Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de l’examen du projet de loi portant modernisation du marché du travail, je voudrais en rappeler l’importance et remercier la Haute Assemblée, spécialement M. le rapporteur, de la qualité de son travail et des discussions qu’elle a permises.
Tout d’abord, il convient donc de souligner l’importance de ce texte.
Cela a été maintes fois souligné au cours des débats, notamment lors de la discussion générale, ce projet de loi marque un moment qu’on peut qualifier d’historique.
Historique, il l’est sur le plan de la méthode. En effet, ce texte est né de l’accord interprofessionnel sur le marché du travail du 11 janvier 2008, premier accord conclu dans le cadre de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social. Élaboré en étroite concertation avec les signataires, il donnera force obligatoire aux dispositions de cet accord qui nécessitaient une validation législative, dispositions que ladite concertation a permis d’identifier.
Certains sujets feront l’objet de négociations ultérieures, telles la formation professionnelle, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou l’assurance chômage.
D’autres points seront précisés dans les décrets et arrêtés d’application de ce projet de loi. Afin qu’ils puissent paraître aussitôt que la loi aura été promulguée, nous y avons travaillé à la fois avec leurs rédacteurs et avec les parlementaires. Ces projets de décret, que nous vous avons fait parvenir, ont été transmis à la commission nationale de la négociation collective, qui les a examinés le 13 mai dernier. Tel est également le cas de l’arrêté prévoyant le formulaire type pour la rupture conventionnelle.
Enfin, nous avons aussi mis en place le groupe de réflexion tripartite sur le contexte juridique nécessaire pour fixer les montants minimums et maximums des indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce groupe, dont la constitution avait été demandée par les signataires de l’accord, s’est réuni le 31 mars et le 2 juin derniers, et poursuivra ses travaux.
Sur le fond, ce projet de loi, en façonnant un nouvel équilibre entre flexibilité et sécurité, marque une première étape vers une « flexicurité » à la française.
La « flexicurité » est dans l’intérêt naturel des entreprises et des salariés : depuis presque vingt-cinq ans, elle attendait de prendre forme en France. Avec ce projet de loi, elle trouve une première traduction équilibrée par l’introduction de garanties et de sécurités nouvelles, d’une part, et la mise en place de souplesses nouvelles, d’autre part, au profit tant des entreprises que des salariés.
Ce projet de loi offre tout d’abord des garanties nouvelles aux salariés.
Il pose un principe essentiel : la forme normale de la relation de travail, la forme de droit commun, est le contrat de travail à durée indéterminée.
Les représentants du personnel seront désormais informés sur le recours prévisionnel aux contrats de travail à durée déterminée et temporaires.
En cas de maladie, l’ancienneté requise pour bénéficier d’une indemnisation complémentaire sera réduite de trois ans à un an.
La durée des stages de fin d’études sera comprise dans la période d’essai, jusqu’à réduire celle-ci de moitié.
Le montant de l’indemnité de licenciement sera unifié par un doublement de celle qui est prévue en cas de licenciement pour motif personnel ; en outre, l’ancienneté nécessaire pour la percevoir passera de deux ans à un an.
Enfin, ce projet de loi pose le principe selon lequel tout licenciement doit être motivé et il clarifie une situation de fait en abrogeant le contrat « nouvelles embauches », le CNE.
Désormais, tout salarié dont le contrat de travail est rompu par son employeur connaîtra le motif de son licenciement, selon le principe contenu dans l’accord. Aux termes de celui-ci, il incombait aux pouvoirs publics de prendre les dispositions nécessaires pour que l’exigence de motivation et de cause réelle et sérieuse en cas de licenciement « s’applique à tous les contrats ». Xavier Bertrand s’y était engagé dès qu’avaient été connus la décision de l’Organisation internationale du travail et les arrêts des cours d’appel qui ont rendu inopérant le CNE.
Pour garantir la plus grande sécurité juridique possible aux entreprises comme aux salariés, il convient de mettre en cohérence le droit et la réalité, dans un souci de pragmatisme, pour éviter aux unes et aux autres de courir des risques inutiles.
Ce projet de loi modernise également les relations individuelles de travail en offrant des règles plus simples, qui s’appuient sur des garanties.
Les partenaires sociaux ont voulu mettre en place de nouvelles périodes d’essai interprofessionnelles par catégories, qui seront donc applicables dans toutes les professions et dans tous les secteurs d’activité.
Ce projet de loi permet aussi au contrat de travail ou aux accords collectifs qui seront conclus après l’entrée en vigueur de la loi de fixer des périodes d’essai plus courtes.
Enfin, ce texte rendra possible la rupture conventionnelle du contrat de travail. Il s’agit là d’un élément de modernisation des relations individuelles de travail. L’employeur et le salarié pourront convenir ensemble de rompre leurs relations de travail dans un cadre légal et bénéficieront, pour ce faire, de garanties telles que l’assistance des parties, un délai de rétractation de quinze jours et l’homologation de leur accord par le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Ces garanties sont reprises par le projet de loi, qui en précise la mise en œuvre.
Il s’agit d’une innovation essentielle dans notre droit qui devrait sécuriser les modes de rupture et réduire la judiciarisation dans notre pays, où un quart des licenciements pour motif personnel donnent aujourd’hui lieu à un recours en justice.
Ce projet de loi offrira enfin aux entreprises des outils pour accompagner et sécuriser leur activité.
Pendant cinq ans sera expérimenté le CDD à objet défini. Il permettra à une entreprise d’embaucher un ingénieur ou un cadre pour une durée de dix-huit à trente-six mois, afin de réaliser un projet. Cela donnera aux entreprises une plus grande souplesse pour recruter les compétences nécessaires sur certaines missions ponctuelles. Un accord collectif devra être préalablement conclu pour garantir les conditions d’utilisation de ce contrat.
Enfin, le portage salarial pourra être encadré par un accord conclu dans les deux ans dans la branche du travail temporaire, comme l’ont souhaité les partenaires sociaux.
L’Assemblée nationale et le Sénat ont amendé sur plusieurs points le texte qui leur était soumis. Je veux saluer le travail des parlementaires, en revenant brièvement sur les principales améliorations qu’ils ont introduites.
Tout d’abord, ils ont souhaité apporter un éclaircissement sur le fait que le salarié qui signera une rupture conventionnelle s’ouvrira des droits à l’assurance chômage. Il s’agit d’une précision importante et les négociations de la future convention d’assurance chômage viendront confirmer ce principe.
Les députés ont spécifié que les parties s’informent mutuellement de l’utilisation qu’elles entendent faire de la possibilité de se faire assister lors de l’entretien prévu en matière de rupture conventionnelle. Ils ont également fait inscrire dans la loi le fait que l’indemnité de rupture de 10 % prévue pour le CDD à objet défini est due par l’employeur au salarié, et non l’inverse, en cas de rupture sur l’initiative du salarié.
Les sénateurs ont clarifié la notion de date anniversaire dans la rupture du contrat pour un motif réel et sérieux, cette rupture pouvant intervenir au bout de dix-huit ou de vingt-quatre mois.
Ensuite, les députés ont complété la sécurisation juridique que nous avons voulu mettre en œuvre pour le CNE, en prévoyant l’application des périodes d’essai conventionnelles pour les CNE requalifiés en CDI.
Enfin, les sénateurs ont précisé l’exigence de consultation des acteurs du portage salarial dans le processus d’encadrement conventionnel de cette activité qui va s’engager dans la branche de l’intérim.
Ces précisions et compléments enrichissent le texte sans le déséquilibrer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi permet de grandes avancées dans le domaine des relations du travail. S’il marque une étape importante, décisive même, il n’en reste pas moins qu’un long chemin reste à parcourir, car la modernisation de notre économie et de notre marché du travail appelle d’autres accords, en particulier sur la formation professionnelle et l’assurance chômage.
Ce que veulent les Français, ce que nous voulons pour la société française, c’est une modernisation du contrat de travail, une modernisation du droit du travail, une modernisation du marché du travail.