Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 22 mars dernier, au terme de plusieurs semaines de violences verbales et physiques, la dégradation par le feu du domicile de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, a poussé ce dernier à démissionner de ses fonctions.
Dépité, désabusé, découragé, cet élu engagé pour sa commune, ce médecin dévoué à sa patientèle, renonçait à l’exercice de son mandat.
Il témoignait ainsi de sa solitude face à ses agresseurs et de l’ingratitude de la charge de maire, aussi passionnante et exaltante soit la fonction.
Pour lui, le jeu n’en valait plus la chandelle. Des limites avaient été franchies, des bornes avaient été dépassées.
Des témoignages comme celui de Yannick Morez, nous en entendons souvent. Des situations comme la sienne, nous en connaissons toutes et tous, nous, sénatrices et sénateurs enracinés dans nos départements et engagés au quotidien aux côtés de nos collègues élus locaux.
En Loire-Atlantique, en Charente-Maritime, dans la Meuse, dans le Val-de-Marne, en Moselle, en Isère, dans le Var, dans le Gard, dans l’Aude, dans les Pyrénées-Orientales et dans l’Hérault, le département que je représente, les violences à l’égard des élus se multiplient.
Chaque fois, nous témoignons unanimement notre soutien et notre solidarité à l’égard des collègues victimes. Chaque fois, nous clamons toutes et tous notre indignation, mais rien n’y fait !
Les chiffres sont là ! Les chiffres sont têtus. Les chiffres sont froids, comme notre colère. Les chiffres sont graves, comme notre état d’esprit.
En 2022, le ministère de l’intérieur a recensé 2 265 faits de violences verbales et physiques contre des élus, soit une augmentation de 32 % par rapport à 2021. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg !
Dans une société où l’incivisme et la violence grandissent, plus personne n’est à l’abri : ni les enseignants, ni les forces de l’ordre, ni les sapeurs-pompiers, ni les médecins, encore moins les élus.
Or nous le savons toutes et tous : pour amortir les tensions et les crises qui traversent notre société, les maires et leurs équipes municipales sont en première ligne.
L’État, madame la ministre, les mobilise régulièrement pour relayer son action, trouver des solutions et atténuer le choc des crises, qu’elles soient sociales ou sanitaires.
Pour consolider le pacte républicain et entretenir la cohésion sociale, les élus locaux sont toujours disponibles.
Les maires répondent systématiquement présent, par sens du devoir, par goût de l’action publique, par amour de leur commune, par attachement à la République.
Si les élus municipaux aiment le contact avec leurs administrés et s’ils se mettent volontiers « à portée d’engueulade », ils ne sauraient pour autant devenir des boucs émissaires ou des exutoires pour tous les mécontents, tous les frustrés et tous les délinquants.
Notre responsabilité collective est donc de les protéger. C’est le sens des initiatives parlementaires qui se sont multipliées afin de renforcer la législation et de compléter notre arsenal juridique. C’est l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Son contenu est dans l’ensemble consensuel et nous souscrivons à nombre des propositions qui sont formulées.
Le premier volet concerne l’aggravation des sanctions encourues par les auteurs de violences à l’égard des élus. Le message ainsi envoyé aux élus est le suivant : « Chers collègues, vous n’êtes pas seuls. Nous sommes à vos côtés. La loi est avec vous. La République vous protège. »
Aussi, nous saluons la volonté des auteurs de la proposition de loi de prendre en compte les nouvelles formes de violence que subissent les élus : le cyberharcèlement, l’injure, la diffamation et la calomnie, qui s’étalent désormais sur les sites internet, les blogs et les réseaux sociaux.
Nous signifions de la même manière, solennellement, que le règne de l’impunité est fini.
Le titre II de cette proposition de loi concerne la prise en charge et l’accompagnement des élus et des candidats victimes de violences au cours de leur mandat ou en campagne.
Nous souscrivons d’autant plus à la plupart des mesures qui y figurent que nombre d’entre elles étaient déjà présentes dans la proposition de loi visant à démocratiser les fonctions électives et renforcer la protection des élus locaux, déposée le 23 juin 2023 par le groupe socialiste et notamment par Éric Kerrouche et Didier Marie.
Madame la ministre, tout le monde ici connaît votre engagement sur ce dossier. Un sujet mérite plus particulièrement cet engagement : celui de l’extension de la protection fonctionnelle à tous les élus et conseillers municipaux, qu’ils soient majoritaires ou minoritaires.