Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous en conviendrez : la question qui nous occupe aujourd’hui ne nous surprend pas. Cette proposition de loi est un nouvel avatar d’une cascade de lois et de plans gouvernementaux sur la question de l’accès aux soins dans nos territoires. Qu’il s’agisse de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, die « loi HPST », de la loi du 10 août 2011 en modifiant certaines dispositions, dite « loi Fourcade », des pactes territoire-santé, de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, dite « loi Touraine », du plan Ma santé 2022, de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite « loi Rist », ou encore des différentes lois de financement de la sécurité sociale, la question de l’accès aux soins pour tous continue de se poser avec une acuité particulière.
Bien sûr, certains dispositifs doivent être salués, notamment le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), les nouvelles incitations à l’installation de jeunes praticiens de santé, le déploiement d’assistants médicaux, la médecine itinérante ou encore le recours à la télémédecine. Pourtant, malgré ces avancées, la désertification médicale n’est pas enrayée et progresse même parfois. Autrefois cantonnée à des zones rurales reculées, elle s’attaque aujourd’hui aux villes, et même aux grandes métropoles que l’on croyait préservées de ce phénomène.
Nous en connaissons les causes, à savoir la combinaison du vieillissement de la population nécessitant une prise en charge sanitaire de plus en plus fréquente et un renouvellement insuffisant et mal réparti sur le territoire d’une nouvelle génération de médecins généralistes, mais aussi de spécialistes.
Rappelons en effet que le nombre de médecins généralistes en activité régulière en 2022 a diminué de 11 % depuis 2010, soit 10 128 médecins de moins en douze ans. Nous faisons donc face à un corps médical vieillissant et à une pratique de la médecine quant à elle en pleine mutation.
Disons-le clairement : il est à craindre que ce nouveau texte ne réponde que de manière très technocratique à ces défis, qui mettent à mal l’accès aux soins. Et, si ce texte, dans son esprit, va dans le bon sens – rationaliser l’action des acteurs locaux de santé –, pour l’heure, les multiples structures – GHT, CPTS, équipes de soins primaires (ESP), établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), MSP, centres de santé – s’empilent.
Finalement, nous nous retrouvons avec une organisation difficilement lisible tant par les patients que par les acteurs.
L’objectif de constituer de véritables bassins territoriaux de santé est louable, mais il s’agit aussi d’impliquer dans cette chaîne le maillon des élus locaux. Ainsi, la gouvernance locale autour des CTS risque de ne pas disposer des moyens de ses ambitions, l’État souhaitant conserver son contrôle à travers l’ARS et le préfet.
C’est ce qu’a souligné fort justement la commission des affaires sociales du Sénat, qui note qu’« aucun nouveau moyen d’action n’est confié au CTS », tout en soulignant le risque de bureaucratiser un peu plus la médecine libérale insuffisamment associée.
Le recours accru aux Padhue est un élément de simplification. Néanmoins, si faire appel à des compétences extérieures est une bonne chose en soi, il convient de ne pas transiger sur la qualité et les savoirs professionnels.
Finalement, ce texte, comme beaucoup d’autres, est décevant et ne répondra malheureusement pas au défi majeur qui se pose à nous pour refonder notre système de santé et favoriser l’accès aux soins pour tous.