Intervention de Jérôme Durain

Réunion du 9 novembre 2023 à 15h00
Immigration et intégration — Article 12

Photo de Jérôme DurainJérôme Durain :

La loi du 10 septembre 2018 a porté le délai maximal de rétention de quarante-cinq à quatre-vingt-dix jours. L'argument qui sous-tendait cette mesure était de dire que cela laisserait le temps nécessaire pour obtenir les laissez-passer consulaires et donc permettrait d'éloigner en proportion un plus grand nombre d'étrangers retenus.

Bilan : en 2016-2017, le taux moyen d'OQTF exécutées est de 14 % ; en 2019, le taux chute à 12, 2 % ; suivent les deux années covid, où le taux chute à 5 % ou à 6 %.

Le taux d'éloignement à l'issue d'un placement en CRA est également en baisse depuis 2019, donc depuis que la durée de rétention à quatre-vingt-dix jours est possible : de 50 % en 2019, il est passé à 43, 2 % en 2022.

Si 43, 2 % des étrangers qui sont retenus sont au final effectivement éloignés à l'issue de leur placement en CRA, cela signifie que plus de la moitié des étrangers retenus en CRA ne sont pas éloignés et sont finalement libérés. En d'autres termes, des individus ont été enfermés en pure perte, puisque la seule raison qui pouvait motiver leur enfermement, à savoir l'éloignement, n'a pas été accomplie.

Dans son rapport de mai 2022 sur la question migratoire, le président Buffet admettait : « Dans la pratique, les effets de cette prolongation sur les éloignements sont réels, mais modestes. Sur l'année 2019, dernière année de référence avant la pandémie, 826 étrangers en situation irrégulière ont été éloignés au-delà du quarante-cinquième jour de rétention, ce qui représente une proportion de 8, 28 % des éloignés. »

Si le Gouvernement avait remis au Parlement le rapport annuel sur l'immigration, comme la loi lui en fait obligation, nous disposerions sans doute de chiffres actualisés.

En tout état de cause, le délai maximal de rétention serait utile, puisqu'il permettrait d'éloigner des étrangers au-delà de quarante-cinq jours.

Qu'est-ce qui permet d'affirmer que c'est la rétention qui a permis l'éloignement de ces étrangers ? Si 800 étrangers ont été éloignés au-delà de quarante-cinq jours, quelle part représentent-ils parmi les étrangers qui ont été retenus au-delà de quarante-cinq jours ?

Il y a donc plus de 70 % des étrangers retenus entre quarante-cinq et quatre-vingt-dix jours qui l'auront été « pour rien », puisqu'ils n'auront pas été éloignés.

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