Intervention de Guy Fischer

Réunion du 5 juin 2008 à 9h30
Modernisation du marché du travail — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Vous avez décidé de bafouer délibérément un accord pourtant conclu, comme si le dialogue social, la recherche de consensus et les engagements gouvernementaux n’avaient plus de sens. Et c’en est au point que même Mme Parisot, présidente du MEDEF, consciente des conséquences que cela aura demain, vous invite à faire marche arrière et à respecter la position commune. Cela ne manque pas de sel !

Ma conviction, comme celle du groupe communiste républicain et citoyen, est que l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 n’est pas, contrairement à vos déclarations, le résultat d’un réel dialogue social. Vos tentatives pour opposer les sénatrices et sénateurs hostiles à ce projet de loi aux syndicats ayant approuvé l’ANI sont restées vaines.

Je tiens à le redire ici : si je regrette la signature des organisations syndicales, je la comprends. Il faut nous resituer dans le contexte.

Quelles solutions leur proposiez-vous ? Pouvaient-elles, sur le fond, remettre en cause l’économie générale de ce projet de loi ? Pouvaient-elles débattre et faire émerger des propositions alternatives en matière de sécurisation des parcours professionnels ou des politiques en matière d’emploi ? Elles ne le pouvaient pas.

Quelle alternative s’offrait alors aux syndicats ? Une seule : votre intervention législative sur une base connue, celle du MEDEF.

Ce ne sont pas les syndicats qui sont à blâmer ; c’est votre conception du dialogue social qui est à dénoncer !

Je ne regrette d’ailleurs rien de la position de mon groupe lors de l’examen de ce projet de loi. Je me souviens d’avoir déploré, avec ma collègue Annie David, que les dispositions les plus favorables aux salariés, très minoritaires dans ce texte, soient renvoyées à plus tard, à des décrets, ou encore à la conclusion d’autres accords. Permettez-moi de vous le dire, le mauvais coup que vous venez de réaliser sur les 35 heures ne fait qu’accroître et conforter nos doutes quant à l’avenir. Nous serons vigilants à l’égard des décrets que vous prendrez, notamment celui qui concernera les indemnités de licenciement pour les salariés ayant plus de dix ans d’ancienneté.

Dans cet hémicycle même, vous nous demandiez, madame la secrétaire d’État, de vous faire confiance. Au vu de ce qui vient de se passer, vous comprendrez que votre capital confiance soit très largement entamé. C’est la raison pour laquelle mes collègues et moi-même resterons mobilisés et attentifs. Nous aurons l’occasion de vous faire part de notre point de vue, tant ce mois-ci, lors de l’examen du projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi, qu’au mois de juillet, lorsque nous sera soumis le projet de loi relatif aux 35 heures.

Mais si la forme est condamnable, le fond l’est tout autant. Je voudrais commencer, pour ne pas trop vous accabler, par la seule mesure positive de ce projet de loi, à savoir la transformation des CNE en CDI, disposition très attendue par les milliers de nos concitoyens qui avaient dénoncé la création de ce contrat précaire. Et pourtant, lors de nos débats, qu’avons-nous entendu ? À vous croire, cette transformation ne serait que le simple fait de votre bonne volonté. Bel exercice de réécriture de l’histoire, madame la secrétaire d’État !

Permettez-moi de vous rappeler la chronologie des faits. Au mois de juin 2005, le Gouvernement est habilité par le Parlement à prendre des mesures d’urgence, prétendument censées favoriser l’emploi, dont la création du CNE. La CGT, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et FO demandent au Conseil d’État l’annulation de ces ordonnances, estimant, notamment, que la période d’essai de deux ans et la possibilité de licencier le salarié sans motif sont contraires à la loi.

Au mois de juillet 2007, les cours d’appel de Bordeaux et Paris contredisent le Conseil d’État et considèrent que les ordonnances contreviennent aux engagements internationaux de la France, en particulier à la convention 158 de l’OIT, l’Organisation internationale du travail.

Le 14 novembre 2007, après que le Premier ministre de l’époque, M. de Villepin, eut réussi à repousser à deux reprises l’examen du CNE par l’OIT, cette institution déclare ce dispositif contraire aux engagements internationaux de la France en matière de protection des droits des travailleurs.

Et pourtant, madame la secrétaire d’État, bien décidé à ne pas revenir sur ce projet de loi, M. Xavier Bertrand déclarait le 18 novembre 2007, lors de l’émission « Le Grand Rendez-vous » sur Europe1 : « Dès que j’aurai notification officielle de l’OIT, je vais écrire à l’ensemble des organisations professionnelles pour leur indiquer qu’on ne pourra pas licencier un salarié sans motiver la décision ».

Il aurait été pourtant plus juste, madame la secrétaire d’État, de déposer rapidement, avec l’urgence que vous savez manier, un projet de loi visant à transformer les CNE en CDI.

Au lieu de cela, le 14 janvier 2008, sur France 2, M. Xavier Bertrand conditionnait la fin des CNE à la conclusion de l’ANI en ces termes : « Si l’accord est ratifié par les syndicats et retranscrit dans la loi, cela voudra dire que le CNE est totalement derrière nous ». Curieuse conception que celle qui consiste à conditionner le respect des engagements internationaux de la France à l’adoption par les partenaires sociaux d’un accord propre à notre pays !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion