Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les juridictions financières – Cour des comptes et chambres régionales des comptes – jouent un rôle majeur dans le contrôle de l’argent public. L’une de leurs compétences essentielles est de juger les comptes des comptables publics. Cette qualité de juridiction devrait supposer l’indépendance et l’impartialité de ces institutions.
Des arrêts récents de la Cour européenne des droits de l’homme ont remis en cause les caractéristiques des procédures juridictionnelles en vigueur devant la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes, contestant leur caractère équitable pour le justiciable et critiquant leur longueur excessive.
Le projet de loi, qui nous est aujourd’hui soumis, vise donc à remédier à cette situation regrettable, en tendant à moderniser les procédures juridictionnelles devant les juridictions financières et à les rendre compatibles avec les dispositions – que nous connaissons tous – de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Cet article pose deux conditions, à savoir qu’un jugement équitable soit rendu dans un délai raisonnable et par un tribunal indépendant et impartial. J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que ce délai raisonnable s’applique à la procédure tant d’instruction que de jugement.
Heureusement, la Cour des comptes n’est pas restée indifférente à ces critiques, puisque son Premier président, Philippe Séguin, par une instruction du 16 mai 2006, a cherché à remédier à la situation et à rendre compatibles les procédures juridictionnelles avec les dispositions de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il a précisé que l’audience publique doit être systématique avant tout jugement de mise en débet, que le rapport ainsi que les conclusions du parquet doivent être communiqués à toutes les parties avant l’audience et que le rapporteur et le représentant du parquet sont exclus du délibéré. Tout cela me paraît logique, surtout le dernier point dans la mesure où les chambres régionales des comptes sont des juridictions rendant des jugements.
Pour autant, cette solution ne pouvait qu’être provisoire. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, le présent projet de loi est bienvenu, afin de tirer pleinement les conséquences des précisions apportées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, que j’ai rappelée précédemment.
Ce texte a un triple objectif, que nous approuvons. Il vise à garantir le caractère équitable de la décision, à assurer un délai raisonnable et à harmoniser et simplifier les procédures de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.
Il distingue les fonctions d’instruction, de poursuite et de jugement des comptables. Je ne regrette que tel ne fut pas le cas par le passé.
Désormais, toute procédure contentieuse ne pourra être ouverte que par un réquisitoire du ministère public. La publicité des débats sera garantie et le principe du contradictoire, auquel toute démocratie est profondément attachée, sera renforcé.
L’étrange règle de la double décision provisoire puis définitive sera supprimée, la juridiction statuant par un unique arrêt ou jugement, accélérant ainsi le prononcé des décisions.
S’il n’y a pas ouverture d’une instance contentieuse, la décharge sera donnée au comptable par une simple ordonnance. L’ordonnateur pourra faire opposition dans un délai mois.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, le projet de loi vise à renforcer la crédibilité du pouvoir de sanction du juge, à partir du moment où le ministre ne pourra plus remettre gracieusement les amendes auxquelles les comptables ont été condamnés. Il tend également à rehausser le plafond du montant des amendes qui peuvent être infligées.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe UMP partagent les objectifs de ce texte qui vont au-delà des exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Je souhaite cependant, au nom du groupe UMP, faire part quelques remarques sur l’article 16 bis du projet de loi, résultant de l’adoption, à l’unanimité par nos collègues députés, d’un amendement de Charles de Courson, et qui prévoit la compétence des chambres régionales des comptes pour apprécier l’utilité publique des dépenses des collectivités territoriales ayant donné lieu à gestion de fait.
Si cette disposition tente d’apporter une réponse à des difficultés réelles, nous ne pouvons, toutefois, nous y rallier, au nom du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, auquel je suis profondément attaché, en ma qualité d’élu local.
M. le rapporteur nous a indiqué que toutes ces questions seraient abordées lors de l’examen du texte relatif à la réforme des juridictions financières.