladie, les assurés sociaux sont incités, pour ne pas dire contraints, à changer leurs comportements. En revanche, les médecins, et plus particulièrement les spécialistes, peuvent trouver un intérêt, au sens financier du terme, au fait de ne pas respecter le parcours de soins.

Avouez, monsieur le secrétaire d'Etat, que dans ce contexte, la valeur dite symbolique et pédagogique de la mesure du « un euro » par acte ou par consultation reste difficilement défendable.

Les Français savent déjà que la santé a un coût : 11 % des dépenses restant à leur charge, beaucoup d'entre eux - environ 15 % - renoncent aux soins.

Demain, ils seront encore plus nombreux à différer une simple visite de prévention, une consultation précoce de leur généraliste ou du spécialiste de leur choix, en raison du coût financier restant à leur charge, car à cet euro viendront s'ajouter les dépassements tarifaires.

Les assurés qui en auront les moyens, quant à eux, ne seront toujours pas exclus des soins.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, pensez-vous sincèrement que les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, largement pénalisées par le caractère forfaitaire de la réparation qui leur est servie, alors qu'elles supportent une large part des frais, ainsi que les contraintes de soins et d'appareillage, aient besoin en plus d'être responsabilisées ?

Ne vous trompez-vous pas une fois de plus de cible en rendant le salarié responsable de son état et en exonérant l'employeur de sa responsabilité ? Tombe-t-on malade, contracte-t-on une maladie professionnelle, est-on victime d'un accident du travail par plaisir ?

Comme n'a cessé de le dire notamment la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, la FNATH, ce Gouvernement pratique « la solidarité à l'envers », c'est-à-dire la solidarité de la victime du travail à l'égard de son employeur responsable du risque.

Pour mettre un terme à cette situation intolérable, nous réitérons notre demande d'exonération de la franchise d'un euro aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, censées bénéficier d'une législation spécifique prévoyant par ailleurs la gratuité des soins.

Cette demande légitime intervient au moment où le Gouvernement, d'une part, s'engage dans un plan de santé au travail et, d'autre part, vient de faire part de sa volonté d'exonérer du « un euro » forfaitaire certains actes de prévention, dont ceux de dépistage du cancer du sein et du cancer colorectal

C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je pense possible et nécessaire que vous preniez des engagements de nature à satisfaire cet amendement.

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