Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 24 mars 2005 à 15h00
Lois de financement de la sécurité sociale — Article 1er

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

En 1996, afin de défendre la mise en place d'un nouvel instrument, en l'occurrence les lois de financement de la sécurité sociale, l'argument de la démocratie avait déjà été invoqué. Il était alors question d'attribuer un droit de regard au Parlement sur des masses financières dont le volume est bien supérieur à celui du budget de l'Etat, sans, pour autant, remettre en cause le rôle des partenaires sociaux dans la gestion des caisses de sécurité sociale.

A l'époque, le groupe communiste avait manifesté son opposition au principe même de telles lois de finances sociales, craignant « qu'elles ne servent de véritable parapluie politique » au gouvernement, qui imposerait ainsi ses choix de maîtrise des dépenses sociales et sa volonté d'étatisation et de privatisation de la sécurité sociale.

Aujourd'hui, mes chers collègues, vous dressez un bilan élogieux du principe des lois de financement et de l'usage fait de cet outil. Ainsi, M. le rapporteur prétend, sans rougir, que « les partenaires sociaux sont sortis renforcés de ce nouveau pilotage de la protection sociale », en passant sous silence, bien évidemment, la réforme de la sécurité sociale de 2004, qui a vidé de sa substance une démocratie sociale déjà bien affaiblie.

A l'inverse, nous pensons que ce sont autant d'étapes importantes au processus d'étatisation de la sécurité sociale qui se sont produites. Le conseil d'administration de la CNAVTS n'a-t-il pas « exprimé les craintes que lui inspire le risque de renforcement du rôle de l'Etat dans la sécurité sociale, qui ne doit en aucun cas aboutir à l'extension dans toutes ses branches du modèle de gouvernance instauré par la loi du 13 août 2004 pour l'assurance maladie » ?

Par ailleurs, si vous notez les limites de la procédure et du contenu du dispositif actuel, vous ne proposez aucune solution exigeante de nature, notamment, à clarifier les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale. Nous reviendrons d'ailleurs sur la question de la compensation des exonérations de cotisations sociales non compensées ou de nature à permettre au Parlement de sortir des limites de l'enveloppe globale de l'ONDAM.

Au contraire, vous n'envisagez ni plus ni moins qu'un copier-coller de la démarche ayant présidé à la réforme de la LOLF. Autant dire que vous allez encore un peu plus dans le sens d'un cadre étroitement financier, au mépris de la spécificité des dépenses de sécurité sociale répondant à des droits légaux, principes à valeur constitutionnelle : droit à la santé, à la protection du vieux travailleur, de la famille...

L'article 1er du projet de loi organique repense l'architecture des lois de financement. La séparation en deux parties - la première, consacrée aux recettes, conclue par le vote d'un article d'équilibre devant impérativement intervenir avant le vote de la seconde partie consacrée, elle, aux dépenses - conduira à contraindre les dépenses sociales.

Le seul pouvoir nouveau du Parlement sera de fixer un niveau de déficit, en tenant compte des recettes attendues et des impératifs maastrichtiens, et de faire entrer dans cette enveloppe les dépenses. Quel progrès !

Demain, plus encore qu'aujourd'hui, les lois de financement de la sécurité sociale verront le niveau de recettes conditionner celui des dépenses, au mépris de la satisfaction des besoins, alors que la démarche inverse devrait prévaloir.

Nous n'entendons pas laisser consacrer la logique de maîtrise comptable de la gestion de la sécurité sociale. C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article 1er.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion