Intervention de Claude Raynal

Réunion du 16 octobre 2023 à 16h00
Programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

L’histoire nous l’a appris, proposer de réduire le déficit des finances publiques avec une faible croissance, qui plus est très largement incertaine, est une gageure. Quant à la réalisation d’un important montant d’économies, le Haut Conseil des finances publiques indique sobrement que celles-ci sont « toujours peu documentées à ce jour ».

Et pour cause ! En 2024, les économies reposent presque intégralement sur la diminution des boucliers tarifaires et autres indemnités carburant. À partir de 2025, il faudrait trouver, vous l’avez dit, monsieur le ministre, environ 12 milliards d’euros d’économies nouvelles pendant trois ans. Rien n’est dit sur le sujet.

Par ailleurs, il est assez pittoresque d’observer que vous vous tournez vers les parlementaires pour, finalement, donner corps à la promesse gouvernementale !

Je considère cependant que mon rôle est de vous y aider. Depuis 2020 et la crise du covid, je vous mets régulièrement en garde sur une poursuite de la baisse des impôts, incompréhensible en période de difficultés budgétaires.

Le président de la Cour des comptes et le gouverneur de la Banque de France ont dressé des constats identiques, demandant a minima que ces baisses soient gagées par des diminutions de dépenses de même nature, ce qui n’a pas été le cas.

Du coup, voyez l’enchaînement : baisse annuelle des impôts de 38 milliards d’euros – hors baisse de l’impôt sur les sociétés, dont je partage le bien-fondé –, augmentation parallèle de la dette, augmentation du coût de la dette et donc diminution en valeur des dépenses budgétaires pour arriver à l’équilibre.

Les ménages, du moins ceux qui la payaient, ont vu leur taxe d’habitation disparaître, ce qui revient à une prime pour les hauts revenus. En effet, je rappelle que les 20 % des ménages les plus aisés se répartiront 10 milliards d’euros sur les 26 milliards d’euros.

Aujourd’hui, ce manque à gagner pour l’État est pris en charge par tous, et notamment par les plus fragiles : retraites, indemnités chômage, aides au logement, santé, etc.

Vous l’avez décidé avant les crises ; celles-ci devraient vous décider à revenir en arrière. Il est encore temps.

J’en viens aux entreprises : après une baisse de leur taux d’imposition, de mon point de vue peu contestable, vous supprimez 8 milliards d’euros de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et étalez finalement cette suppression sur cinq ans au total. Qu’en dit le Medef (Mouvement des entreprises de France) ? « Pas d’intérêt, car pas d’effet de choc ». Écoutez les entrepreneurs et écoutez le Parlement, qui n’en voulait pas ! Ne vaut-il pas mieux garder ces ressources pour soutenir les entreprises en cas de crise, comme vous l’avez fait utilement – prêts garantis par l’État (PGE), chômage partiel, plans de relance ?

Enfin – je ne suis pas le seul à y penser dans cet hémicycle –, le moment n’est-il pas venu pour certains de contribuer davantage, le temps que nous retrouvions un chemin plus vertueux pour nos finances publiques ? Je pense aux hauts patrimoines, aux entreprises qui ont bénéficié des crises, à celles qui préfèrent racheter leurs actions au bénéfice de leurs actionnaires plutôt que d’investir dans leur développement.

Je le redis, la plupart de vos décisions ont été prises avant les crises… Il est donc temps de se reprendre. Comme l’écrivait saint Augustin dans les Sermons, « Errare humanum est, perseverare diabolicum ».

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