Son idée maîtresse est l’élargissement du périmètre de la loi, qui s’étendra demain aux recherches observationnelles, ou non interventionnelles. La proposition de loi établit pour toutes les recherches sur la personne un socle réglementaire commun. Celui-ci comporte essentiellement l’avis obligatoire d’un comité d’éthique, le comité de protection des personnes, ou CPP, et la désignation d’un responsable de cette recherche, le promoteur.
Au sein de cet ensemble, trois catégories de recherche ont été identifiées, en fonction du niveau de risque encouru par les personnes qui se prêtent à ces recherches : les recherches interventionnelles, qui impliquent la possibilité d’un risque certain, même s’il n’est que potentiel, les recherches ne comportant qu’un risque négligeable et, enfin, les recherches non interventionnelles.
Cette distinction repose sur l’existence et la dangerosité potentielle de l’intervention qu’introduit la recherche, et qui diffère de la prise en charge habituelle des malades. Cette intervention peut modifier le soin des malades, mais aussi viser à changer le comportement des personnes, le plus souvent dans une optique de prévention. On parle alors de recherche interventionnelle épidémiologique, ou en population.
Votre commission a apporté des améliorations substantielles à cette proposition loi, en élargissant considérablement sa portée et ses ambitions.
Je n’en mentionnerai que trois.
D’abord, vous établissez une commission nationale des recherches impliquant la personne dont l’une des missions sera d’être une instance d’appel pour les projets ayant reçu un avis négatif en première analyse par un CPP. Dans le cadre de cette mission, l’indépendance de l’avis par rapport aux promoteurs des recherches devra être garantie. Cette commission sera également en charge de l’harmonisation des pratiques des comités, une demande récurrente depuis le rapport du sénateur Claude Huriet, en 2001, et celui de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, en 2006.
Le périmètre d’intervention de l’AFSSAPS, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, a ensuite été étendu à l’ensemble des recherches sur les personnes, lui permettant ainsi d’exercer pleinement son pouvoir de police sanitaire.
Enfin, vous étendez aux CPP la possibilité de donner un avis sur des recherches dont le promoteur est français mais qui devraient se dérouler dans un pays tiers à l’Union européenne. Cette disposition répond aux préoccupations de nombreuses institutions internationales, comme le Conseil de l’Europe ou l’UNESCO.
Toutefois, j’ai déposé au Sénat plusieurs amendements destinés à ajuster le texte de votre commission, et je voudrais insister sur deux d’entre eux.
Le premier porte sur le rattachement de la commission nationale dont vous proposez la création à la Haute Autorité de santé, la HAS. Ce choix ne me paraît pas être le meilleur. La recherche n’est pas une mission de la Haute autorité ; elle n’en a ni l’expérience ni la culture. La HAS est elle-même défavorable à ce rattachement.
En revanche, il est pleinement légitime que la commission nationale soit rattachée au ministre de la santé. D’abord, parce que c’est lui qui porte l’ensemble de la politique de recherche clinique dans notre pays. Ensuite, et surtout, parce qu’il est le garant de la protection des personnes, et porte cette responsabilité devant les acteurs de la recherche, devant nos concitoyens, et devant vous, la représentation nationale.
Le second amendement porte sur les modalités d’autorisation des recherches.
Il ne saurait y avoir de recherche sur la personne humaine sans des garanties fortes apportées aux personnes, et notamment l’avis préalable d’un comité d’éthique. Alors qu’aujourd’hui toute une catégorie de recherche en santé publique, dans le domaine de la prévention, se trouve dans une zone grise, la proposition de loi impose l’avis d’un comité de protection de personnes, et je me félicite de ce progrès majeur.
Pour autant, il me semble indispensable que les modalités de recueil du consentement des personnes soient adaptées et proportionnées à la nature de la recherche et aux risques encourus par les personnes. Il n’y a pas de raison, reconnaissez-le, d’avoir les mêmes exigences pour des recherches interventionnelles, avec un certain degré de risque, et pour des recherches où les risques sont minimes et souvent nuls.
Nos concitoyens ne comprendraient pas que des contraintes disproportionnées rendent matériellement impossible la réalisation de certaines recherches, alors que celles-ci présentent un intérêt en termes de santé publique.
Est-il raisonnable, quand on veut comparer l’efficacité de deux campagnes de prévention menées dans deux villes différentes de recueillir le consentement individuel et écrit de l’intégralité des habitants de ces deux villes ? Devons-nous renoncer à cette recherche s’il manque un seul formulaire de consentement ?
Pour cette raison, lorsqu’une recherche présente un intérêt en termes de santé publique, qu’elle est à risque minime voire nul et, enfin, que l’objet même de la recherche rend excessivement lourd le recueil du consentement individuel et écrit – comme en témoigne l’exemple que je viens de citer –, je vous propose que le CPP puisse l’autoriser, dès lors que les personnes concernées bénéficient d’une information collective sur la recherche et qu’elles ont, évidemment, la possibilité de ne pas y participer.
Madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes tout près d’adopter un grand texte législatif, …