La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Dominique Théophile.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet de la sécurité des élus, et plus spécifiquement des maires, n’est, hélas ! plus une nouveauté.
Chacun se rappelle le décès du maire de Signes, en août 2019. Ce drame avait marqué un tournant dans l’idée que nous nous faisions du rapport entre les élus et leurs administrés.
Ce qui se percevait encore quelques années plus tôt comme des faits divers devait dès lors s’inscrire dans une tendance inquiétante, celle de l’augmentation des violences faites aux élus, voire, plus largement, envers toute forme d’autorité publique.
Cette année, certaines de ces violences ont soulevé une forte indignation, notamment parce qu’elles ont été commises directement au domicile des élus.
Nous pensons tous, d’une part, à l’incendie du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins, déclenché, au mois de mars 2023, par un groupuscule d’extrême droite dans le contexte d’un projet d’ouverture d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile et, d’autre part, à l’attaque à la voiture-bélier du domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses, dans la nuit du 1er au 2 juillet dernier, dans le cadre des émeutes ayant suivi le décès du jeune Nahel à Nanterre.
Les statistiques montrent une hausse constante des agressions contre les élus locaux, lesquels cristallisent sur leur personne les insatisfactions générales à l’égard de la classe politique et l’augmentation de la violence dans nos sociétés.
Dans les communes, ce phénomène est bien connu des maires et des personnels municipaux, au point qu’il n’est plus rare, désormais, que les membres des familles des élus fassent, eux aussi, l’objet d’incivilités, de menaces et d’agressions du simple fait d’être le conjoint, la conjointe, le fils, la fille, le père ou la mère d’un élu.
Naturellement, le Sénat fait preuve d’une grande vigilance sur le sujet et le groupe RDSE est lui aussi mobilisé. Ainsi, la loi du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression est issue d’une proposition de loi déposée par Nathalie Delattre.
Cette dernière avait mis en lumière l’une des difficultés rencontrées dans la lutte contre ce phénomène : la faiblesse trop fréquente de la réponse judiciaire, soit parce que les élus eux-mêmes ne portent pas plainte, soit parce que les procédures aboutissent péniblement.
Je pense également à l’initiative plus ancienne qu’avait prise Éric Gold, dès 2019, au travers de sa proposition de loi visant à lutter contre les incivilités, menaces et violences envers les personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif public.
En effet, l’absence de réponse forte à ces situations augmente légitimement le sentiment d’abandon et de découragement des élus.
Je saluerai enfin le travail d’Henri Cabanel, particulièrement impliqué sur les sujets de citoyenneté et de renforcement du lien entre les élus et la population.
Son rapport d’information sur la redynamisation de la culture citoyenne montrait très bien que ces agressions étaient l’une des expressions du délitement des liens entre le citoyen et l’action publique et politique.
Naturellement, le groupe RDSE n’est pas le seul à travailler sur ce sujet. En 2019, nous avions tous été éclairés par le rapport d’information de Philippe Bas sur les menaces et les agressions auxquelles sont confrontés les maires. Sa consultation des maires de France avait permis de mettre au jour et de mieux matérialiser les risques auxquels ces derniers sont exposés dans l’exercice de leurs fonctions.
La nouvelle proposition de loi que nous examinons s’inscrit dans la continuité de ces travaux. Je tiens à saluer ses auteurs, ainsi que notre rapporteure, Catherine Di Folco, pour les améliorations qu’elle a apportées au dispositif.
Nous souscrivons à l’ensemble des mesures proposées, qu’il s’agisse du durcissement du régime pénal en cas d’agression d’élu ou de l’amélioration de la prise en charge des élus victimes de violences.
Sur ce dernier point, néanmoins, des progrès nous semblent possibles. L’amendement qu’avait déposé Ahmed Laouedj a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Il soulevait pourtant une véritable question, puisqu’il tendait à élargir à tous les élus municipaux l’automatisation de la protection fonctionnelle en cas d’agression.
Je sais, madame la rapporteure, que vous subissez, vous aussi, cette irrecevabilité…
Mme le rapporteur acquiesce.
Enfin, nous devons également réfléchir à des solutions visant à limiter les recours abusifs, qui entravent l’action publique et parfois discréditent, sans raison, les politiques menées par les élus locaux. Voilà un autre sujet qui pourrait nous mobiliser à l’avenir.
Sans surprise, notre groupe votera unanimement en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 19 août dernier, en Charente-Maritime, le maire de L’Houmeau, était frappé par des gens du voyage qui tentaient de s’installer sur le terrain de football.
Le 7 septembre, dans l’Isère, un conseiller municipal de Gresse-en-Vercors était agressé par une habitante lors d’une commission d’aménagement urbain et de sécurité routière.
Le 27 septembre, dans la Loire, le deuxième adjoint au maire de Rozier-Côtes-d’Aurec était blessé par le mari d’une automobiliste à laquelle il avait fait une remarque au sujet du non-respect d’un feu tricolore.
Le 29 septembre, dans la Meuse, le maire de Cléry-le-Grand était violemment frappé par l’un de ses administrés alors qu’il intervenait à la suite d’un dépôt sauvage.
Le 30 septembre, dans le Gers, le maire de Miradoux recevait deux coups de poing au visage alors qu’il essayait de s’interposer auprès d’un démarcheur sauvage.
Je m’arrête là, car la liste est longue. Ce triste inventaire montre combien les atteintes aux élus sont devenues un véritable fléau. Elles empoisonnent chacun de nos territoires.
Au nom du groupe RDPI, je tiens à adresser un message de solidarité à tous les élus victimes de violences. Ils ont tout notre soutien.
À l’instar des parlementaires, les élus locaux ont toujours été « à portée de gifle » des électeurs. Cependant, si cette expression a longtemps été utilisée au sens figuré, elle s’emploie désormais de plus en plus au sens propre.
Force est de constater que les élus locaux, malheureusement, ne sont plus épargnés par la défiance politique et le rejet. Certains de nos concitoyens – fort heureusement minoritaires – les considèrent non plus comme des adversaires politiques, mais comme des ennemis.
Nos élus sont haïs pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils représentent. L’une des raisons principales de la défiance vis-à-vis des élus est l’anomie, qui fait le lit de la violence.
En réaction, les élus locaux sont mieux écoutés et mieux protégés. Ils peuvent notamment compter sur le soutien de la police et de la gendarmerie, qui sont chargées de les former à la gestion des comportements agressifs et à la désescalade des conflits.
La justice est, quant à elle, plus réactive et plus sévère. Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer les récentes condamnations prononcées par les tribunaux correctionnels de Thionville et de Toulouse.
En Moselle, une femme a été condamnée à six mois d’emprisonnement ferme pour avoir agressé un maire à la fin du mois d’août.
À Toulouse, deux personnes ont été condamnées à des peines de prison avec sursis pour des violences commises le soir de la fête de la musique envers des élus locaux, dont le maire.
Depuis 2017, beaucoup a été fait. Cependant, les événements survenus à Saint-Brevin-les-Pins et à L’Haÿ-les-Roses témoignent d’une inquiétante intensification des violences.
Au regard de ce constat, il apparaît indispensable de compléter le dispositif de protection des élus. La présente proposition de loi va dans ce sens ; c’est pourquoi nous y sommes favorables.
Nous saluons la décision du Gouvernement d’engager la procédure accélérée pour l’examen de ce texte. Nous saluons également le plan national de prévention et de lutte contre les menaces et violences faites aux élus, dont certaines mesures trouvent leur traduction législative dans la présente proposition de loi.
En sus de l’aggravation des peines encourues en cas de violences commises sur un élu, des mesures doivent être prises pour accélérer les procédures judiciaires. À cet égard, nous nous réjouissons de la mise en place de filières d’urgence dans les juridictions, afin de raccourcir les délais d’enquête et de jugement.
Il est également nécessaire de renforcer le lien entre les maires et les parquets. La justice et les collectivités territoriales sont deux mondes qui continuent de s’ignorer.
Il est regrettable de constater que certains procureurs n’entretiennent aucune relation avec les élus locaux. Aussi, nous nous félicitons que le Gouvernement souhaite mettre en place des formations croisées.
En ce qui concerne la possibilité, pour les procureurs de la République, de disposer d’un espace de communication dans les bulletins municipaux, j’entends les critiques formulées par nos collègues socialistes. Cependant, nous devons répondre à la demande formulée par les procureurs. L’information de nos concitoyens s’en trouvera renforcée.
Nous accueillons favorablement les modifications apportées par la commission au texte initial.
L’allongement du délai de prescription applicable aux délits d’injure et de diffamation publiques commis à l’endroit des élus locaux apparaît tout à fait opportun. Il permet de prendre en considération les évolutions technologiques.
Il faut également se réjouir de l’extension du dispositif d’octroi automatique de la protection fonctionnelle aux conseillers départementaux et régionaux exerçant des fonctions exécutives.
Plus largement, il nous semblerait utile d’étudier la possibilité d’étendre le dispositif de protection fonctionnelle aux conseillers municipaux n’ayant pas reçu délégation. En effet, tous les élus municipaux sont susceptibles de subir des violences.
Mme le rapporteur acquiesce.
Les autres dispositions prévues par la proposition de loi sont également bienvenues.
Cependant, les réponses au fléau des violences contre les élus ne sont pas toutes de nature législative. C’est pourquoi nous nous félicitons que le Gouvernement ait décidé de déployer un « pack sécurité ».
Le renforcement du dispositif « alarme élu » et la mise en place de référents « atteintes aux élus » dans toutes les brigades de gendarmerie et les commissariats sont également de nature à rassurer les élus locaux.
En outre, la création du Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus permettra de mieux comprendre le phénomène des violences et d’y apporter des réponses adaptées.
Parallèlement au renforcement de la sécurité des élus locaux, nous devons impérativement traiter le problème à la racine, en répondant à la crise civique et démocratique que traverse notre pays.
Il est important de lutter contre la défiance des Français vis-à-vis des institutions politiques. Cette défiance touche désormais tous les niveaux de gouvernance, y compris les maires.
Il s’agit d’un travail de longue haleine. La tâche n’est pas simple. Fixons-nous comme objectif de ne pas atteindre un point de non-retour.
Il est d’autant plus urgent d’agir que plus d’un maire sur deux ne souhaite pas se représenter aux élections municipales de 2026.
Pour redonner confiance aux maires et, plus largement, aux élus locaux, nous devons rapidement avancer sur la question de la création d’un statut de l’élu.
À cet égard, nous attendons avec beaucoup d’impatience les annonces qui seront faites à l’occasion du prochain congrès des maires.
Pour l’heure, le groupe RDPI a décidé de voter pour la présente proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 22 mars dernier, au terme de plusieurs semaines de violences verbales et physiques, la dégradation par le feu du domicile de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, a poussé ce dernier à démissionner de ses fonctions.
Dépité, désabusé, découragé, cet élu engagé pour sa commune, ce médecin dévoué à sa patientèle, renonçait à l’exercice de son mandat.
Il témoignait ainsi de sa solitude face à ses agresseurs et de l’ingratitude de la charge de maire, aussi passionnante et exaltante soit la fonction.
Pour lui, le jeu n’en valait plus la chandelle. Des limites avaient été franchies, des bornes avaient été dépassées.
Des témoignages comme celui de Yannick Morez, nous en entendons souvent. Des situations comme la sienne, nous en connaissons toutes et tous, nous, sénatrices et sénateurs enracinés dans nos départements et engagés au quotidien aux côtés de nos collègues élus locaux.
En Loire-Atlantique, en Charente-Maritime, dans la Meuse, dans le Val-de-Marne, en Moselle, en Isère, dans le Var, dans le Gard, dans l’Aude, dans les Pyrénées-Orientales et dans l’Hérault, le département que je représente, les violences à l’égard des élus se multiplient.
Chaque fois, nous témoignons unanimement notre soutien et notre solidarité à l’égard des collègues victimes. Chaque fois, nous clamons toutes et tous notre indignation, mais rien n’y fait !
Les chiffres sont là ! Les chiffres sont têtus. Les chiffres sont froids, comme notre colère. Les chiffres sont graves, comme notre état d’esprit.
En 2022, le ministère de l’intérieur a recensé 2 265 faits de violences verbales et physiques contre des élus, soit une augmentation de 32 % par rapport à 2021. Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg !
Dans une société où l’incivisme et la violence grandissent, plus personne n’est à l’abri : ni les enseignants, ni les forces de l’ordre, ni les sapeurs-pompiers, ni les médecins, encore moins les élus.
Or nous le savons toutes et tous : pour amortir les tensions et les crises qui traversent notre société, les maires et leurs équipes municipales sont en première ligne.
L’État, madame la ministre, les mobilise régulièrement pour relayer son action, trouver des solutions et atténuer le choc des crises, qu’elles soient sociales ou sanitaires.
Pour consolider le pacte républicain et entretenir la cohésion sociale, les élus locaux sont toujours disponibles.
Les maires répondent systématiquement présent, par sens du devoir, par goût de l’action publique, par amour de leur commune, par attachement à la République.
Si les élus municipaux aiment le contact avec leurs administrés et s’ils se mettent volontiers « à portée d’engueulade », ils ne sauraient pour autant devenir des boucs émissaires ou des exutoires pour tous les mécontents, tous les frustrés et tous les délinquants.
Notre responsabilité collective est donc de les protéger. C’est le sens des initiatives parlementaires qui se sont multipliées afin de renforcer la législation et de compléter notre arsenal juridique. C’est l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Son contenu est dans l’ensemble consensuel et nous souscrivons à nombre des propositions qui sont formulées.
Le premier volet concerne l’aggravation des sanctions encourues par les auteurs de violences à l’égard des élus. Le message ainsi envoyé aux élus est le suivant : « Chers collègues, vous n’êtes pas seuls. Nous sommes à vos côtés. La loi est avec vous. La République vous protège. »
Aussi, nous saluons la volonté des auteurs de la proposition de loi de prendre en compte les nouvelles formes de violence que subissent les élus : le cyberharcèlement, l’injure, la diffamation et la calomnie, qui s’étalent désormais sur les sites internet, les blogs et les réseaux sociaux.
Nous signifions de la même manière, solennellement, que le règne de l’impunité est fini.
Le titre II de cette proposition de loi concerne la prise en charge et l’accompagnement des élus et des candidats victimes de violences au cours de leur mandat ou en campagne.
Nous souscrivons d’autant plus à la plupart des mesures qui y figurent que nombre d’entre elles étaient déjà présentes dans la proposition de loi visant à démocratiser les fonctions électives et renforcer la protection des élus locaux, déposée le 23 juin 2023 par le groupe socialiste et notamment par Éric Kerrouche et Didier Marie.
Madame la ministre, tout le monde ici connaît votre engagement sur ce dossier. Un sujet mérite plus particulièrement cet engagement : celui de l’extension de la protection fonctionnelle à tous les élus et conseillers municipaux, qu’ils soient majoritaires ou minoritaires.
Mme le rapporteur et Mme Françoise Gatel acquiescent.
J’ai déposé sur ce point un amendement qui a été rejeté par application de l’article 40 de la Constitution.
Mme Nathalie Goulet s ’ exclame avec ironie.
Or, dans leurs interventions respectives, Françoise Gatel, Maryse Carrère et Patricia Schillinger ont formulé une demande identique à la mienne.
Madame la ministre, j’envisageais de présenter ultérieurement un sous-amendement sur ce même point, mais il a également été rejeté sur le fondement de l’article 40. Dont acte !
Vous êtes la seule, ce soir, à pouvoir lever le gage. Je vous mets donc au défi, devant les collègues de tous les groupes ici présents, de lever le gage.
Nous pourrons ainsi mesurer, attester et apprécier votre engagement sur ce sujet.
Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST, RDSE et UC. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.
Bien évidemment, toutes les réponses en la matière ne relèvent pas nécessairement du champ législatif.
Dans le département de l’Hérault, dont je suis l’élu, l’association des maires travaille depuis plusieurs années sur cette thématique, de concert avec la préfecture, les institutions judiciaires, la gendarmerie et la police nationale.
Depuis 2021, une dizaine de cas ont été portés à la connaissance de la justice. L’Association des maires de l’Hérault s’est systématiquement constituée partie civile et a obtenu gain de cause.
Ensemble, ils ont permis l’émergence de protocoles pour enregistrer et traiter les plaintes des victimes de violences.
De même, madame la ministre, une convention sera prochainement conclue entre l’association des maires et l’ordre des avocats. Chaque collègue agressé pourra ainsi trouver le soutien juridique qu’il est en droit d’attendre de ses pairs.
Avec cette proposition de loi, nous adresserons un message aux élus de l’Hexagone et des territoires ultramarins, mais aussi aux représentants des Français de l’étranger : nous sommes, toutes et tous, engagés et mobilisés à leurs côtés, qu’il s’agisse du Sénat, mais aussi de l’État et de ses services : préfets, sous-préfets, commandants de police et de gendarmerie, procureurs de la République, ambassadeurs et consuls généraux.
Partout où ils œuvrent, les élus locaux sont les artisans et les gardiens de l’intérêt général. Partout où ils s’engagent, les élus locaux sont les sentinelles du bien commun.
Chaque fois qu’ils reçoivent l’onction du suffrage universel, les élus locaux incarnent la République.
Ce rappel nous oblige à leur apporter la protection et le soutien de la Nation chaque fois qu’ils en ont besoin.
C’est ce que nous ferons à l’issue de nos débats, en votant, je l’espère unanimement, cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST, RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’engagement du Sénat, l’initiative qu’ont prise les auteurs de cette proposition de loi et l’ensemble des travaux qui ont été menés dans notre hémicycle depuis 2019 sur cette question.
Je remercie également notre rapporteure pour son travail d’enrichissement et de renforcement d’un texte qui traite d’un sujet grave et préoccupant : les violences commises contre les élus.
Chaque jour, des faits divers nous rappellent que la violence touche l’ensemble de notre société. Elle est toujours condamnable et n’est jamais la réponse, mais s’attaquer aux élus, c’est remettre en cause l’autorité issue du vote démocratique et les fondements même de notre vivre ensemble, notre République.
Désormais, des réponses s’imposent et l’État doit protéger nos élus qui, au quotidien, sont confrontés aux incivilités, agressions physiques ou verbales.
En 2022, le nombre de plaintes et signalements déposés par les élus a bondi de 32 % par rapport à 2021, alors même que toutes les victimes ne portent pas plainte.
C’est l’occasion de redire à nos élus qu’il est absolument indispensable de le faire dans les plus brefs délais. En effet, les classements sans suite, la complexité ou la lenteur des procédures peuvent les décourager et certains font parfois le choix de ne pas porter plainte. Or il le faut.
Dans le département de l’Indre comme dans vos départements, beaucoup d’élus – les maires de Belâbre, de Bonneuil ou de Vatan – ont été agressés.
Les tensions croissantes entre les maires et les administrés rendent l’exercice de ce mandat de plus en plus difficile. Il est demandé aux élus de faire toujours plus avec moins.
Une véritable crise des vocations est donc à craindre pour les prochaines élections municipales.
La protection et la prise en charge des élus par l’État sont perfectibles. Ce texte vise donc à apporter des réponses concrètes et attendues par ces derniers.
Ses dispositions portent non seulement sur les sanctions, qui doivent être renforcées et prononcées, mais également sur les difficultés rencontrées par les élus auprès de leur assurance, qui leur oppose parfois des refus de souscription.
Le monde judiciaire doit accompagner les élus, en rendant compréhensibles les décisions rendues et en renforçant davantage sa présence. Pour ce faire, il faudra évidemment plus de magistrats et de greffiers.
Les élus sont les sentinelles de la République ; nous ne devons pas les abandonner.
Une réponse pénale rapide, ferme et systématique est indispensable si nous voulons endiguer ces violences.
J’appelle donc les ministères concernés à veiller à la bonne application des dispositions qui seront votées, et donc des peines.
Nos élus ont besoin de respect et de reconnaissance. Pour cela, il faut désormais faire savoir que, si agression il y a, sanction il y aura.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Françoise Gatel et Nathalie Goulet, ainsi que M. Hussein Bourgi, applaudissent également.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le retour au respect de l’élu local dépend d’un contexte général favorable.
Une part de plus en plus importante de nos concitoyens n’a plus aucune raison d’estimer ni de craindre le policier, la justice ou l’élu, parce qu’ils sont affaiblis institutionnellement, juridiquement et matériellement.
Dès mon premier mandat de sénateur, j’avais déposé une proposition de loi visant à renforcer les peines encourues pour atteinte à un élu et à automatiser la protection fonctionnelle pour le maire et ses adjoints.
Vous avez attendu que 4 000 élus locaux, dont 1 300 maires, démissionnent depuis 2020 pour agir. Ce retard est regrettable, mais mieux vaut tard que jamais.
En 2022, 1 400 faits ont été recensés contre les seuls élus locaux. Selon le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), un maire sur trois se dit victime de menaces.
Violences, insultes et harcèlement se multiplient et les maires des Bouches-du-Rhône n’échappent pas à ce fléau.
Puisque la crise de l’autorité est généralisée, aligner les sanctions encourues en cas de violence sur un élu sur celles qui sont encourues en cas de violence sur les forces de l’ordre aux termes de l’article 222-14-5 du code pénal est une solution législative cohérente.
Cet article prévoit une sanction de sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende en cas d’incapacité temporaire de travail (ITT) de huit jours et de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende en cas d’ITT inférieure ou égale à huit jours.
Lorsque les faits sont accompagnés de circonstances aggravantes, les peines sont alourdies d’un tiers. Elles sont doublées dès lors que s’y ajoutent plusieurs circonstances aggravantes.
Le message est très clair. Encore faudra-t-il qu’il soit appliqué chaque fois qu’un élu sera victime de violences, quelle qu’en soit la forme.
Par ailleurs, puisque nous avançons enfin sur le volet pénal avec une certaine unanimité, notre assemblée devrait en profiter pour impulser le chantier, tout autre, visant à étendre les pouvoirs de nos polices municipales en rehaussant leur qualité judiciaire, en facilitant l’accès aux fichiers et à l’armement, en favorisant la mutualisation entre les communes ou encore par le reclassement des fonctionnaires en catégorie B.
Les policiers municipaux doivent pouvoir prévenir les agressions envers les élus. Nous ne pouvons limiter en permanence notre réponse aux mesures curatives ou à la sanction.
En tout état de cause, les policiers municipaux sont souvent les primo-intervenants. Ils incarnent, par leur présence et leur uniforme, le prolongement de l’autorité des élus.
Plus largement, les élus locaux, et particulièrement les élus communaux, doivent, pour être respectés, retrouver de l’autonomie et des compétences d’action dans un mouvement général de décentralisation.
La démocratie locale et nationale n’est pas viable si l’on accepte la hausse de l’insécurité comme une fatalité. L’insécurité n’est pas un mal sans cause. La première crise sécuritaire locale est une crise de l’autorité et de la confiance.
Le respect de l’autorité se suscite. C’est à l’État de montrer l’exemple. De ce côté-là, le chemin de la confiance est encore long.
Je ne voudrais pas moquer les efforts de proposition qui ont été faits par le Gouvernement. Cependant, proposer aux élus de porter un bouton d’alarme dans la poche pour alerter en cas d’agression relève davantage du gadget que d’une mesure sérieuse.
Prenons du recul. Cessons les solutions concoctées dans les cabinets de conseil.
Place à une vision politique. Pensons renforcement de la répression, mais aussi décentralisation, confiance, partage de l’autorité.
M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les élections sénatoriales et la campagne électorale à laquelle elles ont donné lieu nous ont convaincus que l’insécurité figure parmi les premières préoccupations des élus locaux.
Les menaces verbales et les agressions physiques qu’ils subissent sont de plus en plus nombreuses. Elles ciblent aussi fréquemment leurs proches.
L’attaque inacceptable du domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses, Vincent Jeanbrun, n’est que le dernier fait divers d’une litanie sans fin de violences sans retenue, qui bousculent notre société et, en particulier, ceux qui incarnent la République au quotidien.
Souvenons-nous également de l’incendie volontaire du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins, alors que ce dernier s’y trouvait avec sa famille. Lorsqu’il fut reçu au Sénat par Joël Guerriau, Yannick Morez lui a livré un témoignage glaçant, comme tant d’autres, sur les intimidations et les menaces auxquelles font face les édiles locaux.
Cette violence a parfois des conséquences tragiques. Nous n’oublions pas la mort du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel.
L’Essonne est, elle aussi, fortement touchée par ce fléau, qui n’épargne d’ailleurs aucune figure d’autorité. Je pense en particulier à mon ami Patrick Rauscher, maire de Saintry-sur-Seine, qui ne compte plus les menaces de mort proférées à son endroit ni le nombre de plaintes qu’il a déposées et qui n’aboutissent jamais.
Les violences s’ajoutent aux nombreuses difficultés d’exercice de la fonction de maire, comme la judiciarisation croissante de la vie publique locale.
Accumulées, elles expliquent en partie la vague de démission de nos élus locaux et sont très certainement à l’origine de la crise des vocations, qui n’est autre qu’une crise démocratique que nous devons traiter.
Notre législation doit être adaptée au contexte dans lequel s’exercent désormais les mandats locaux.
La proposition de loi de François-Noël Buffet m’apparaît comme une avancée importante pour les élus. Elle satisfait une attente forte et répond à un réel besoin de protection.
Les dispositions de cette proposition de loi constituent des améliorations bienvenues. Nous sommes particulièrement favorables au durcissement des peines encourues par les auteurs de violences, qu’elles soient verbales ou physiques.
De même, nous approuvons sans réserve les mesures envisagées contre les auteurs d’injures publiques ou de harcèlement en ligne. Elles permettent d’adapter la réponse pénale aux comportements injurieux et aux menaces proférées sur les réseaux sociaux.
L’article 3 prévoit que la protection fonctionnelle est accordée automatiquement aux maires et aux adjoints qui en font la demande. Celle-ci ouvre droit, comme vous le savez, au conseil juridique, à l’assistance psychologique et à la couverture des coûts résultant de l’obligation de protection à l’égard du maire et des élus.
La commission des lois a décidé, à juste titre, d’étendre le dispositif d’octroi automatique de la protection fonctionnelle aux conseillers départementaux et régionaux exerçant des fonctions exécutives, en cas de violences, de menaces ou d’outrages.
Avec la prise en charge par l’État du coût de la couverture assurantielle des élus des communes de moins de 10 000 habitants, prévue à l’article 4, et la prise en charge par la commune des dépassements d’honoraires en matière de soins médicaux et d’assistance psychologique, prévue à l’article 8, le législateur s’engage en faveur d’une protection renforcée des élus locaux.
Par ailleurs, le sujet de la protection des candidats aux élections nous paraît également important. Cette protection est l’une des réponses possibles au phénomène de désintérêt pour la vie politique locale et peut être de nature à favoriser l’engagement citoyen. Elle représente cependant un véritable défi mis à la charge de l’État.
Enfin, le texte vise à améliorer la sécurité de nos communes. Le maire en est un acteur incontournable. Nous soutenons donc les dispositions du texte qui procèdent de cette logique, notamment le renforcement de la présence du procureur de la République au sein des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
De même, nous sommes particulièrement favorables aux dispositions permettant au maire d’être systématiquement informé des suites judiciaires données aux faits qu’il a lui-même signalés au parquet ou qui ont donné lieu à un dépôt de plainte.
Par ailleurs, il nous semble judicieux d’offrir aux procureurs de la République un espace de communication dans les magazines municipaux, afin que nos concitoyens soient mieux renseignés sur le niveau d’insécurité auquel ils sont exposés, ainsi que sur les mesures prises pour l’endiguer.
L’insécurité mine le quotidien de nos élus et de nos concitoyens. Elle porte atteinte à la cohésion de notre Nation. Pour autant, ce texte suffira-t-il à endiguer les incivilités et les violences, fruits de la montée des individualismes ? Je n’en suis pas totalement persuadée.
Nous voyons bien que la sanction, même exemplaire, reste insuffisante pour ceux qui défient les lois de la République ou qui n’acceptent pas de se soumettre aux règles de la vie en société, acceptées par chacun d’entre nous.
Réprimer plus sévèrement les comportements inciviques auxquels les élus sont confrontés est certes indispensable. Cependant, pour endiguer la crise des vocations, il faudra très certainement aller plus loin et instaurer un statut de l’élu réellement attractif.
Fort de cette conviction, le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutiendra cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI et sur d es travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Anne Chain-Larché. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat peut être fier des deux propositions de loi examinées aujourd’hui qui renforcent, pour l’une, le rôle du maire dans l’attribution des logements sociaux et, pour l’autre, la protection des élus.
Ces mesures étaient appelées de leurs vœux par tous les candidats aux élections sénatoriales et par l’ensemble des élus que nous avons rencontrés lors de l’exercice de nos mandats. Nous-mêmes, qui avons souvent déjà été maires avant que la loi n’interdise le cumul avec le mandat de parlementaire, savons de quoi nous parlons.
Car la situation a évolué et la sécurité a – malheureusement – changé de camp. Aujourd’hui, les élus souffrent : en 2022, 1 500 maires ont été agressés ; lors des émeutes du début du mois de juillet dernier, plus de 600 maires ont été victimes d’agression et 25 000 bâtiments publics ont été vandalisés, parmi lesquels 105 mairies et 243 écoles, dont 60 ont été intégralement détruites. Cela est bien évidemment inadmissible.
Ce constat n’est pas sans conséquence et nous conduit à nous inquiéter pour l’horizon 2026, car les vocations se feront rares.
Un certain nombre de lois ont été votées sans que leurs effets aient été bien mesurés. Les élus ont perdu leur autonomie financière et leur capacité d’agir. Une de nos collègues évoquait la décrédibilisation de l’action publique : les procédures sont beaucoup trop longues et n’aboutissent pas, du moins pas aux yeux des administrés. Ces derniers sont devenus, depuis l’époque du covid-19, des consommateurs. Cette situation est extrêmement difficile à vivre pour les maires.
La perte d’autonomie et d’autorité n’est en fait que la manifestation dans nos communes de la perte d’autorité de l’État : les maires ne sont pas entendus et font souvent l’objet d’agressions et de menaces, notamment de cyberattaques.
La France compte 520 000 élus locaux, qui constituent pour notre pays une vraie richesse, car les communes sont, on le sait, le lieu de l’efficience. Or 165 000 d’entre eux, dont 6 400 maires, annoncent déjà qu’ils ne se représenteront pas. Quel sera le visage de la France en 2026, lorsque nous devrons faire face à cette situation ?
Alors, que pouvons-nous faire au Sénat ? Notre mission d’information sur l’avenir de la commune et du maire en France a fait des propositions – et nous continuerons à en faire – pour renforcer la sécurité des élus locaux, mais aussi pour rétablir un certain nombre de leurs pouvoirs et de leurs capacités d’action.
Avec cette proposition de loi, nous nous penchons sur la sécurité de ces élus. Beaucoup de ceux que nous avons rencontrés au cours de nos campagnes électorales ou au cours de l’exercice de notre mandat souhaitent la création de peines planchers.
Monsieur le président de la commission des lois, il faudra étudier cette piste, déterminer dans quelle mesure un tel dispositif est applicable, apprécier s’il est constitutionnel ou non, et si son instauration peut faire en sorte que, tout simplement, la peur change de camp.
Disons-le, il faut beaucoup de courage lorsque l’on est élu et, comme le disait joliment Churchill, le courage est la première des qualités humaines, car c’est elle qui garantit toutes les autres. De courage, les maires n’en manquent pas et, au Sénat, nous sommes là pour les assister et pour les assurer de notre soutien.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDPI.
La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pas un mois ne passe sans que l’agression d’un élu fasse la une et que nous soyons interrogés localement, dans les territoires, sur le rôle que nous pouvons jouer au Sénat à cet égard.
Les chiffres, nous les connaissons. En 2022, une augmentation de 15 % des violences contre les élus a été constatée par l’AMF.
Cette trajectoire se poursuit en 2023, année marquée par les agressions de nombreux élus lors des émeutes urbaines de juillet dernier. Notons que ces chiffres ne reflètent d’ailleurs pas totalement la réalité, car beaucoup d’élus renoncent à porter plainte, par souci d’apaisement ou par anticipation du manque de suites données à leur plainte.
Ces violences doivent pourtant être prises très au sérieux, car elles constituent une menace grave pour notre tissu d’élus locaux, fondement de notre démocratie. Les près de 500 000 élus français, qui œuvrent quotidiennement pour nos concitoyens, pour la plupart de manière bénévole, représentent une richesse pour la France ; il est de notre devoir de les préserver et de les protéger au mieux. Faute de réaction, nous prendrions le risque de voir se multiplier les démissions, déjà nombreuses, et d’amplifier la crise de l’engagement citoyen qui – j’en ai bien peur – commence déjà à s’installer.
Aussi, j’accueille très favorablement cette proposition de loi et je remercie, pour leur initiative, les collègues qui l’ont déposée. Il est en effet essentiel de renforcer les sanctions. Il faut faire passer le message : les actes visés sont graves, et ils le sont encore plus lorsqu’ils sont commis sur les titulaires d’un mandat électif.
Cependant, j’estime que l’aggravation des peines ne pourra être pleinement efficace en l’absence de peines planchers, en particulier pour les récidivistes.
Je pense par exemple au maire de L’Houmeau, en Charente-Maritime, qui a été agressé cet été pour s’être opposé à une installation illicite de gens du voyage. Son agresseur avait onze mentions à son casier judiciaire, dont certaines pour des violences volontaires. Il n’a pourtant été condamné qu’à une peine d’un an de prison avec sursis. Comment lutter contre le sentiment d’impunité des agresseurs lorsque les peines sont aussi légères ? Nous devons nous pencher sur la question.
En ce qui concerne la protection fonctionnelle et la prise en charge des victimes, les évolutions proposées sont elles aussi tout à fait bienvenues pour protéger les élus et les accompagner plus efficacement. Le traumatisme psychologique d’une agression ou d’un harcèlement est en effet trop souvent minimisé, alors qu’il devrait être pris en charge pour éviter de laisser des traces encore plus profondes. Il est, en outre, injuste que la victime ait à supporter les frais médicaux ou de justice.
Le renforcement des liens avec les acteurs judiciaires est aussi opportun, en particulier la création d’une obligation d’information sur les suites données aux plaintes. Les élus se plaignent en effet régulièrement de la lenteur du traitement de leurs plaintes et du fait que celles-ci donnent fréquemment lieu à des classements sans suite, sans même qu’ils en soient informés.
Je voterai donc en faveur de cette proposition de loi, qui constitue une avancée fondamentale dans la protection des élus locaux. Il nous faudra cependant poursuivre notre travail pour, cette fois, non pas renforcer le traitement a posteriori des agressions des élus, mais les prévenir en amont, notamment en nous intéressant aux causes de la hausse des violences. Voilà un vaste chantier qui est devant nous, et sur lequel nous sommes attendus !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.
La parole est à M. Jean-Marc Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, assurer la sécurité et la protection de chaque citoyen est l’essence même des missions de l’État. Il doit en être de même pour nos élus locaux, car ce sont des citoyens qui ont décidé de s’investir quasiment bénévolement pour l’intérêt général, le bien-être, la sécurité et la protection de tous.
Cet impératif de protection de nos élus s’impose avec d’autant plus d’acuité que les agressions contre eux ne cessent malheureusement d’augmenter et d’être de plus en plus violentes : insultes, violences verbales et physiques, intimidations, images placardées dans les lieux publics, menaces de mort. Leurs familles sont également prises pour cible.
Les réseaux sociaux sont utilisés pour démultiplier ces délits et ces crimes de manière anonyme. Les émeutes récentes l’ont encore montré : une violence effrayante, parfois mortelle, s’abat sur nos élus.
Le Puy-de-Dôme, par exemple, n’est malheureusement pas épargné par la hausse des violences : les maires de Saint-Bonnet-près-Riom et de Volvic peuvent en témoigner, à la suite des insultes et des menaces dont ils ont été victimes.
Les rapports entre les citoyens et les élus ont, comme l’a indiqué le président de la commission des lois, changé depuis quelques années. Face à cette situation, le temps est non plus au constat, mais aux solutions, car nous devons à ces derniers une réelle protection.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui prévoit ainsi des évolutions en ce qui concerne les sanctions, ainsi que sur la protection et l’information de nos élus.
Je remercie sincèrement les collègues qui se sont investis sur ce sujet pour leur travail performant : je pense à l’enquête menée en 2019 auprès des élus locaux et à l’établissement de quatorze mesures concrètes pour améliorer leur protection. Il est temps que l’État entende les élus, madame la ministre, et que ces mesures soient désormais adoptées par le Parlement.
Car il y va de la vocation de ceux qui veulent s’engager pour l’intérêt général, comme le montrent les démissions de nos édiles. Face à une condamnation insuffisante de leurs agresseurs, voire à une certaine impunité de ces derniers, les élus ne souhaitent plus mettre leur vie et celle de leurs proches en danger.
Il est important d’introduire une circonstance aggravante en cas d’atteinte à la vie privée et familiale. En effet, comme cela a été souligné, les suites judiciaires aux agressions d’élus sont encore peu fréquentes : un tiers des agressés saisit la justice et seul un cinquième des plaintes aboutit à une condamnation pénale. Ainsi, 6 % seulement des victimes voient leur agression reconnue et obtiennent réparation.
Il faut améliorer l’effectivité et l’efficacité de la sanction pénale. Les sanctions doivent être renforcées. Un travail d’intérêt général est-il une peine suffisante en cas d’insulte envers un élu ?
Enfin, il paraît fondamental que l’octroi de la protection fonctionnelle soit automatique et que l’information des élus soit améliorée à ce sujet.
Madame la ministre, entendez le message des élus et protégez-les !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
TITRE Ier
CONSOLIDER L’ARSENAL RÉPRESSIF EN CAS DE VIOLENCES COMMISES À L’ENCONTRE DES ÉLUS
L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Maurey, Mme Pluchet, M. Sautarel, Mmes Morin-Desailly et N. Goulet, MM. Capo-Canellas, Cigolotti, Lafon, Longeot et Levi, Mme Noël, MM. Daubresse et H. Leroy, Mme Loisier, MM. Henno, Laugier et Menonville, Mme de La Provôté, MM. Paccaud, Chasseing, Mizzon, Canévet, Guerriau et Reichardt, Mme Muller-Bronn, MM. Milon, Rochette, J.P. Vogel, Le Rudulier, Courtial, Pointereau, Houpert et Laménie, Mme Lopez, M. Belin, Mme L. Darcos, MM. Duffourg et Kern, Mmes JOSENDE, Aeschlimann et Herzog, M. Wattebled, Mmes F. Gerbaud et Jacquemet, MM. Hingray, Pellevat et J.M. Arnaud et Mme Lermytte, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 4 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est ainsi modifiée :
1° L’article 132-18-1 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 132 -18 -1. – Pour les crimes commis contre un titulaire d’un mandat électif public dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur, la peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion ou de détention ;
« 2° Sept ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion ou de détention ;
« 3° Dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion ou de détention ;
« 4° Quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. » ;
2° L’article 132-19-1 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. 132 -19 -1. – Pour les délits commis contre un titulaire d’un mandat électif public dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Un an, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;
« 2° Deux ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;
« 3° Trois ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;
« 4° Quatre ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.
« Les dispositions du présent article ne sont pas exclusives d’une peine d’amende et d’une ou plusieurs peines complémentaires. »
La parole est à M. Jean-François Longeot.
Les agressions physiques et verbales à l’encontre des élus dans le cadre de l’exercice de leur mandat augmentent de manière préoccupante. Ainsi, en 2022, 2 265 atteintes envers des élus ont été enregistrées, soit une hausse de 32 % par rapport à 2021.
Mais ce chiffre est en réalité bien supérieur puisque de nombreux élus ne portent pas plainte à la suite d’une agression. Il ne reflète pas non plus les tensions croissantes entre les maires et les administrés qui, même si elles ne constituent pas des agressions, rendent l’exercice du mandat de plus en plus difficile.
Malgré plusieurs alertes ces dernières années, parfois tragiques – je pense notamment au décès du maire de Signes –, des mesures à la hauteur du problème n’ont pas été prises.
Si un renforcement des peines encourues est nécessaire, nous ne pouvons toutefois que déplorer que, lorsque les plaintes des maires aboutissent, les peines prononcées soient bien en deçà de celles prévues par la loi. Il apparaît donc indispensable de prévoir une peine plancher en cas de délit ou de crime contre un élu de la République.
Cet amendement vise ainsi à instaurer des peines minimales contre les auteurs de crimes et délits à l’encontre des titulaires d’un mandat électif, à l’instar de celles qui avaient été créées en 2007 et supprimées par la suite lors du quinquennat de François Hollande.
Cet amendement vise à introduire des peines planchers pour les délits et crimes commis sur les seuls titulaires d’un mandat électif public.
En premier lieu, il paraît inconcevable juridiquement d’instaurer un tel mécanisme d’encadrement des peines pour les seuls titulaires d’un mandat électif public. Il semble difficile de justifier l’application de ce mécanisme aux seuls élus, alors que d’autres dépositaires de l’ordre public, comme les membres des forces de l’ordre, pourtant soumis à des menaces et violences de même nature, n’en bénéficieraient pas.
En second lieu, on sait que le dispositif des peines planchers, qui a été en vigueur entre 2007 et 2014, n’a pas été un grand succès : si cette réforme a bien contribué à alourdir la durée des peines, les juges ont, dans 62 % des cas, prononcé, par décision motivée, des condamnations dérogeant au principe de la peine plancher. Ce dispositif était en fait beaucoup moins automatique qu’il n’y paraissait.
Enfin, il me semble que cette disposition, si elle était adoptée, serait censurée par le Conseil constitutionnel pour rupture d’égalité. On ne peut pas proposer aux élus locaux des solutions qui ne seraient pas juridiquement robustes.
À mon sens, il serait plus efficace, si l’on veut alourdir les peines, d’adopter les articles suivants de la proposition de loi.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis sera défavorable.
Dans la continuité des propos de Mme la rapporteure, le Gouvernement émet aussi un avis défavorable sur cet amendement.
Vous proposez, monsieur Longeot, de réintroduire le mécanisme des peines planchers en cas de crime ou de délit commis à l’encontre d’un élu dans l’exercice ou du fait de ses fonctions.
La peine a pour fonction de sanctionner l’auteur de l’infraction, de lui permettre de s’amender et de faciliter son insertion ou sa réinsertion.
Or les différentes études statistiques ont démontré que les peines planchers n’ont pas entraîné, comme l’a dit Mme la rapporteure, un recours plus important aux peines d’emprisonnement, lesquelles étaient déjà très majoritaires s’agissant des condamnations pour les crimes et délits en cas de récidive.
Ensuite, l’abrogation des peines planchers n’a pas entraîné de baisse de la sévérité des juridictions pénales : en effet, durant les années pendant lesquelles ce dispositif s’appliquait, entre 2008 et 2013, le quantum moyen ferme des peines d’emprisonnement prononcées était inférieur à celui de la période actuelle.
Enfin, le rétablissement des peines planchers serait susceptible d’aggraver les délais de traitement des dossiers en matière pénale : chaque audience pourrait prendre encore plus de temps, dans la mesure où les débats risqueraient de s’éterniser sur l’application ou non de la peine plancher et sur les motifs permettant d’y déroger.
Non, je le retire, monsieur le président.
À la suite des explications de Mme la rapporteure et de Mme la ministre, j’ai compris que l’adoption de mon amendement conduirait à créer des différences entre les citoyens.
Néanmoins, cet amendement était important, car il m’a permis de lancer un appel fort. Aujourd’hui, les peines – nous en reparlerons à l’occasion de l’examen de l’article 3 – ne sont malheureusement pas souvent appliquées.
Je veux évoquer le cas, sur lequel je reviendrai, d’un maire qui a porté plainte après avoir été agressé : l’auteur des faits n’a pas été condamné alors qu’il avait reconnu au tribunal qu’il l’avait bien frappé, mais il a expliqué qu’il ne savait pas qu’il était élu et qu’il avait arrêté lorsqu’il l’avait appris… Or la différence entre un citoyen et un élu est importante, et il est important pour les élus qui subissent ce genre de choses que les condamnations soient appliquées et que les peines soient alourdies.
L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
Monsieur Longeot, le sujet est évidemment d’importance. Il n’est pas question pour la commission de rejeter d’un revers de la main cet amendement qui a été signé par un grand nombre de nos collègues.
En réalité, il convient de faire en sorte d’améliorer les échanges entre les procureurs de la République, les parquets et les élus pour que la prise de conscience du problème se généralise. Avec Philippe Bas, nous avions obtenu du garde des sceaux qu’une circulaire sensibilise les procureurs à la situation des élus. Cette initiative a pu permettre quelques avancées, mais si elles restent insuffisantes. Nous devons continuer de travailler sur ce sujet. Il faut notamment que les sanctions prononcées à l’audience soient très fermes, comme nous le souhaitons.
Je vous remercie d’avoir retiré votre amendement, car celui-ci pose un problème d’ordre constitutionnel, comme notre rapporteur l’a expliqué. N’y voyez pas une manière de nous défausser, le motif est réel : il faut respecter le principe d’égalité. D’autres personnes dépositaires de l’autorité publique pourraient demander à bénéficier du dispositif, et nous ne sommes pas en mesure – en tout cas pas ce soir – de les satisfaire.
Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :
1° Le paragraphe 2 de la section 1 est ainsi modifié :
a) Au 4° bis des articles 222-12 et 222-13, les mots : « toute personne chargée d’une mission de service public » sont remplacés par les mots : « une personne chargée d’une mission de service public autre que celles mentionnées à l’article 222-14-5 du présent code » ;
b) Au premier alinéa du I de l’article 222-14-5, les mots : « ou un agent de l’administration pénitentiaire » sont remplacés par les mots : «, un agent de l’administration pénitentiaire ou le titulaire d’un mandat électif public » ;
2° La section 8 est ainsi modifiée :
a) Au deuxième alinéa de l’article 222-47, les mots : « et 222-14-2 » sont remplacés par les mots : «, 222-14-2 et 222-14-5 » ;
b) À l’article 222-48, après la référence : « 222-14-4 », est insérée la référence : «, 222-14-5 ».
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec gravité que je m’exprime pour la première fois dans cet hémicycle en tant que sénatrice de la Loire-Atlantique, département où les élus ont été particulièrement visés par des agressions, des insultes et des menaces.
J’interviens au lendemain d’événements graves et inadmissibles survenus dans mon département à Rezé, au sud de Nantes, lors d’une réunion publique de présentation d’un projet d’habitat solidaire pour des migrants d’Europe de l’Est. À cette occasion, des insultes et des menaces ont été proférées, des agressions commises. Je tiens à exprimer ce soir mon soutien et ma solidarité sans faille à la maire, Mme Agnès Bourgeais, et à l’ensemble des élus de Rezé. Je souhaite affirmer ma détermination à refuser et à combattre ces propos et comportements violents, racistes et extrémistes.
Ces nouvelles agressions surviennent dans un territoire encore sous le choc à la suite des faits intolérables, évoqués à plusieurs reprises ce soir, qui se sont déroulés à Saint-Brevin-les-Pins à l’encontre du maire Yannick Morez, victime d’agressions, de menaces de mort et de violences. Dorothée Pacaud, qui lui a succédé, subit, elle aussi, des intimidations.
Nous pourrions tous citer des élus d’autres communes victimes d’agressions et de violences. Je rappelle ici la mobilisation de plus de 550 élus de la Loire-Atlantique qui ont cosigné une lettre à Emmanuel Macron, en novembre dernier, pour réclamer plus de fermeté.
En 2021, l’AMF 44, l’association des maires et des présidents d’intercommunalité de Loire-Atlantique, constatait une hausse de 47 % des incivilités, des injures, des agressions et des faits de harcèlement. Il est urgent de réagir avec fermeté, de protéger les élus et de sanctionner les coupables. Tout cela doit se traduire par un renforcement concret de la protection des élus locaux : la République et les préfets doivent être plus proches d’eux et garantir leur sûreté sur le terrain.
Les élus sont, dans les faits, bien trop seuls pour faire face à ces attaques inadmissibles dans notre République. Nous devons être engagés sans faille aux côtés de celles et ceux qui sont élus actuellement, comme de celles et ceux qui s’engageront demain dans l’action publique locale et qui contribueront à faire vivre le pacte républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je prends également la parole pour la première fois dans cette enceinte.
Élue récemment sénatrice représentant les Français établis hors de France, je parlerai de leurs élus locaux : les conseillères et les conseillers des Français de l’étranger. Eux aussi peuvent être l’objet d’agressions et d’attaques. Ils ne bénéficient pas de la protection fonctionnelle et ils sont loin de la France.
Il me paraît important de souligner qu’ils ont aussi besoin de disposer de relais et de procédures efficaces, même s’ils vivent à l’autre bout du monde.
Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Patricia Schillinger et M. Hussein Bourgi applaudissent également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tenais à prendre la parole en ce début de débat pour dire que je souscris pleinement à la volonté du Sénat de mieux protéger les élus. Je soutiens en particulier la proposition de mon groupe visant à élargir le bénéfice de la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux.
Dans ce sens, je souhaiterais que nous n’oubliions pas d’inclure, dans le débat, cette catégorie d’élus locaux que sont les conseillers des Français de l’étranger. Hussein Bourgi y a fait référence dans son propos et ma collègue vient de les évoquer aussi. Depuis 2014, ils sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de six ans afin de représenter les plus de trois millions de nos compatriotes résidant à l’étranger.
Dix ans après l’adoption de la loi du 22 juillet 2013, les conseillers des Français de l’étranger sont désormais des interlocuteurs incontournables pour nos compatriotes, comme ils le prouvent à chaque crise qui frappe leur pays.
La plupart sont installés dans leur pays de résidence depuis de nombreuses années ou y sont nés. Ils y ont fondé une famille et y travaillent. Comme tous les élus locaux, ils consacrent un temps inestimable à l’exercice de leur mandat : ils se réunissent non pas en conseils municipaux, mais en conseils consulaires, tiennent des permanences et ont une fine connaissance de leur territoire, ainsi que des familles qu’ils accompagnent au quotidien.
Ces 443 élus, présents sur les cinq continents, perçoivent une allocation forfaitaire destinée à contribuer à la souscription d’une police d’assurance afin qu’ils puissent être indemnisés en cas de dommages résultant des accidents subis dans le cadre de leur mandat.
Outre cette assurance, l’octroi d’une protection fonctionnelle semblable à celle dont bénéficient les élus locaux en France permettrait de les protéger contre les violences, les outrages et les menaces contre eux et leurs proches, dont ils ne sont malheureusement pas épargnés.
Je crois qu’il est temps d’accorder à ces vrais élus de proximité la reconnaissance qu’ils méritent, à la hauteur de leur engagement en faveur de notre pays et de nos communautés françaises.
C’est pourquoi je vous invite, madame la ministre, à ouvrir une réflexion, en lien avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, pour répondre à cette demande récurrente de nos élus de terrain, et renforcer ainsi leur sécurité et leur intégrité où qu’ils se trouvent dans le monde.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour ma première intervention en tant que sénateur du Morbihan, je veux relever que nous faisons toutes et tous le constat du mal-être des élus locaux.
Ces dernières semaines – Muriel Jourda ne me contredira pas –, nous avons entendu de très nombreux élus nous rapporter des propos préoccupants qui ont un impact jusque sur leur vie personnelle : des parents nous disent ainsi que leurs enfants ne voient plus la lumière briller de la même façon dans leurs yeux depuis qu’ils sont élus.
Les chiffres sont édifiants dans tous les départements. Dans le Morbihan, on compte quatre démissions par semaine ; 15 % des élus locaux ont démissionné entre mai 2020 et décembre 2022, dont plus de 700 à la fin de l’année dernière.
On entend régulièrement des témoignages sur la lenteur et la faiblesse de l’accompagnement des élus. Je pourrais ainsi citer ce témoignage d’une maire du Morbihan : après avoir été insultée à l’accueil de sa mairie, elle a rapporté les faits aux gendarmes, qui lui ont dit que la personne incriminée n’avait peut-être pas voulu dire cela et qu’en tout état de cause, ce n’était pas très grave.
Les élus ne sont pas des privilégiés – nous en convenons tous –, mais ils ne sont pas non plus des sous-citoyens sur lesquels on pourrait déverser impunément sa colère.
Nous devons donner l’exemple, y compris dans cette enceinte, en bannissant des expressions qui peuvent prêter à confusion. Je pense en particulier à celle selon laquelle les élus seraient « à portée de baffes » : nous ne pouvons plus l’employer, car les mots ont un sens.
L’alourdissement des sanctions pénales, prévu à l’article 1er, va évidemment dans le bon sens, tout comme l’allongement des délais de prescription : autant de mesures qui avaient été portées et soutenues très activement par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Enfin, dans le prolongement des propos d’Hélène Conway-Mouret et d’Hussein Bourgi, mon groupe appelle une nouvelle fois à l’extension de la protection fonctionnelle à tous les élus locaux, pour les protéger efficacement au quotidien.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Nous sommes dans une société dans laquelle la violence n’a jamais été aussi forte. Si nous ne décidons pas collectivement de nous attaquer aux causes de cette violence – et nous pouvons en débattre ici de manière démocratique, avec nos divergences –, si nous ne nous attelons pas à trouver des réponses pour endiguer fortement cette violence, alors nous nous tromperons.
Nous pouvons toujours ici rouvrir le débat sur les peines planchers ou relever telle ou telle peine, mais celles et ceux qui commettent des actes de violence aujourd’hui parce qu’ils ne reconnaissent plus et ne respectent plus l’autorité incarnée par les élus locaux se fichent des lois, si je puis le dire ainsi ! S’extraire du respect de la loi, c’est le propre même de l’acte de violence.
Nous avons donc besoin, bien évidemment, de sanctionner les actes délictueux, mais également et surtout de protéger l’ensemble des élus locaux de notre pays.
De fait, mes chers collègues, aucun des événements que nous avons évoqués dans la discussion générale – ni le drame du maire de Signes, ni la difficulté qui a poussé le maire de Saint-Brevin-les-Pins à la démission, ni l’attaque terrible qu’a connue le maire de L’Haÿ-les-Roses cet été – n’est lié à un problème de peine à laquelle sont exposés les auteurs de ces actes.
Madame la ministre, la responsabilité de l’État, du Gouvernement, du Président de la République n’est pas de promettre des annonces pour le prochain congrès de l’Association des maires de France : elle est de replacer les élus locaux comme des acteurs essentiels et indispensables pour construire la République dans laquelle nous vivrons toutes et tous demain.
Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
Ainsi que mes collègues l’ont affirmé, l’augmentation continue des agressions envers les élus est une réalité indiscutable.
Dans le même temps, comme notre commission des lois, qui s’est emparée de la question dès 2019, chacun constate que les suites judiciaires sont insuffisantes, voire inexistantes. Il en va de même de l’accompagnement.
Les causes sont multiples : découragement des élus concernés, voire, parfois, écœurement devant le choc de l’agression ; lassitude devant des actes répétés, comme les menaces ou les pressions morales, auxquelles les maires finissent malheureusement par s’habituer.
Tout aussi grave est le manque d’effectivité de la réponse judiciaire face aux violences commises. Car trop souvent, alors que l’élu a bénéficié de la protection fonctionnelle, surmonté les lenteurs de la procédure, obtenu le déclenchement de l’action publique, la réponse traîne, se perd dans les sables, pour aboutir à une seule déploration attristée. C’est un échec judiciaire.
Disons-le nettement : pour ne pas aggraver la situation et par découragement, de nombreux élus préfèrent renoncer à déposer plainte.
Cette situation d’autocensure a été mise en exergue lors de la consultation lancée par le Sénat et la commission des lois, laquelle a révélé que, très majoritairement, les élus agressés physiquement et plus encore verbalement en restaient là, avec parfois la volonté de rendre l’écharpe au prochain renouvellement démocratique.
Cela dit, quand la justice fait son travail, je souscris pleinement aux possibilités que lui offre l’article 1er, qui consolide l’arsenal législatif et répressif envers les violences. Je m’interroge toutefois sur la nécessité d’introduire des peines planchers tant la dégradation de l’esprit public est forte et inquiétante.
Pour terminer, j’exprimerai un questionnement plus large sur la suspicion croissante à l’égard de toute autorité. Au-delà des élus, et notamment des maires, c’est à l’égard de toutes les figures d’autorité que l’on voit des contestations grandissantes : les professeurs, les juges ou encore les forces de l’ordre.
Il est troublant d’entendre, ici ou là, des mots d’ordre tels que « la police tue » ou des considérations sociologiques sur la violence structurelle de la société, qui saperait toute institution. On ne saurait déplorer vertueusement un phénomène quand on l’alimente indirectement par une suspicion contre toute autorité constituée.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Mon intervention s’inscrira dans la lignée de celle de mon collègue François Bonhomme.
Bien sûr, je ne suis pas persuadé que la fonte des glaces citoyenne qui ronge notre démocratie et notre République n’est liée qu’à la protection des élus. Mais cette problématique joue énormément !
Il est évident qu’il faut aggraver les peines. Mais à quoi cela sert-il quand les plaintes déposées ne sont pas suivies et semblent s’évaporer ?
Lors de ma campagne sénatoriale, j’ai eu des réunions avec plus de 600 maires et adjoints. J’ai été frappé par le nombre sidérant de maires qui n’ont jamais eu la moindre nouvelle d’une plainte qu’ils avaient déposée.
Le président Buffet a évoqué la circulaire du garde des sceaux. De fait, elle existe. Mais a-t-elle été lue ? A-t-elle été entendue ? Y a-t-il chez certains procureurs une volonté de ne pas protéger les élus ? Je n’ose le dire.
La seule chose que je peux relever, c’est que le nombre de plaintes qui n’aboutissent pas est scandaleux.
Mme Cathy Apourceau-Poly approuve.
Oui, dans beaucoup de cas, il n’y a pas de réponse judiciaire ! Cette absence de la justice derrière les élus est l’un des principaux problèmes : il faut le dire de façon claire et nette !
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Laure Darcos et M. Lucien Stanzione applaudissent également.
L’amendement n° 4, présenté par MM. Bourgi et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey, Narassiguin et Linkenheld, MM. Roiron, Chaillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
chapitre II du
II. – Après l’alinéa 1
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 221-4 est ainsi modifié :
a) Au 4°, après le mot : « ministériel, », sont insérés les mots : « un titulaire d’un mandat électif public, » ;
b) A la seconde phrase du dernier alinéa, après le mot : « pénitentiaire » sont insérés les mots : «, un titulaire d’un mandat électif public » ;
III. – Alinéa 3
Après le mot :
articles
insérer les références :
IV. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au premier alinéa de l’article 222-14-1, après le mot : « pénitentiaire », sont insérés les mots : « un titulaire d’un mandat électif public » ;
V. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Au deuxième alinéa de l’article 433-5, après le mot : « publique, », sont insérés les mots : « au titulaire d’un mandat électif public ».
La parole est à M. Hussein Bourgi.
Par cet amendement, nous vous proposons, en plus d’étendre les circonstances aggravantes et les sanctions pour les violences commises à l’égard des élus, de les élargir à d’autres types d’infractions. Nous considérons qu’il est souhaitable d’étendre les circonstances aggravantes et d’alourdir les peines pour les meurtres, les violences ayant entraîné la mort, les violences aggravées et les outrages lorsque ces crimes et ces délits sont commis contre un élu.
Je connais bien les termes du débat qui nous a opposés en commission des lois : la jurisprudence répondrait déjà à ces situations. Or nous savons tous et toutes que la jurisprudence peut faire l’objet d’un revirement. S’agissant de ces infractions en particulier, la jurisprudence n’est pas tout à fait claire, ni vraiment stable en ce qui concerne les élus qui ne sont pas dotés d’une délégation.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, avec cet amendement, de ne pas nous en remettre uniquement à la jurisprudence et à l’appréciation du juge, mais d’inscrire dans le marbre de la loi ces circonstances aggravantes et les sanctions qui les assortissent.
Applaudissements sur les travées du groupe SER.
Nos collègues du groupe socialiste souhaitent élargir le champ des aggravations de peine prévues contre les personnes dépositaires de l’autorité publique aux titulaires d’un mandat électif.
Comme je l’ai dit en commission, je ne suis pas favorable à une telle mesure, qui reviendrait à introduire des doublons dans la définition du champ des aggravations, puisque la catégorie des personnes dépositaires de l’autorité publique inclut les responsables des exécutifs locaux, mais aussi les adjoints au maire et les conseillers municipaux délégués.
De la même manière, les autres élus locaux, lorsqu’ils n’ont pas de délégation, ont quant à eux la qualité de personnes chargées d’une mission de service public. Il en va ainsi des parlementaires, par exemple.
Ainsi, le dispositif que nos collègues présentent comme une précision juridique ne me semble ni opportun ni de nature à clarifier l’état du droit, tant les catégories de personnes dépositaires de l’autorité publique et de personnes chargées d’une mission de service public sont parfaitement appréhendées par l’ensemble des acteurs judiciaires et étatiques comme par la jurisprudence constitutionnelle.
Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.
Madame la sénatrice Karine Daniel, je viens d’apprendre que Mme le maire de Rezé, Agnès Bourgeais, fait l’objet de menaces de mort et de violences physiques et qu’elle a été poursuivie jusqu’à son domicile. Bien évidemment, cela est totalement inacceptable et inadmissible. Je l’appellerai dès demain. Je joindrai également M. le préfet pour m’assurer que la protection qu’elle mérite est bien mise en place.
Ensuite, je veux répondre à M. le sénateur Olivier Paccaud, qui souligne à raison notre frustration liée aux trop nombreux classements sans suite et aux jugements qui ne sont pas à la hauteur de nos attentes.
Premier élément, depuis que la circulaire a été cosignée par Gérald Darmanin, Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, et moi-même – c’était au mois de juin –, les procureurs répondent systématiquement présent, ainsi que nous le leur avions demandé.
Pour voir, chaque semaine, entre 50 et 200 maires, à l’occasion de deux ou trois assemblées générales de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) ou de l’Association des maires de France, je puis en témoigner.
Deuxième élément, les classements sans suite que vous avez évoqués, monsieur Paccaud, ont très largement diminué.
Dans tous les départements où je me suis rendue lors des dernières semaines du mois de septembre pour participer à ces assemblées générales, que ce soit dans le Nord ou en Haute-Garonne, nul ne m’a pas parlé de classement sans suite récent.
Par conséquent, monsieur le sénateur, si j’adhère à votre analyse et si je comprends la lassitude qui a pu naître par le passé, je forme le vœu et nourris l’espoir qu’il y ait de moins en moins, voire plus du tout, de classements sans suite, que l’on explique aux maires les raisons des éventuels classements sans suite, conformément à ce que prévoit la circulaire, et que les sanctions soient à la hauteur de ce que nous attendons tous.
Pour finir, je ne peux pas souscrire à l’absence de justice que vous dénoncez. Nous sommes fiers de l’indépendance de notre justice. Le garde des sceaux ne saurait indiquer aux juges du siège comment ils doivent juger – vous le savez comme chacun d’entre nous ici.
Monsieur le sénateur Bourgi, vous proposez de prévoir que les faits de meurtre, les violences ayant traîné la mort, les violences aggravées et les outrages soient aggravés lorsqu’ils sont commis sur le titulaire d’un mandat électif. Le code pénal prévoit déjà des peines aggravées lorsque ces crimes et délits sont commis contre toute personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Ces deux catégories incluent notamment les parlementaires, les exécutifs régionaux, les maires et les adjoints. Ainsi, le meurtre commis contre une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, catégories dans lesquelles entrent ces élus, est puni de la réclusion criminelle à perpétuité, comme le prévoit l’article 221-4 du code pénal.
Néanmoins, comme vous l’avez indiqué, la jurisprudence est plus complexe sur la catégorie à laquelle appartient un conseiller municipal, qui plus est sans délégation.
Si la Cour de cassation a précisé que toute personne chargée d’accomplir des actes ayant pour but de satisfaire l’intérêt général, quand bien même elle ne disposerait d’aucun pouvoir de décision au nom de la puissance publique, doit être regardée comme étant chargée d’une mission de service public, elle n’a toutefois pas tranché la question du statut d’un conseiller municipal.
En l’état du droit, votre amendement est donc partiellement satisfait, raison pour laquelle je m’en remets à la sagesse de votre hémicycle.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 1, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. Parigi, G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et ses collaborateurs de cabinet
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet amendement a pour objet de renforcer l’arsenal répressif contre les auteurs d’agressions, de menaces ou d’injures envers les collaborateurs d’élus et les membres de cabinet.
Les collaborateurs d’élus et membres de cabinet sont en relation directe avec les administrés. Lorsqu’ils accompagnent un élu sur le terrain ou qu’ils reçoivent en rendez-vous, ils peuvent être la cible d’agressions et de menaces commises dans l’exercice de leurs fonctions.
Récemment, le collaborateur parlementaire de la députée Aurélie Trouvé a été hospitalisé après une violente agression, alors qu’il avait été repéré par l’un de ses agresseurs.
Autre exemple, parmi d’autres : le collaborateur de la maire de Calais a également été hospitalisé en mai 2023 après avoir reçu un coup porté à la tête lors d’un déplacement professionnel.
Il nous semble qu’il convient de protéger les salariés des élus dès lors que leur identité est apparente ou connue de l’auteur et que l’infraction a été commise dans l’exercice ou du fait de leurs fonctions.
Nous comprenons bien votre intention, monsieur Benarroche, mais l’adoption de votre amendement reviendrait à étendre le dispositif à une catégorie de personnes qui n’est pas dépositaire de l’autorité publique.
L’introduction de cette nouvelle catégorie remettrait en cause la cohérence du dispositif et les équilibres trouvés par la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure votée en janvier 2022, en traitant de la même manière deux types de personnes placées dans des situations qui sont différentes.
En effet, il me semble que la situation des membres des cabinets est objectivement très différente des autres personnes dépositaires de l’autorité publique qui seraient protégées par cet article.
Enfin, la mesure que vous proposez semble disproportionnée. En effet, s’il peut malheureusement arriver, comme vous venez de l’expliquer, que des membres de cabinet soient victimes de violences et de menaces, l’aggravation de peine prévue pour les personnes dépositaires de l’autorité publique se justifie au regard de l’atteinte portée à ces fonctions particulières, au-delà des seuls intérêts privés de la victime, ce qui n’est pas le cas pour les membres de cabinet.
Par conséquent, la commission demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Nous avons conscience de la relation directe qu’ont les collaborateurs et membres de cabinet avec les élus, et ne pouvons que condamner toute violence perpétrée contre ces derniers. Les récents événements auxquels vous avez fait référence, monsieur le sénateur, ne peuvent que nous faire réagir et nous alerter.
Néanmoins, cette extension nous paraît aller trop loin. Les violences contre les collaborateurs sont évidemment déjà réprimées, et il nous semble qu’il est nécessaire de conserver une gradation des peines entre ces violences et celles qui sont commises sur les élus.
Par ailleurs, les termes « collaborateurs de cabinet » sont trop vagues et pourraient être contraires aux principes de clarté et d’intelligibilité de la loi pénale, que le Conseil constitutionnel contrôle de façon extrêmement stricte.
Pour ces raisons, nous sommes défavorables à votre amendement.
Je prends acte de votre réponse, madame la ministre, mais je souhaite m’exprimer au nom des collaborateurs de cabinet et des collaborateurs d’élus, profession que je connais bien et qui est définie par le code général des collectivités territoriales.
L’exemple évoqué dans l’exposé des motifs de l’amendement concerne un attaché parlementaire, qui n’est pas couvert par le dispositif de l’amendement. Son auteur nous a présenté une situation, mais le dispositif en couvre d’autres… Je pense que cet amendement n’est pas rédigé de manière adéquate, raison pour laquelle il ne peut malheureusement pas être accepté.
En revanche, la situation des collaborateurs politiques, qu’ils travaillent en cabinet au sein d’une collectivité territoriale ou auprès d’élus, doit probablement être étudiée à l’aune de ce que l’on peut faire pour un certain nombre d’élus, puisque c’est souvent à l’occasion d’une mission politique d’accompagnement d’un élu qu’ils sont concernés par les faits de violence. Ce sujet mérite d’être regardé de plus près.
Je suis globalement d’accord avec l’objet de cet amendement, mais je pense que l’on ne saurait adopter celui-ci dans sa rédaction actuelle.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 1 er est adopté.
I. – Le premier alinéa de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par les mots : « et d’une peine de travail d’intérêt général ».
II. – Après le 4° de l’article 222-33-2-2 du code pénal, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis Lorsqu’ils ont été commis sur le titulaire d’un mandat électif ; ». –
Adopté.
Le paragraphe 3 du chapitre V de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 65-5 ainsi rédigé :
« Art. 65 -5. – Pour les délits prévus aux articles 31 et 33, le délai de prescription prévu par l’article 65 est porté à un an. » –
Adopté.
Au deuxième alinéa de l’article 223-1-1 du code pénal, après la seconde occurrence du mot : « public », sont insérés les mots : «, candidat à un mandat électif public pendant la durée de la campagne électorale ». –
Adopté.
TITRE II
AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES ÉLUS VICTIMES DE VIOLENCES, AGRESSIONS OU INJURES DANS LE CADRE DE LEUR MANDAT OU D’UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2123-35 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« La commune accorde sa protection au maire ou aux élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions, qui en font la demande. Elle répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté. Les membres du conseil municipal en sont informés dans les plus brefs délais.
« Le conseil municipal ne peut s’opposer à la protection mentionnée au deuxième alinéa ou en restreindre le champ que pour un motif d’intérêt général, par une délibération motivée prise dans un délai de trois mois à compter de la demande adressée par l’élu concerné à la collectivité. L’inscription de ce point à l’ordre du jour du conseil municipal est de droit à la demande d’un ou de plusieurs membres du conseil municipal. » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « deux alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « premier à troisième alinéas » ;
2°
3°
« Le département accorde sa protection au président du conseil départemental, aux vice-présidents ou aux conseillers départementaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions, qui en font la demande. Il répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté. Les membres du conseil départemental en sont informés dans les plus brefs délais.
« Le conseil départemental ne peut s’opposer à la protection mentionnée au deuxième alinéa ou en restreindre le champ que pour un motif d’intérêt général, par une délibération motivée prise dans un délai de trois mois à compter de la demande adressée par l’élu concerné à la collectivité. L’inscription de ce point à l’ordre du jour du conseil départemental est de droit à la demande d’un ou de plusieurs membres du conseil départemental. » ;
4°
« La région accorde sa protection au président du conseil régional, aux vice-présidents ou aux conseillers régionaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions, qui en font la demande. Il répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté. Les membres du conseil régional en sont informés dans les plus brefs délais.
« Le conseil régional ne peut s’opposer à la protection mentionnée au deuxième alinéa ou en restreindre le champ que pour un motif d’intérêt général, par une délibération motivée prise dans un délai de trois mois à compter de la demande adressée par l’élu concerné à la collectivité. L’inscription de ce point à l’ordre du jour du conseil régional est de droit à la demande d’un ou de plusieurs membres du conseil régional. »
Madame la ministre, nos maires, ces élus de terrain, rencontrent de grandes difficultés pour mener à bien leur mission. En effet, l’intolérance à la frustration de nos concitoyens expose les élus davantage qu’auparavant.
Plus d’un maire français sur trois affirme avoir déjà été victime de menaces ou d’injures, selon une étude du Cevipof. Les atteintes aux élus ont augmenté de 30 % en 2022 et, de verbale, la violence devient parfois physique.
Dans mon département du Doubs, plusieurs élus ont été agressés cette année. C’est le cas de M. André Mesnier, maire du petit village de Vennans, frappé pour avoir apostrophé un livreur qui, selon l’élu, roulait trop vite. Hélas, comme je l’évoquais précédemment, le jugement ne lui a pas été favorable parce qu’il n’avait pas indiqué sa fonction au livreur. Si la situation n’était pas si grave, l’obligation pour un maire de faire état de son mandat à celui qui le frappe serait presque ubuesque… Tant que nous y sommes, pourquoi ne pas obliger les maires à présenter à leur agresseur leur écharpe tricolore ou leur carte d’identité ?
La gestion de l’urbanisme devient elle aussi un réel problème. Elle est source d’agressions. En effet, le maire peut se trouver confronté à des menaces ou à des intimidations dès lors que sa réponse n’est pas favorable au pétitionnaire.
C’est pourquoi il est important que l’arrêté soit signé du maire, mais que le préfet ne laisse pas ce dernier seul s’agissant de l’affichage de la décision prise. Il est prévisible que la mise en place du « zéro artificialisation nette » (ZAN) exposera encore davantage le maire aux réactions de nos concitoyens, qui ne manqueront pas d’être vives compte tenu des enjeux financiers…
Madame la ministre, comment comptez-vous soutenir et défendre nos élus afin qu’ils puissent poursuivre leur engagement au service de l’intérêt général, et ce dans de bonnes conditions ?
L’article 3 de la proposition de loi vise à améliorer le mécanisme de la protection fonctionnelle par les collectivités des dommages subis par les maires ou élus municipaux, les suppléants ou ceux qui ont reçu une délégation en cas d’agression en lien avec l’exercice de leur fonction.
Si cette disposition entrait en vigueur, la protection fonctionnelle disposerait désormais d’un caractère automatique dès lors que l’élu agressé en ferait la demande.
Bien entendu, cette mesure est bienvenue et attendue. Mais elle laisse également un sentiment d’inachevé, puisqu’elle ne concerne qu’une partie des conseillers municipaux et exclut mécaniquement les élus de l’opposition.
Rien ne justifie qu’il faille opérer une telle distinction, dans la mesure où tout élu municipal, qu’il soit maire, suppléant ou simple conseiller, est susceptible d’être agressé en raison de sa fonction.
Lors de l’examen du texte en commission, j’avais déposé un amendement ayant pour objet d’élargir le dispositif à l’ensemble des élus municipaux, afin que chaque conseiller bénéficie du même régime de protection. Cependant, cet amendement n’a pas passé le stade de la recevabilité financière. Je le regrette, même si je comprends bien les contraintes constitutionnelles qui imposent un encadrement du droit d’amendement.
Aussi, je me permets de vous solliciter, madame la ministre, afin, d’une part, de connaître votre opinion sur ce sujet et, d’autre part, de savoir quelles solutions pourraient être apportées à cette inégalité de traitement entre les élus locaux.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe SER.
Quand on sait qu’une plainte pour agression déposée voilà six ans n’a encore eu aucun retour de la justice – je ne parle même pas de classement sans suite ! –, on se dit que, oui, la protection fonctionnelle peut être renforcée, mais que la première des choses à faire serait d’accélérer la réponse judiciaire.
Madame la ministre, vous connaissez ma ténacité. Je serai donc peut-être plus claire que je ne l’ai été précédemment. J’ai entendu l’intervention de mon collègue du groupe RDPI lors de la discussion générale ; vous-même nous apprenez que de grandes annonces seront faites lors du prochain congrès de l’Association des maires de France, lequel aura lieu dans six semaines.
Excusez-moi de le dire, mais il me paraît malvenu de chercher à créer du suspense ! On se croirait à la fin du quatrième épisode de la première saison d’une série télévisée… Le sujet est pourtant sérieux, et réel.
Lors de votre audition devant la commission des lois, au mois de juin dernier, vous n’avez montré qu’assez peu d’appétence pour avancer sur un véritable statut de l’élu. Vous avez évolué sur ce sujet pendant l’été, tant mieux !
Je le dis sincèrement et sans aucune prétention de la part du Sénat, alors que nous sommes maintenant – je le répète – à six semaines du congrès de l’AMF, donc d’annonces spectaculaires, il me semble qu’il serait bien que nous échangions, notamment pour confronter vos propositions à la réalité du terrain et à la diversité des opinions qui s’expriment dans nos départements, de manière à apporter les réponses efficaces que les élus locaux attendent.
Madame la ministre, je vais de nouveau revenir à la charge pour reprendre un point que j’ai développé lors de la discussion générale et qui vient d’être évoqué par notre collègue du groupe RDSE.
Puisque nos travaux sont dans l’ensemble consensuels, il vous appartient de répondre, avec panache, à l’appel que tous les sénateurs de cet hémicycle vous ont lancé.
Nous ne pouvons pas dire dans la proposition de loi que nous allons adopter ce soir au Sénat, vraisemblablement à l’unanimité, qu’il y a en France des élus de première zone, ceux qui appartiennent à un exécutif comme le maire et ses adjoints, et des élus de seconde zone, ceux qui n’auraient pas de délégation ou qui appartiendraient à des groupes minoritaires ou d’opposition.
C’est arithmétique : il y a, en France, beaucoup plus de conseillers municipaux que de maires et d’adjoints au maire. Il ne faudrait pas que le message que nous enverrons ce soir et dont il sera pris connaissance avec grand intérêt dans les prochaines heures soit contre-productif !
Madame la ministre, je vous le dis avec beaucoup de sympathie et de respect : soit vous répondez favorablement à notre appel, soit votre position sera intenable. Vous serez contrainte de céder dans les prochaines semaines ou dans quelques mois, sous la pression des associations d’élus, et alors personne n’aura gagné.
Ce soir, je veux que tout le monde gagne : le Sénat, le Gouvernement et surtout les élus, au nom desquels nous nous adressons à vous.
Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDSE. – Mme Solanges Nadille applaudit également.
Madame la ministre, je veux soutenir la demande que mes collègues viennent de vous adresser.
J’ai moi-même, en tant que rapporteur sur ce texte, demandé aux services de la commission que l’on élargisse le dispositif à tous les élus, et j’ai aussi été victime de l’article 40 de la Constitution.
Je vous demande d’étudier cette requête avec une grande bienveillance, car elle permet de répondre à l’attente de tous les élus locaux. Si vous ne pouvez agir ce soir, j’espère que cela se fera au plus tard dans la navette. Il faut que nous ayons toutes les cartes en main pour avancer sur ce sujet lorsque nous nous retrouverons pour la commission mixte paritaire.
Nous comptons tous sur vous. Merci à mes collègues d’avoir insisté sur ce sujet !
Applaudissements.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 16 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 à 5
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
a) Le deuxième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« La commune accorde sa protection au maire ou aux élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. Elle répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté.
« L’élu, autre que le maire, adresse une demande de protection à celui-ci, le maire adressant sa demande à tout élu le suppléant ou ayant reçu délégation. Il en est accusé réception. L’élu bénéficie de la protection de la commune dès qu’il a été procédé à la transmission de la demande au représentant de l’État dans le département ou à son délégué dans l’arrondissement dans les conditions prévues au II de l’article L. 2131-2 du présent code. Les membres du conseil municipal en sont informés dans les cinq jours francs suivant la date de réception par la commune. Cette information est portée à l’ordre du jour de la séance la plus proche de l’organe délibérant.
« Le conseil municipal peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l’élu par une délibération motivée prise dans le délai de quatre mois à compter de la date à laquelle il a été informé, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration.
« Par dérogation à l’article L. 2121-9 du présent code, à la demande d’un ou de plusieurs de ses membres, le maire est tenu de convoquer le conseil municipal dans ce même délai. La convocation est accompagnée d’une note de synthèse. » ;
II. – Alinéas 8 à 10
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
3° Le deuxième alinéa de l’article L. 3123-29 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le département accorde sa protection au président du conseil départemental, aux vice-présidents ou aux conseillers départementaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. Il répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté.
« L’élu, autre que le président du conseil départemental, adresse une demande de protection à celui-ci, le président du conseil départemental adressant sa demande à un vice-président ou à un conseiller ayant reçu délégation. Il en est accusé réception. L’élu bénéficie de la protection du département dès qu’il a été procédé à la transmission de la demande au représentant de l’État dans le département dans les conditions prévues au II de l’article L. 3131-2 du présent code. Les membres du conseil départemental en sont informés dans les cinq jours francs suivant la date de réception par le département. Cette information est portée à l’ordre du jour de la séance la plus proche de l’organe délibérant.
« Le conseil départemental peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l’élu par une délibération motivée prise dans le délai de quatre mois à compter de la date à laquelle il a été informé, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration.
« Par dérogation aux articles L. 3121-9 et L. 3121-10 du présent code, à la demande d’un ou de plusieurs de ses membres, le président est tenu de convoquer le conseil départemental dans ce même délai. La convocation est accompagnée d’une note de synthèse. »
III. – Alinéas 11 à 13
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
4° Le deuxième alinéa de l’article L. 4135-29 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« La région accorde sa protection au président du conseil régional, aux vice-présidents ou aux conseillers régionaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions. Elle répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté.
« L’élu, autre que le président du conseil régional, adresse une demande de protection à celui-ci, le président du conseil régional adressant sa demande à un vice-président ou à un conseiller ayant reçu délégation. Il en est accusé réception. L’élu bénéficie de la protection de la région dès qu’il a été procédé à la transmission de la demande au représentant de l’État dans la région dans les conditions prévues au II de l’article L. 4141-2 du présent code. Les membres du conseil régional en sont informés dans les cinq jours francs suivant la date de réception par la région. Cette information est portée à l’ordre du jour de la séance la plus proche de l’organe délibérant.
« Le conseil régional peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l’élu par une délibération motivée prise dans le délai de quatre mois à compter de la date à laquelle il a été informé, dans les conditions prévues aux articles L. 242-1 et suivants du code des relations entre le public et l’administration.
« Par dérogation aux articles L. 4132-8 et L. 4132-9 du présent code, à la demande d’un ou de plusieurs de ses membres, le président est tenu de convoquer le conseil régional dans ce même délai. La convocation est accompagnée d’une note de synthèse. »
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous m’avez interpellée sur deux sujets qui ne figurent pas aujourd’hui dans la proposition de loi.
D’abord, le statut de l’élu. Nous sommes complètement mobilisés sur cette question. Je n’ai rien annoncé à ce propos aujourd’hui, mais j’ai effectivement indiqué, par le passé, que je travaillais avec des parlementaires et des associations d’élus, avec l’espoir de proposer un statut de l’élu pour la fin du mois de novembre prochain. C’est bien le cas !
Le statut de l’élu ne fait pas l’objet, je le redis, de nos travaux de ce soir, mais je me tiens à la disposition des différents groupes qui souhaiteraient me rencontrer. Cette question, qui est de première importance pour moi, est complémentaire des sujets qui nous occupent aujourd’hui.
Ensuite, l’extension de la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux sans délégation. J’ai eu la même réaction que vous, monsieur le sénateur Bourgi, en travaillant sur cette proposition de loi.
Cependant, il m’est difficile de lever un gage sur un amendement qui n’existe pas encore ! Les services qui sont sous mon autorité travaillent sur un texte. Je prends l’engagement d’étudier le sujet sérieusement, avec détermination, et de porter un amendement, au cours de la navette. Vous pouvez compter sur moi.
Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE, INDEP, UC et Les Républicains.
J’en viens à la présentation de l’amendement n° 16 rectifié bis du Gouvernement.
La décision d’octroi de la protection fonctionnelle constitue une décision créatrice de droit pour l’élu qui engage les crédits de la collectivité. Elle est également un acte faisant grief pour d’autres, par exemple un contribuable local. Il est donc nécessaire de préciser le régime de cette décision.
La nouvelle rédaction de l’article 3 que nous proposons conserve le mécanisme selon lequel la seule demande de l’élu fait naître une décision d’octroi de la protection fonctionnelle, sauf délibération contraire adoptée ultérieurement par l’organe délibérant de la collectivité. Elle en précise plusieurs aspects afin d’apporter les garanties nécessaires à la mise en œuvre de ce dispositif.
Il est indiqué explicitement que la décision d’octroi naît à compter de la transmission de la demande de l’élu au préfet ou à son délégué, le cas échéant.
Cette rédaction précise également à quelles autorités cette demande doit être adressée, et qu’il en est accusé réception.
Elle clarifie les modalités d’opposition de l’organe délibérant déjà prévues par la proposition de loi en rappelant le régime de retrait et d’abrogation de droit commun applicable à tout acte administratif créateur de droit. Elle garantit la possibilité pour le conseil de se prononcer formellement sur l’octroi de la protection fonctionnelle à la demande de l’un de ses membres, en rendant obligatoire sa convocation par le maire ou le président après une demande en ce sens dans un délai de quatre mois et en prévoyant la transmission d’une note explicative.
Elle renforce le droit d’information des élus en ajoutant un délai pour la réalisation.
Elle garantit enfin le droit des tiers en prévoyant leur information lors de la prochaine séance de l’organe délibérant.
L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Bourgi et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey, Narassiguin et Linkenheld, MM. Roiron, Chaillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 4, 9 et 12
Remplacer les mots :
violences, de menaces ou d’outrages
par les mots :
toutes atteintes à la personne humaine, tous crimes et délits contre les biens ainsi que tous délits d’outrages ou de diffamation
La parole est à M. Hussein Bourgi.
Cet amendement s’inscrit dans la suite de celui que vous venez de présenter, madame la ministre, auquel nous souscrivons.
Le droit prévoit que la protection fonctionnelle est accordée en cas de violences verbales ou physiques. Nous proposons que cette protection soit accordée automatiquement pour les infractions suivantes : harcèlement, atteintes à la vie privée, destruction des biens.
L’avis est favorable sur l’amendement n° 16 rectifié bis du Gouvernement.
Je vous remercie pour votre engagement, madame la ministre. Si j’en crois vos propos, vous le mettrez en œuvre à l’Assemblée nationale. Je compte sur vous pour dire à nos collègues députés que l’initiative est d’origine sénatoriale !
Sourires. – Mme la ministre déléguée opine.
J’en viens à l’amendement n° 5 rectifié.
Je comprends évidemment l’intention de notre collègue Bourgi, et je vais essayer de le convaincre que son amendement est satisfait.
La formulation actuelle, qui prévoit l’octroi de la protection fonctionnelle aux élus victimes de violences, de menaces ou d’outrages, est très large. Elle fait l’objet d’une interprétation extensive de la part du juge, qui a reconnu que cette formule permettait, par exemple, d’octroyer la protection fonctionnelle aux victimes de voies de fait, de diffamations ou d’injures. La notion de « violences, de menaces ou d’outrages » recouvre en fait la totalité des crimes et délits mentionnés dans l’amendement.
La rectification apportée par l’amendement n’élargit donc en rien le périmètre actuel de la protection fonctionnelle. Garder une formulation volontairement large, comme nous l’avons fait, laissera de la souplesse au juge, et lui permettra de s’adapter aux évolutions de la société et aux nouvelles formes de violence qui peuvent apparaître.
Par ailleurs, l’élargissement proposé ne concerne que les maires et leurs adjoints ; il ferait donc naître un régime différencié entre les élus municipaux et les autres élus locaux.
Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
En énonçant une liste d’infractions au titre desquelles la protection fonctionnelle peut être accordée par la collectivité, l’amendement n° 5 rectifié risque, à rebours de l’intention de ses auteurs, de réduire sensiblement le champ d’application de l’article, qui couvre aujourd’hui l’ensemble des crimes et délits visés par le code pénal.
Je demande donc également le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, j’espère que vous n’y verrez pas une forme de harcèlement sénatorial,
Sourires.
On évoque à juste titre les démissions d’élus. Parmi les quelque 30 000 élus qui ont démissionné depuis 2020 figurent de nombreux conseillers municipaux. L’un des motifs qui expliquent leur décision est – vous le savez, madame la ministre – le fait qu’ils se détachent du gruppetto municipal.
Les conseillers municipaux sont parfois très éloignés de la prise de décision. Certains, qui ne sont pas conseillers communautaires, ont ainsi l’impression qu’un certain nombre de décisions leur échappent. Qui voudra s’engager dans un mandat de conseiller municipal, alors que l’on peut être à ce titre interpellé dans la rue, voire agressé ou vilipendé, et alors même que cette qualité n’est même pas tout à fait reconnue par ailleurs ?
Si vous voulez qu’il y ait des candidats et que les listes soient complètes, il vous faut entendre ce message. Je ne doute pas que vous l’ayez compris. Nous suivrons de près la suite…
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° 5 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 11, présenté par MM. Parigi, Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 4422-10, il est inséré un article L. 4422-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4422-…. – La collectivité de Corse accorde sa protection au président de l’Assemblée de Corse, au président du conseil exécutif de Corse, aux vice-présidents, aux conseillers exécutifs et territoriaux ayant reçu délégation, victimes de violences, de menaces ou d’outrages à l’occasion ou du fait de leurs fonctions, qui en font la demande. Elle répare, le cas échéant, l’intégralité du préjudice qui en est résulté. Les membres de la collectivité de Corse en sont informés dans les plus brefs délais.
« La collectivité de Corse ne peut s’opposer à la protection mentionnée au deuxième alinéa ou en restreindre le champ que pour un motif d’intérêt général, par une délibération motivée prise dans un délai de trois mois à compter de la demande adressée par l’élu concerné à la collectivité. L’inscription de ce point à l’ordre du jour de l’Assemblée de Corse est de droit à la demande d’un ou de plusieurs membres. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
Cet amendement, proposé par mon collègue Paulu Santu Parigi, vise à rendre conformes et applicables les dispositions de la présente proposition de loi aux spécificités de l’organisation territoriale de la collectivité de Corse.
On nous a répondu en commission que l’application à cette collectivité était automatique au titre de l’article L. 4421-1 du code général des collectivités territoriales. Mais M. Parigi m’a fait part de son doute à l’endroit du président de la collectivité de Corse.
Je souhaite connaître l’avis de Mme la rapporteure et de Mme la ministre sur ce sujet, afin de savoir si je peux retirer ou non cet amendement.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Monsieur Benarroche, je ne savais pas que le Marseillais que vous êtes parlait le corse…
Sourires.
M. Parigi m’avait fait part de son inquiétude au sortir de notre première réunion de commission sur ce texte et j’avais essayé de le rassurer. Je comprends qu’il ait souhaité obtenir un avis très officiel en déposant un amendement : celui-ci est effectivement satisfait par l’article L. 4421-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), lequel prévoit que la collectivité de Corse s’administre librement, dans les conditions fixées par l’ensemble des autres dispositions législatives relatives aux départements et aux régions.
En commission, nous avons complété l’article 3 de la proposition de loi afin que les conseillers régionaux et départementaux exerçant des fonctions exécutives puissent se voir octroyer automatiquement la protection fonctionnelle en cas de violences, de menaces ou d’outrages. Par conséquent, tous les élus de la collectivité de Corse qui exercent de telles fonctions bénéficient de ce dispositif.
Je demande donc le retrait de l’amendement.
M. Guy Benarroche. Mme la rapporteure m’ayant assuré que l’amendement était satisfait, ce que Mme la ministre n’a pas démenti, et compte tenu du fait que la plus grande communauté corse habite à Marseille
Sourires.
L ’ article 3 est adopté.
À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales, le nombre : « 3 500 » est remplacé par le nombre : « 10 000 ».
L’amendement n° 15, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Les dispositions de l’article 4 modifient l’article L. 2123-35 du CGCT afin d’étendre la compensation par l’État des contrats d’assurance de protection fonctionnelle aux communes de moins de 10 000 habitants. Cette compensation prend la forme d’une majoration de la dotation particulière relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, dite dotation particulière « élu local » (DPEL), versée aux communes concernées.
Il convient de modifier les critères d’attribution de cette dotation et d’en augmenter le montant afin de couvrir les nouvelles collectivités qui y ont droit. Cette mesure, qui engage les finances de l’État et relève d’une loi de finances, est introduite dans le projet de loi de finances initial pour 2024, qui est en cours d’examen. Les grands esprits se sont rencontrés, madame la rapporteure !
Le présent amendement vise donc à supprimer l’article 4.
N’y voyez aucune défiance de notre part, madame la ministre : je vous crois lorsque vous dites que cette disposition figure le projet de loi de finances initial, mais vous devez comprendre que nous sommes attachés aux mesures proposées par notre assemblée. Nous admettrions difficilement qu’un texte privé de cette mesure quitte le Sénat. Nous verrons ce qui se passera par la suite…
L’avis est donc défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 4 est adopté.
L’article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation agit en qualité d’agent de l’État, il bénéficie, de la part de l’État, de la protection prévue aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique. » –
Adopté.
La cinquième partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article L. 5214-8 est ainsi modifié :
a) Le mot : « et » est remplacé par le signe : «, » ;
b) Les mots : « ainsi que l’article » sont supprimés ;
c) Après la référence : « L. 2123-24-1 », sont insérés les mots : «, L. 2123-34 et L. 2123-35 » ;
2° La dernière ligne du tableau constituant le second alinéa du I de l’article L. 5842-21 est ainsi rédigée :
L. 5214-8
la loi n° … du … renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires
–
Adopté.
À la fin du dernier alinéa de l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, les mots : « par l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires » sont remplacés par les mots : « aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique ». –
Adopté.
Avant le dernier alinéa de l’article L. 2123-35 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La protection mentionnée aux mêmes premier à troisième alinéas implique la prise en charge, en fonction d’un barème fixé par décret, par la commune des restes à charge ou des dépassements d’honoraires résultant des dépenses liées aux soins médicaux et à l’assistance psychologique engagées par les bénéficiaires de cette protection pour les faits mentionnés auxdits premier à troisième alinéas. » –
Adopté.
Après le titre V du livre II du code des assurances, il est inséré un titre V bis ainsi rédigé :
« TITRE V BIS
« L’ASSURANCE DES RISQUES LIÉS À L’EXERCICE D’UN MANDAT ÉLECTIF
« Art. L. 252 -3. – Tout titulaire d’un mandat électif ou tout candidat déclaré publiquement, qui n’a pu obtenir la souscription d’un contrat auprès d’au moins deux entreprises d’assurance couvrant en France les risques de dommages des biens meubles et immeubles tenant lieu de permanence électorale ou accueillant des réunions électorales, peut saisir un bureau central de tarification prévu à l’article L. 212-1.
« Le bureau central de tarification fixe le montant de la prime moyennant laquelle l’entreprise d’assurance intéressée est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé. Il peut, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, déterminer le montant d’une franchise qui reste à la charge de l’assuré.
« Toute entreprise d’assurance qui maintient son refus de garantir le risque dont la prime a été fixée par le bureau central de tarification est considérée comme ne fonctionnant plus conformément à la réglementation en vigueur. Elle encourt, selon le cas, soit le retrait des agréments prévus aux articles L. 321-1, L. 321-7, L. 321-8 ou L. 321-9, soit les sanctions prévues à l’article L. 363-4. »
L’amendement n° 19, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment les critères permettant, en fonction de chaque scrutin, de définir les modalités d’accès au bureau central de tarification applicables aux candidats à un mandat électif public. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Le présent amendement vise à ce que soient définies par un décret en Conseil d’État, en fonction de chaque scrutin et avec l’appui des directions d’administration centrale concernées, les modalités d’accès au bureau central de tarification applicables aux candidats à un mandat électif public. Il s’agit de préciser la mesure que nous avons introduite.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 9 est adopté.
I. – Après le chapitre V bis du titre Ier du livre Ier du code électoral, il est inséré un chapitre V ter ainsi rédigé :
« CHAPITRE V TER
« Protection des candidats
« Art. L. 52 -18 -1. – Chaque candidat bénéficie, pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne, de la protection prévue aux articles L. 134-1 à L. 134-12 du code général de la fonction publique. Cette protection est assurée par l’État.
« Art. L. 52 -18 -2. – Pendant les six mois précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du dépôt du compte de campagne, l’État prend à sa charge les dépenses engagées par un candidat provenant des activités, lorsqu’elles ne sont pas exercées par un service public administratif et qu’une menace envers un candidat est avérée, qui consistent :
« 1° Dans la fourniture des services ayant pour objet la surveillance humaine ou la surveillance par des systèmes électroniques de sécurité ou le gardiennage de biens meubles ou immeubles tenant lieu de permanence électorale ou accueillant des réunions électorales, ainsi que la sécurité du candidat se trouvant dans ces immeubles ou dans les véhicules de transport public de personnes ;
« 2° Dans la protection de l’intégrité physique du candidat.
« Art. L. 52 -18 -3
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent chapitre, notamment les critères permettant, en fonction de chaque scrutin, d’évaluer le caractère avéré de la menace encourue par un candidat. »
II
L’amendement n° 8, présenté par MM. Bourgi et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey, Narassiguin et Linkenheld, MM. Roiron, Chaillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Lucien Stanzione.
Cet amendement vise à supprimer les dispositions de l’article 10 qui prévoient la prise en charge par l’État des frais engagés par les candidats pour leur sécurité personnelle à l’occasion de leur campagne.
Cette disposition, qui nous paraît tout à fait déraisonnable et inopportune dans son principe même, pourrait être instrumentalisée par des candidats dans le cadre de leur campagne.
Par ailleurs, elle aboutirait à octroyer aux candidats des droits supérieurs à ceux des élus puisque, pour ces derniers, l’État ne prend pas en charge les frais qu’ils décideraient d’engager pour leur sécurité personnelle.
Je remercie nos collègues socialistes d’avoir compris en partie mes arguments en faveur du maintien de l’article 10, qu’ils voulaient supprimer en totalité… Il y a eu du progrès dans le cheminement de leur pensée !
Je suis évidemment défavorable à la suppression des alinéas 5 à 9, lesquels représentent une avancée salutaire en termes de protection des candidats aux élections dans le contexte actuel de crise des vocations électorales – je l’ai dit dans mon propos introductif.
Il me semble indispensable que l’État joue son rôle de garant du pluralisme des courants d’opinion et politiques ; cela passe assurément par la protection des candidats aux élections.
Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Monsieur le sénateur Stanzione, en créant un nouveau chapitre V ter, intitulé « Protection des candidats », la proposition de loi semble introduire un nouveau dispositif de remboursement, qui s’ajoute aux deux principaux déjà existants, à savoir, d’une part, le remboursement de la propagande électorale instituée au titre du principe d’égal accès à l’information électorale, et, d’autre part, le remboursement forfaitaire des comptes de campagne prévu à l’article L. 52-11-1 du code électoral, au titre du principe de liberté de campagne électorale.
S’il est louable de vouloir protéger les candidats lors de la campagne électorale précédant les scrutins, la mise en œuvre d’une telle protection reste sujette à beaucoup d’interrogations. En effet, il conviendra de bien identifier le concept de menace avérée, afin d’éviter tout abus.
Par ailleurs, la multiplicité du nombre de candidats lors de certaines élections pourrait conduire à une saturation du dispositif ; je rappelle qu’en 2020 le nombre de candidats aux élections municipales avoisinait les 900 000…
Ce nouveau dispositif présenterait en outre une certaine complexité sur le plan financier et pourrait entraîner des retards dans la prise en charge des dépenses. Or l’intention du législateur est de raccourcir les délais de remboursement, conformément au nouvel objectif de performance introduit en 2023 dans le programme 232.
Enfin, comme l’a dit Mme la rapporteure, il est nécessaire de s’interroger sur la pertinence d’un dispositif qui serait plus protecteur pour les candidats à une élection que ne le sont les dispositifs dont bénéficient les élus.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
J’entends ce que disent mes collègues du groupe socialiste, mais, pour notre part, nous ne voterons pas cet amendement.
Tout d’abord, lorsque nous écrivons la loi, nous devons l’inscrire dans le temps long, ce que nous avons tous de plus en plus de mal à faire.
Ensuite, dans une société où la violence s’accroît – nous l’avons dit les uns et les autres –, la problématique de la protection réelle de l’ensemble des candidats doit être prise en compte. Pour autant, il faut se garder du risque de tuer la démocratie en aseptisant les campagnes électorales à venir.
Je ne pense pas que l’article 10, dans sa rédaction actuelle, confère aux candidats aux différentes élections un quelconque droit à l’excès et à l’outrance. Il vise plutôt à prendre une précaution en vue de prochaines échéances.
En 2015, alors que j’étais tête de liste pour les élections régionales, des attentats se produisaient dans notre pays à quelques jours du scrutin. La société est certes différente aujourd’hui, mais on ne sait jamais…
Ce qui m’intéresse davantage que l’objectif de performance du programme 132 du projet de loi de finances, madame la ministre, c’est la protection du débat démocratique. Je ne suis pas certaine qu’il y ait de sursollicitation en la matière…
Il faut sécuriser la situation. Aujourd’hui, les élus sont attaqués ; demain, on le sait tous, ce sera le tour des candidats. J’entends dire que tout cela n’a rien à voir avec un statut de l’élu : un peu, tout de même ! Tant que l’on ne redonnera pas toute leur légitimité aux élus, ce risque perdurera.
Je souhaite donc que l’on s’en tienne au texte de la commission.
Nous avons une lecture tout à fait différente de la disposition qui nous est proposée.
J’entends bien qu’il faut faire en sorte – et c’est ce que nous faisons – que l’ensemble des débordements contre les élus puissent être sanctionnés, afin que ceux-ci ne servent pas de « sas de décompression » à des concitoyens agressifs.
Pour autant, cet article va beaucoup trop loin en donnant davantage de droits aux candidats qu’aux élus. De ce fait, certains candidats pourraient chercher systématiquement à faire preuve d’outrance.
Je ne suis pas certain que le mécanisme de défense prévu serve à quoi que ce soit, sachant que les candidats sont d’ores et déjà protégés. Je ne crois pas qu’il y ait en France une menace réelle pesant sur l’ensemble des campagnes électorales.
Si des efforts devaient être consentis et des gages donnés en matière de campagne électorale, ils devraient plutôt concerner le financement de la vie publique. Les mesures prévues nous semblent, à la fois, disproportionnées et de nature à encourager les débordements volontaires de certains candidats.
Je soutiens, au nom de mon groupe, l’amendement présenté par Hussein Bourgi, que vient de défendre parfaitement Éric Kerrouche.
Il s’agit de trouver un équilibre entre la protection des élus locaux et des maires, d’un côté, et celle de l’expression citoyenne, de l’autre. Il ne faut pas pour autant créer d’opportunités, que l’on pourra appeler « effets d’aubaine » dans certains cas, au bénéfice de candidats, isolés parmi des milliers d’autres, qui chercheraient à obtenir des financements liés à des violences provoquées – pour ne pas dire plus.
Les alinéas concernés de l’article 10 me semblent tout à fait disproportionnés par rapport à la réalité d’aujourd’hui, et même en considérant la prospective sur les années à venir évoquée par Cécile Cukierman. Comme elle, je pense que les solutions sont aussi devant nous. Au-delà de celles proposées dans cette proposition de loi, ces solutions doivent concerner le statut de l’élu et, plus globalement, la revitalisation de la vie citoyenne, comme je l’ai expliqué au nom de mon groupe lors de la discussion générale.
Si l’article 10 était voté et entrait en vigueur, il faudrait s’attendre à ce que les gendarmeries et les commissariats de police croulent sous les demandes lors des différentes élections, singulièrement lors des élections municipales.
Mobiliser des milliers, voire des dizaines de milliers, de gendarmes et de policiers pour accompagner les candidats en campagne sur les marchés et pour sécuriser leurs réunions publiques me semble particulièrement disproportionné et exorbitant.
Je serai très politiquement incorrect : voter cette disposition susciterait un effet d’aubaine. Certaines formations politiques seraient en effet incitées à créer leur boîte de sécurité « maison » et à demander le remboursement de la prise en charge des frais liés à la sécurité de leurs candidats engagés dans des campagnes électorales. C’est comme cela que l’on dévoie et détourne l’argent public, lequel devrait être utilisé à des fins beaucoup plus morales, réglementaires et conformes à l’esprit de la loi !
Si la police et la gendarmerie ne sont pas en mesure de fournir des effectifs pour assurer la protection des candidats, ceux-ci, j’y insiste, voudront créer leur propre boîte de sécurité. Encore une fois, c’est ainsi qu’apparaissent les dérives et les détournements d’argent public. Cela s’est déjà produit par le passé avec les entreprises de formation…
Je souhaite rappeler les dispositions de l’article 10, afin de mâtiner quelque peu les réticences des uns et des autres au vu d’éventuels débordements.
Tout d’abord, la protection dont il est question ne serait pas assurée par un service public : on ne mobiliserait pas de gendarmes, contrairement à ce que vous avez dit…
Ensuite, comme pour l’article précédent, un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’application de ces dispositions. Des critères seront ainsi fixés pour permettre, en fonction de chaque scrutin, d’évaluer le caractère avéré de la menace encourue par un candidat. Les mesures prises seront donc précises.
Vous dites, monsieur Bourgi, que des boîtes de sécurité seront créées. Or on ne parle pas ici seulement de protection physique ; il peut aussi s’agir de vidéosurveillance, par exemple.
Enfin, nous avons prévu que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques se pencherait sur la question pour accorder, ou non, le remboursement de ces frais.
Nous avons donc introduit plusieurs dispositifs permettant d’éviter les débordements.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 10 est adopté.
TITRE III
RENFORCER LA PRISE EN COMPTE DES RÉALITÉS DES MANDATS ÉLECTIFS LOCAUX PAR LES ACTEURS JUDICIAIRES ET ÉTATIQUES
L’article 43 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le procureur de la République est saisi de faits mettant en cause, comme auteur dans l’exercice de son mandat, un maire ou un adjoint au maire, le deuxième alinéa du présent article est applicable. » –
Adopté.
L’article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Aux deuxième et troisième alinéas, les mots : «, à sa demande, » sont supprimés ;
2° Au quatrième alinéa, après le mot : « informé », sont insérés les mots : «, dans un délai d’un mois, ».
Je souhaite, tout d’abord, me féliciter de la présentation de ce texte. Les dispositions qui ont d’ores et déjà été adoptées renforcent les peines encourues et améliorent la prise en charge des élus victimes de violence. Je me réjouis aussi des évolutions à venir : Mme la ministre a en effet donné son accord sur le fond en vue de l’élargissement de la protection fonctionnelle aux conseillers municipaux.
Nous évoquons maintenant l’article 12, qui vise à améliorer l’information des élus – nous en avons grandement besoin.
L’article L. 132-3 du code de la sécurité intérieure, modifié par cet article, prévoit que le maire n’est informé que « des classements sans suite, des mesures alternatives aux poursuites, des poursuites engagées, des jugements devenus définitifs ou des appels interjetés ». J’identifie un manque, dont je tenais à faire part à notre assemblée et auquel nous pourrons peut-être remédier dans la suite de nos travaux, madame la rapporteure. En effet, il me semble important de prévoir une information sur l’exécution de la peine par la personne condamnée pour de tels faits.
J’évoquais ce sujet hier soir avec le maire de Thorigny-sur-Oreuse, Pierrick Bardeau, et son adjoint Jean-Marc Seeten. Dans cette commune, un individu s’étant rendu coupable d’un « dérapage » a été condamné à six mois de prison ferme. Quelle n’a pas été la surprise de ces élus en tombant nez à nez sur lui dans la rue, un mois et demi plus tard ! Ils n’avaient eu aucune information quant à l’exécution de la peine. Or celle-ci avait été raccourcie – en tout cas, l’intéressé avait été précocement remis en liberté. Je souhaitais signaler ce point, car il y a matière à améliorer l’information des élus, et notamment des maires.
Enfin, même si ce n’est pas l’objet du texte, je souhaite avoir une pensée pour les collaborateurs des élus, les secrétaires de mairie et tous les personnels qui travaillent dans cet environnement. Ils sont bien souvent en première ligne, car ce sont les premières personnes avec lesquelles les administrés entrent en contact, par exemple à l’accueil des mairies. Eux aussi peuvent faire l’objet de menaces ou d’injonctions. Céline Brulin et Cédric Vial, qui sont ici présents, ont d’ailleurs lancé des travaux sur la situation des secrétaires de mairie. Leur sort nous tient à cœur, tout autant que la protection des élus !
L ’ article 12 est adopté.
Après le premier alinéa de l’article L. 2121-27- 1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur de la République du ressort de la cour d’appel compétent sur le territoire municipal peut, dans les mêmes conditions qu’au premier alinéa du présent article et dans le respect de l’article 11 du code de procédure pénale, diffuser dans un espace réservé toute communication en lien avec les affaires de la commune. »
L’amendement n° 9, présenté par MM. Bourgi et Kerrouche, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mmes Harribey, Narassiguin et Linkenheld, MM. Roiron, Chaillou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Alain Roiron.
Cet amendement vise à supprimer l’article 13 de la proposition de loi aux termes duquel le procureur de la République disposerait d’un espace de communication dédié dans les bulletins municipaux pour diffuser toute information en lien avec les affaires communales.
Cette mesure nous semble ne répondre à aucune nécessité dans la mesure où les procureurs peuvent déjà s’exprimer librement dans la presse locale, d’autant que les journaux communaux sont souvent mensuels, voire annuels.
De plus, il me semble que les juges ont mieux à faire que de publier des articles dans les journaux communaux. Il nous semble donc important de ne pas retenir cet article.
J’entends votre propos, mon cher collègue, mais nous avons introduit cette mesure en raison d’une demande émanant des procureurs eux-mêmes. Un rapport a été rédigé en ce sens par le procureur de la République de Reims, en association avec les associations d’élus, lesquelles soutiennent cette initiative.
En outre, l’espace de communication qui serait réservé dans les bulletins municipaux aux procureurs bénéficierait des mêmes garanties que celui réservé aux élus municipaux d’opposition. Le maire n’interférera donc absolument pas dans les communications du procureur.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Le procureur de la République peut déjà s’exprimer librement dans la presse locale « afin d’éviter la propagation d’informations […] inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public », conformément à l’article 11 du code de procédure pénale.
Par ailleurs, la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a élargi les cas dans lesquels cette communication peut être réalisée : le procureur peut communiquer sur les procédures lorsque tout autre impératif d’intérêt public le justifie et autoriser un officier de police judiciaire à rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure sans porter d’appréciation sur le bien-fondé des charges retenues contre les personnes mises en cause.
Enfin, cette mesure nous paraît relever du niveau réglementaire.
Sur cet amendement de suppression de l’article 13, je m’en remets néanmoins à la sagesse du Sénat.
La mesure instituée par cet article est sans doute la plus incompréhensible du texte. Puisque vous nous avez indiqué qu’il s’agissait d’une demande des procureurs et des associations d’élus, penchons-nous donc, madame la rapporteure, sur un cas pratique.
Comme vous l’avez expliqué, à juste titre, pendant la réunion de la commission des lois, le procureur disposerait d’une simple faculté : il « pourrait » procéder à une telle publication. Néanmoins, lorsqu’il « voudrait » le faire, quelle latitude resterait-il au maire, qui est – je le rappelle – le directeur de la publication du journal municipal ?
Face à une telle demande, l’élu, même s’il n’était pas favorable à cette publication, devrait la publier quoi qu’il arrive. En outre, comme je l’ai indiqué en commission des lois, pourquoi le procureur seul bénéficierait-il de cette faculté, et non le recteur ou toute autre autorité administrative ? Il me semble qu’une telle disposition contrevient à la libre administration des collectivités territoriales, le maire étant contraint de publier cette communication du procureur.
Nous savons tous qu’il est parfois difficile d’arbitrer dans les journaux municipaux entre plusieurs textes qui sont proposés. Malgré la bonne volonté de ceux qui la proposent, cette mesure aura des effets pervers extrêmement importants. Surtout, elle n’apportera rien au vu des marges de manœuvre dont dispose déjà le procureur.
Je m’inscrirai dans le droit fil des propos de mes collègues. Mme le rapporteur nous a fait état d’un rapport rendu par le procureur de la République de Reims. Il se trouve que, ces derniers jours, de nombreux conseils de juridiction se sont réunis dans notre pays. Plusieurs membres de notre groupe y ont été invités et ont interrogé les procureurs sur cette disposition : ceux-ci ont répondu avoir déjà assez de travail pour ne pas passer leurs journées à rédiger des articles pour les bulletins municipaux.
Dans certaines communes, le bulletin municipal ne paraît qu’une fois par an, ou par semestre ou par trimestre. Lorsqu’une affaire concerne une commune, par exemple une bagarre pendant une fête votive ou une occupation illégale de terrain par les gens du voyage, dès le lendemain ou le surlendemain du jugement la décision est rapportée dans la presse quotidienne régionale. Revenir là-dessus six mois ou un an plus tard risque de sentir quelque peu le réchauffé…
Pour cette raison, il ne nous semble pas pertinent de suivre la commission sur cet article. Je comprends bien qu’il s’agit d’une simple faculté, mais si à l’avenir les procureurs de la République en faisaient abstraction, il ne faudrait pas les accuser de ne pas communiquer avec les maires.
Ma crainte est également que les procureurs, pour se débarrasser de cette faculté, ne finissent par rédiger un texte générique qu’ils enverront à tous les maires pour publication dans l’ensemble des bulletins municipaux du département, texte dans lequel ils rendraient compte de statistiques ou de mouvements de personnel. Nous nous éloignerions alors largement de l’esprit des travaux qui nous réunissent aujourd’hui. Je ne voudrais pas que les bulletins municipaux se transforment en support promotionnel de l’action du Gouvernement ou de tel ministre.
Laissons les communes vivre comme elles l’entendent et communiquer sur l’action publique menée par les équipes municipales. Laissons les bulletins municipaux à la disposition de la vie associative, culturelle et sportive. De grâce, ne les encombrons pas avec de la communication institutionnelle ! Le procureur de la République comme le recteur, le commandant de la gendarmerie, le préfet ou le sous-préfet ont accès quotidiennement à la presse et aux médias. Ne les laissons pas saturer les bulletins municipaux !
Comme vous l’avez vous-même souligné, mon cher collègue, il s’agit d’une faculté et non d’une obligation. Par conséquent, si les procureurs, estimant avoir trop de travail, ne veulent pas rédiger d’article, qu’ils n’en fassent rien !
Vous avez raison : les procureurs ont la faculté de communiquer dans la presse. Mais tout le monde ne lit pas le journal ou n’écoute pas la radio, tandis qu’un bulletin municipal est en principe distribué dans tous les foyers, voire disponible sur internet. Ainsi, il pourrait toucher plus de monde. Puisque sont concernées les actualités relatives aux communes, il est possible d’imaginer que les citoyens trouveraient de l’intérêt à disposer d’une telle communication.
Je le redis, c’est une faculté, nous n’imposons rien.
Marques de scepticisme sur les travées du groupe SER.
Je n’avais pas forcément perçu toutes ses implications et j’avoue me rallier aux arguments provenant des travées d’en face.
Nous nous battons pour que l’État n’intervienne pas pour dicter aux maires ce qu’ils ont à faire dans leur commune. Laissons le maire négocier avec le procureur ou toute autre institution s’il le souhaite, sans mettre en place d’obligation.
Madame la rapporteure, vos arguments ne m’ont pas convaincu de la pertinence ou de la nécessité de cet article, contrairement à ce qui a été le cas pour le reste du texte. La suppression de l’article 13 ne me semble pas de nature à remettre en cause l’équilibre général de la proposition de loi. Ma position ne sera donc pas celle de la commission, ce dont je vous prie par avance de m’excuser.
Je suis tout à fait d’accord avec mon collègue Cédric Vial.
Madame le rapporteur, y a-t-il une demande des procureurs à ce sujet ?
Pour ma part, je préférerais qu’ils s’expriment plus régulièrement et qu’ils réunissent les maires plus souvent.
L ’ amendement est adopté.
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 132-4, sont insérés dix alinéas ainsi rédigés :
« Sont membres de droit du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance :
« 1° Le représentant de l’État territorialement compétent, ou son représentant ;
« 2° Le procureur de la République territorialement compétent, ou son représentant ;
« 3° Le cas échéant, le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance et auquel la commune appartient, ou son représentant.
« Peuvent être désignés membres dudit conseil :
« a) Des représentants des services de l’État désignés par le représentant de l’État dans le département ;
« b) Des représentants d’associations, d’établissements ou d’organismes œuvrant notamment dans les domaines de la prévention, de la sécurité, de l’aide aux victimes, du logement, des transports collectifs, de l’action sociale ou des activités économiques, désignés par le président du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance après accord des responsables des organismes dont ils relèvent.
« En tant que de besoin et selon les particularités locales, des maires des communes et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale intéressés ainsi que des personnes qualifiées peuvent être associés aux travaux du conseil.
« La composition du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance est fixée par arrêté du maire.
« Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance se réunit au moins une fois par an en présence des membres de droit ou de leurs représentants, spécialement désignés à cet effet. » ;
2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 132-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À la demande du maire, du représentant de l’État dans le département ou de l’autorité judiciaire, un groupe thématique chargé des violences commises à l’encontre des élus peut être constitué au sein du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Il peut traiter de l’organisation d’une réponse aux violences et d’une stratégie d’accompagnement des élus victimes. » ;
3°
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Après le premier alinéa, sont insérés dix alinéas ainsi rédigés :
« II. – Sont membres de droit du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance :
« 1° Le représentant de l’État territorialement compétent, ou son représentant ;
« 2° Le procureur de la République territorialement compétent, ou son représentant ;
« Peuvent être désignés membres dudit conseil :
« a) Les maires des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale, ou leurs représentants ;
« b) Des représentants des services de l’État désignés par le préfet de département ;
« c) Des représentants d’associations, établissements ou organismes œuvrant notamment dans les domaines de la prévention, de la sécurité, de l’aide aux victimes, du logement, des transports collectifs, de l’action sociale ou des activités économiques désignés par le président du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, après accord des responsables des associations, établissements ou organismes dont ils relèvent.
« En tant que de besoin et selon les particularités locales, des présidents des établissements publics de coopération intercommunale intéressés ainsi que des personnes qualifiées peuvent être associés aux travaux du conseil intercommunal.
« La composition du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance est fixée par arrêté du président de l’établissement public de coopération intercommunale.
« Le conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance se réunit au moins une fois par an en présence des membres de droit ou de leurs représentants, spécialement désignés à cet effet. » ;
c) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– au début, est ajoutée la mention : « III. – » ;
– après la deuxième phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « À la demande du président ou des maires des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale, du représentant de l’État dans le département ou de l’autorité judiciaire, un groupe thématique chargé des violences commises à l’encontre des élus peut être constitué au sein du conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance. Il peut traiter de l’organisation d’une réponse aux violences et d’une stratégie d’accompagnement des élus victimes. »
L’amendement n° 20, présenté par Mme Di Folco, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
Après le premier alinéa de l’article L. 132-4, sont insérés
par les mots :
L’article L. 132-4 est complété par
II. – Alinéa 9
Après les mots :
responsables des
sont insérés les mots :
associations, établissements ou
La parole est à Mme le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 14 est adopté.
Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
En France, nous nous réjouissons du nombre important d’élus locaux : quelque 500 000 personnes siègent dans nos conseils municipaux. Plus de 902 000 candidats se sont présentés en 2020. Même si ce chiffre est un peu moins élevé qu’en 2014, cela représente tout de même un Français sur cinquante !
Reste à déterminer l’influence qu’aura le contexte actuel sur les futures vocations. Avant un cycle électoral, les élus assurent en général qu’ils ne seront pas de nouveau candidats, avant de finir par se représenter. Néanmoins, le contexte est aujourd’hui tout à fait différent du fait de la montée des violences que nous avons mentionnée et qui est avérée. Les enquêtes dont nous disposons montrent par exemple que les maires de France ont constaté une progression inédite de 10 % des incivilités entre 2020 et 2022.
Vous avez indiqué, madame la ministre, que le Gouvernement souhaitait réagir. C’est un peu tardif ! Les promesses sont nombreuses, encore faudrait-il qu’elles se concrétisent. Vous avez lancé en mai dernier le centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus puis annoncé une série de mesures qui, pour autant, restent à déployer.
Cette proposition de loi sénatoriale vise déjà à aller plus loin, même si, d’une certaine façon, elle ne traite que d’un aspect des choses. S’il est important que les élus disposent d’un glaive et qu’ils soient protégés, ce qui est l’objet de cette proposition de loi, il leur faut aussi un bouclier, à savoir un statut de l’élu. Et je ne parle pas d’un « bouclier à rustines », madame la ministre, mais d’un bouclier véritablement efficace ! Il s’agit de ne pas se contenter de mesures correctives, à l’image de ce qui a été fait les années précédentes.
Nous voterons cette proposition de loi, malgré un regret, madame la ministre, quant au profond désaccord que nous avons avec vous.
Cette proposition de loi contribue à poser les premiers jalons d’un statut de l’élu. Nous renforçons la sécurité des élus locaux et la protection des maires puisque nous actons le principe selon lequel la violence à l’égard des élus, quelle qu’en soit la forme, n’est pas de même nature que celle qui vise n’importe quel autre citoyen. Les réalités sont différentes, et il faut en tenir compte.
Je suis convaincue, pour le défendre depuis plus de dix ans sur ces travées, que nous parviendrons progressivement à la création d’un statut de l’élu. Mais celui-ci ne devra pas se résumer, comme je l’indiquais dans la discussion générale, à une réécriture de certains articles du code général des collectivités territoriales ou à l’ajout de quelques autres articles.
Je le redis, il faudra prendre en compte la diversité et la globalité des situations, en commençant par « l’avant », c’est-à-dire le temps de la campagne électorale. Certes, nous devrons faire attention. Les comptes de campagne offrent une garantie démocratique : si des excès sont constatés, en quelque sens que ce soit, la justice tranche. Je pars toutefois du principe que tous les candidats sont sincères.
Puis « le pendant », qui est celui du mandat de l’élu. Sans oublier de réfléchir à « l’après » : que faire et comment reprendre sa vie après une élection ?
Je remercie mes collègues présents ce soir pour le travail que nous avons mené ensemble ce soir. Nous avons fait œuvre utile.
Qu’il me soit permis de saluer le président de la commission, qui est le premier signataire de cette proposition de loi, ainsi que notre rapporteure, Catherine Di Folco, résolument engagée aux côtés des élus locaux et des collectivités, et Mme la ministre, qui a témoigné d’un véritable pragmatisme et d’ouverture sur la proposition de loi que nous avons examinée ce soir.
Cet état d’esprit œcuménique qui nous réunit tous et toutes ce soir nous conduira vraisemblablement à voter à l’unanimité cette proposition de loi.
Dans le même état d’esprit, madame la ministre, j’attire votre attention sur deux propositions de loi qui ont été examinées au Sénat – l’une sur l’initiative du groupe CRCE-Kanaky, l’autre du groupe RDPI – relatives aux secrétaires de mairie. Nous avons voté unanimement en leur faveur avant la trêve estivale, en nous inspirant des travaux qui ont été réalisés sous l’autorité bienveillante de Mme la présidente Françoise Gatel par nos collègues Cédric Vial, Jérôme Durain et Catherine Di Folco.
En ce qui concerne la proposition de loi visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie, votre collègue Stanislas Guerini, qui était au banc des ministres, s’était engagé à ce que ce texte revienne dans les meilleurs délais devant notre assemblée. Dans quelques semaines se tiendra le congrès des maires ; aussi serait-il souhaitable, que Stanislas Guerini, M. le ministre chargé des relations avec le Parlement et vous-même vous donniez les moyens d’inscrire ce texte à l’ordre du jour afin qu’il soit adopté avant ce rendez-vous important pour les élus de notre pays. Je sais pouvoir compter sur votre bienveillance et sur l’engagement de mes collègues ici présents.
Je remercie Mme la ministre, M. le président de la commission des lois et Mme la rapporteure pour le travail effectué, aussi minutieux que pragmatique. Avec cette proposition de loi, nous gravons dans le marbre des dispositions exemplaires qui étaient attendues. Ce geste concret permettra aux maires – je l’espère – de se sentir protégés et pour le moins entendus.
Au travers de ce texte, nous ouvrons la possibilité de rendre les réponses pénales plus fermes, ce qui était également demandé, et d’offrir un accompagnement plus important et adapté.
Nous reviendrons sur la question de la protection fonctionnelle pour tous, sans distinction entre opposition et majorité. Sur ce sujet, nous comptons sur vous, madame la ministre. Je vous remercie pour votre ouverture ce soir.
Il nous faudra ensuite revenir sur le sujet des recours abusifs, qui est cher à ma collègue Nathalie Delattre, puis sur le statut de l’élu, sur lequel le groupe RDSE travaille.
Par avance, je vous remercie tous, mes chers collègues, pour cette belle unanimité qui semble poindre dans cet hémicycle. Pour sa part, en tout cas, l’ensemble du groupe RDSE votera ce texte.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je remercie l’ensemble des collègues qui s’apprêtent à voter, peut-être à l’unanimité, pour ce texte, même si la rédaction de la commission ne l’emporte pas à 100 %, puisque nous venons de subir un échec.
Sourires.
Certes, comme tout échec, il faut le relativiser, mais tout de même : un certain nombre de maires pourrait trouver un intérêt, tant pour eux-mêmes que pour leur territoire, à disposer d’une information dont ils ne disposent jamais, pour la communiquer à leur population.
S’il ne faut pas rendre la mesure obligatoire, il serait utile de permettre au maire d’autoriser le procureur de la République à s’exprimer dans le bulletin municipal. En effet, l’élu peut avoir intérêt à ce que le procureur, en tant qu’autorité, donne une information à ses administrés. Il me semble que la mesure aurait été utile : elle n’a pas été jugée telle, peut-être le sera-t-elle plus tard – je ne désespère pas !
Je remercie Mme la rapporteure pour le travail qui a été effectué. Madame la ministre, je vous sais gré de votre appui sur le texte. Nous avons réussi à obtenir son examen en procédure accélérée grâce à vous, ce qui devrait permettre qu’il soit rapidement discuté à l’Assemblée nationale avant, si possible, son adoption d’ici à la fin de l’année, comme nous l’espérons.
Applaudissements.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires.
La proposition de loi est adoptée.
Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
J’ai indiqué à plusieurs reprises au cours de la discussion générale à quel point je tenais à féliciter M. le président de la commission et Mme la rapporteure de ce texte, qui correspond – à quelques détails près – à ce que le Gouvernement aurait rédigé s’il avait présenté un projet de loi à ce propos. Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, pour l’état d’esprit qui a présidé à cette soirée.
Je souhaite vous rassurer quant aux points que vient d’aborder M. le président de la commission. Le texte sera bien examiné rapidement à l’Assemblée nationale ; nous mettons tout en œuvre pour que cela se fasse en décembre prochain – cela ne pourra se faire avant. Il en va de même pour les deux propositions de loi relatives aux secrétaires de mairie portées par les groupes CRCE et RDPI. Même si Stanislas Guerini était le ministre au banc lors de leur examen en cet hémicycle, je surveille ces textes comme le lait sur le feu, car ce sujet m’intéresse au plus haut point. Nous faisons tout pour qu’ils soient aussi examinés en décembre prochain.
Pour faire miens les termes de Mme Carrère, les dispositions contenues dans ce texte étaient attendues et sont exemplaires. Je souhaite que nous continuions à travailler ensemble comme nous l’avons fait ce soir.
Applaudissements.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée demain, mercredi 11 octobre 2023 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (texte de la commission, n° 14, 2023-2024) et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire (texte de la commission n° 13, 2023-2024).
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à l’industrie verte (texte de la commission n° 19, 2023-2024) ;
Débat relatif à l’augmentation de la taxe foncière.
À vingt et une heures trente :
Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 octobre 2023
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Anne-Marie Nédélec est proclamée membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. Alain Duffourg, démissionnaire.
Le groupe Union Centriste a présenté une candidature pour la commission de l ’ aménagement du territoire et du développement durable.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Alain Duffourg est proclamé membre de la commission de l ’ aménagement du territoire et du développement durable, en remplacement de Mme Anne-Marie Nédélec, démissionnaire.
La liste des candidats désignés par la commission spéciale sur le projet de loi visant à sécuriser et à réguler l ’ espace numérique pour faire partie de l ’ éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi visant à sécuriser et à réguler l ’ espace numérique a été publiée conformément à l ’ article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mme Catherine Morin-Desailly, M. Patrick Chaize, Mmes Nadine Bellurot, Marie Mercier, Florence Blatrix Contat, Laurence Rossignol et M. Ludovic Haye.
Suppléants : M. Laurent Somon, Mmes Elsa Schalck, MM. Loïc Hervé, Jérôme Durain, Pierre Ouzoulias, Pierre-Jean Verzelen et Thomas Dossus.