Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le paysage de nos retraites se compose de pas moins de trente-cinq régimes obligatoires, qu’ils soient de base ou complémentaires. Il n’est donc pas étonnant que nos concitoyens aient parfois du mal à s’y retrouver !
Parmi ces trente-cinq régimes, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL – je n’ai pas besoin de la présenter longuement ici ! – assure le versement des retraites à plus de 930 000 pensionnés des fonctions publiques territoriale et hospitalière.
Peut-être dois-je tout de même éclairer notre assemblée en rappelant quelques caractéristiques de ce régime, qui est le troisième en importance après le régime général et celui des agents de l’État.
Au début de cette année, la CNRACL comptait 2 036 000 actifs et 932 000 retraités. Son ratio démographique, de 2, 18 actifs pour un retraité, est donc toujours favorable du point de vue de son équilibre financier. Mais ce constat ne doit pas masquer la réalité : comme tous les régimes, la CNRACL connaît une dégradation lente mais permanente de ce ratio, qui a atteint son sommet dans les années 1980 avec 4, 5 actifs pour un retraité.
Diverses dispositions, telles que le transfert de personnels de l’État dans le cadre de la décentralisation, la compensation entre régimes spéciaux, voire les exonérations de contribution des centres communaux d’action sociale et des centres intercommunaux d’action sociale, les CCAS et les CIAS, ont eu une incidence sur l’équilibre des comptes du régime. La présente proposition de loi a pour objet de neutraliser leurs effets et de clarifier les relations financières entre l’État et le régime de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.
Le groupe socialiste, apparentés et rattachés considère également qu’il est indispensable de préparer l’avenir, car, dès 2018, l’équilibre financier de la caisse de retraite des fonctionnaires hospitaliers et territoriaux sera rompu négativement.
Pour une meilleure compréhension, il me paraît indispensable de dresser un historique et un bilan de la participation de la CNRACL à la solidarité intergénérationnelle entre régimes.
À cet instant, permettez-moi de rappeler que le système de retraite par répartition est fondé sur la solidarité entre les actifs et les retraités. Néanmoins, pour tenir compte de l’évolution des secteurs d’activité, la solidarité doit aussi s’exercer entre régimes organisés sur le principe de la répartition au sein d’un groupe socioprofessionnel. En effet, les évolutions socio-économiques que le pays a vécues depuis la Seconde Guerre mondiale ont bouleversé le paysage en fonction duquel s’étaient établis les grands principes qui sous-tendent le fonctionnement des régimes de retraite par répartition. Il résulte de ces mutations que certains de ces régimes, comme celui des mines, ont éprouvé, avec le temps, de plus en plus de difficultés pour assurer l’équilibre de gestion que suppose le principe de répartition.
C’est la raison pour laquelle la loi du 24 décembre 1974, relative à la protection sociale commune à tous les Français, a institué une compensation financière destinée à remédier aux déséquilibres démographiques qui se faisaient jour tant entre les régimes d’assurance vieillesse des salariés qu’entre les régimes des salariés et ceux des non-salariés. Cette compensation généralisée entre régimes de retraite de base a pour objet de corriger, dans le respect de l’autonomie des régimes de protection sociale, les déséquilibres de financement provoqués par les mutations socio-économiques que je viens d’évoquer. Fondée sur la pension la plus basse, celle du régime agricole, elle s’est en fait traduite, pour la CNRACL, par un prélèvement atteignant jusqu’à 1, 5 milliard d’euros par an, soit 34 milliards d’euros depuis 1975.
Mais venons-en au deuxième étage de la fusée : la célèbre et tant décriée « surcompensation ».
La loi de finances pour 1986 a posé le principe d’une compensation complémentaire interne aux régimes spéciaux d’assurance vieillesse, censée renforcer les mécanismes de solidarité entre ces régimes, qui était fondée sur le montant de la pension moyenne versée par ces régimes. En fait, il s’agissait tout simplement de venir puiser environ 4 milliards de francs de l’époque dans les réserves de la CNRACL.
Cependant, le résultat, issu de calculs complexes, étant nettement supérieur aux 4 milliards de francs attendus, la contribution de la CNRACL fut pondérée, dès 1986, par un coefficient réducteur de 22 %. Depuis cette date, c’est un simple décret qui fait varier ce coefficient, qui fut porté jusqu’à 38 % de 1993 à 2000. La surcompensation fut, en quelque sorte, une pompe très efficace dont la puissance d’aspiration dépendait d’un décret annuel !
Les prélèvements annuels ont atteint jusqu’à 1, 5 milliard d’euros, soit plus de 27 milliards depuis 1986. Si on y ajoute la compensation généralisée, la CNRACL, c’est-à-dire le budget des hôpitaux, donc de la sécurité sociale, et des collectivités territoriales, donc de la fiscalité locale, a, depuis 1975, contribué pour plus de 61 milliards d’euros à la solidarité entre régimes.