Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux d'abord dresser un constat, avant d'expliquer la stratégie que nous souhaitons mettre en œuvre.
Après la crise du covid-19, notre pays a renoué avec des flux très importants d'immigration irrégulière. Selon les chiffres de l'agence Frontex, 232 350 personnes ont franchi irrégulièrement les frontières de l'Union européenne au cours des huit premiers mois de l'année 2023 ; c'est le niveau le plus élevé depuis 2016.
En outre, près de 90 000 personnes ont fait l'objet d'un refus d'entrée à nos frontières en 2022, là aussi un record.
Sur notre sol, le nombre de personnes en situation irrégulière ne cesse de grandir également. Le nombre de bénéficiaires de l'AME – un critère d'appréciation parmi d'autres, qui, naturellement, ne suffit pas – s'élève ainsi à 400 000 en 2022, soit 100 000 de plus qu'il y a dix ans. Et je pourrais continuer longtemps d'égrener des chiffres…
Cette incapacité à maîtriser nos frontières est d'autant plus inquiétante qu'elle s'accompagne d'une difficulté à exécuter les reconduites dans les pays d'origine. En effet, nous le savons, sur les 120 000 OQTF prononcées annuellement au cours des dernières années, seules 10 000 sont exécutées, même si cet indicateur est imparfait, parce qu'il faut tenir compte de la difficulté à obtenir des laissez-passer consulaires.
Même notre politique d'immigration régulière est insatisfaisante. Nous n'avons jamais délivré autant de titres de séjour – 316 000 premiers titres en 2022 –, mais nous intégrons de moins en moins bien – j'y insiste.
Je le rappelle, la plupart des étrangers arrivés sur le territoire parlent ou écrivent mal le français à l'issue de leur première année de séjour et je ne parle même pas des « crises des rendez-vous » dans les préfectures. Tout cela démontre nos difficultés.
La situation de notre politique de l'asile n'est pas différente : l'Ofpra comme la CNDA sont au bord de l'embolie ! Nous enregistrerons pratiquement 140 000 demandes en 2023 et les prévisions du Gouvernement pour l'année 2024 font état de 160 000 demandes. La détérioration des délais complexifiera encore les choses…
C'est dans ce contexte que nous est soumis ce texte.
La question de départ est : de quelle politique migratoire la France veut-elle se doter ? Ensuite, une fois cette politique définie, les mesures devront être claires et compréhensibles pour tout le monde. Cette clarté doit reposer sur trois grands principes.
Premier principe : l'immigration régulière doit être une immigration choisie, c'est-à-dire moins importante et correspondant à une immigration économique qualifiée. J'ai entendu dire précédemment que l'immigration était potentiellement une chance ; sans doute, mais à quelles conditions ? Il suffit pour le savoir de relire le rapport de l'OCDE de 2021.