Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec deux débats sur ce thème organisés dans notre hémicycle en cinq mois à peine et la discussion d’un projet de loi important, personne ne peut plus douter de l’intérêt que portent les sénateurs à la gendarmerie !
Je n’étais pas convaincue de l’opportunité du transfert de la gendarmerie au ministère de l’intérieur et je n’ai donc pas voté la loi dont nous parlons aujourd’hui, pas plus que l’article 5 de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014.
Nous apprenions jadis que « la police est de pouvoir, la gendarmerie est d’État ». Comprendra qui voudra, la loi est votée, elle est devenue loi de la République et nous la respectons comme telle.
Je profite enfin de notre discussion pour redire mon attachement et celui de mon groupe à plusieurs principes très importants ; mais vous y êtes assurément tout aussi attaché que nous, monsieur le secrétaire d’État !
Je pense tout d’abord au maintien du statut militaire de la gendarmerie nationale. L’aboutissement du rapprochement issu de la loi du 3 août 2009 doit permettre d’accélérer la complémentarité et la coordination de nos deux forces de sécurité. Ce cheminement ne doit en aucun cas aboutir à une fusion. Toute remise en cause du statut militaire de la gendarmerie serait, à nos yeux, inacceptable, nous souhaitons le réaffirmer, mais les précédents orateurs l’ont tous rappelé avant moi.
Nous devons rapidement progresser vers une parité globale de traitement et de carrière entre gendarmes et policiers. Les progrès qui doivent être accomplis sur cette voie sont importants à double titre : d’abord, pour une question d’équité, ensuite, parce que c’est l’une des conditions de la pérennité du statut militaire.
Je saisis cette occasion pour saluer le travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat et de son rapporteur, Jean Faure, grand artisan de ces dispositions fondamentales.
La personne la mieux placée pour parler de la gendarmerie ne peut être qu’un gendarme… Je voudrais donc vous lire un extrait du discours prononcé par le capitaine Pascal Kleck, du groupement de gendarmerie mobile d’Argentan, lors d’une manifestation à La Ferté-Macé, le 15 mai dernier.
« La gendarmerie est une arme d’élite. Si notre institution obtient ce qualificatif, c’est qu’au fur et à mesure des siècles et des épreuves, des valeurs ont été transmises, comme un héritage, et inculquées à ses membres. En effet, le gendarme est un militaire particulier. C’est un soldat de la loi, qui œuvre au service de la justice. Il lui est demandé de développer son courage, sa force de travail, son dévouement au concitoyen, en faisant preuve d’une disponibilité de tous les instants. De plus, il est toujours resté fidèle au pouvoir légal. La gendarmerie est une force humaine, qui sert la France et sa population au quotidien, quelles que soient les circonstances. »
Le capitaine Kleck ajoute : « Ceci reste d’ailleurs valable aujourd’hui, au sein du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, où la gendarmerie tient sa place en assurant la sécurité du citoyen sur l’ensemble du territoire, y compris dans les nouveaux espaces de communication. Elle partage même son savoir-faire dans plusieurs pays en proie à des crises majeures, comme, par exemple, Haïti ou l’Afghanistan. »
Il faut croire que les craintes que nous évoquons ici ne sont pas arrivées jusqu’au bon département de l’Orne !
Mais revenons donc au débat qui nous occupe aujourd’hui…
Comme l’avait déjà souligné notre collègue Joseph Kergueris lors du dernier débat sur l’application de la loi relative à la gendarmerie nationale, je constate que de nombreux décrets prévus par ce texte sont toujours en attente de publication. Pour cette raison, d’importantes dispositions ne sont pas encore entrées en vigueur et, malgré les publications du 11 février dernier, il reste des lacunes à combler.
Je regrette ce retard, monsieur le secrétaire d’État. Je souhaiterais donc savoir dans quel délai nous pouvons espérer la publication de ces mesures réglementaires, notamment celles qui concernent les grilles indiciaires de retraite ou d’avancement.
Enfin, je tenais à profiter de cette question orale avec débat pour évoquer une problématique importante, à laquelle je suis très attachée - cela vous changera d’ailleurs un peu du discours que vous entendez depuis tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État – à savoir l’intégration et la promotion de l’égalité des chances au sein de la gendarmerie nationale et de la police, enfin, disons au sein des forces regroupées dans votre ministère !
Je veux parler ici de l’intégration des jeunes, notamment de ceux qui sont issus de milieux défavorisés et de l’immigration.
Plusieurs initiatives ont été mises en œuvre récemment afin d’assurer l’égalité des chances dans la police nationale.
Ainsi, le dispositif des cadets de la République, mis en place en 2005, a pour objectif de promouvoir l’égalité des chances au sein de la police nationale, en permettant à des jeunes n’ayant pas le baccalauréat de se préparer aux concours de gardien de la paix.
Je pense aussi, à un autre niveau, aux classes préparatoires intégrées, qui visent à préparer aux concours d’officier et de commissaire de police.
Néanmoins, les nombreux rapports élaborés sur ce sujet font état d’une situation extrêmement inquiétante en termes de discriminations à l’intérieur des forces de police.
C’est d’ailleurs sans doute le rapport de Catherine Wihtol de Wenden et d’un chercheur de l’Institut français des relations internationales, l’IFRI, qui a suggéré à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, son discours du 23 février 2006 sur l’égalité des chances et « la discrimination positive à la française ».
Voici précisément un extrait des propos tenus par l’ancien occupant du ministère de l’intérieur : « Le temps est à l’action. Nous devons promouvoir un modèle de société plus ouverte et plus juste. Je veux ici affirmer ma détermination à faire de ce ministère un exemple. La police doit être à l’image de la société. Elle doit, à mérites équivalents, accueillir dans ses rangs tous ceux qui partagent la motivation, le désir et les capacités de travailler partout et pour tous à garantir la sécurité des Français. […]
« L’égalité républicaine ne saurait être qu’un concept, une idée purement virtuelle. Je veux en faire une réalité car ce dont il s’agit, c’est bel et bien de construire ensemble l’avenir de notre République. […]
« Il faut savoir intégrer toutes les populations en une seule communauté de valeurs et de destins : celle des citoyens de la République. C’est notre responsabilité, notre devoir et notre honneur. […]
« L’État doit être le premier acteur de cette politique, qui exige des actions et des résultats concrets. »
Voilà ce que disait le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy.
Alors, monsieur le secrétaire d’État, qu’en est-il du programme des cadets de la République ? Qu’en est-il des conventions signées avec notamment le président du groupe Vedior France, afin de poursuivre les initiatives en cours en matière de formation ?
Il était aussi prévu que la gendarmerie nationale offre le statut d’aspirant de gendarmerie issu du volontariat à un certain nombre d’étudiants afin que ceux-ci puissent, par ce biais, préparer les concours d’admission.
Quels sont les résultats de toutes ces actions, certes ambitieuses, mais dont nous n’entendons pas beaucoup parler aujourd’hui ?
Je vous remercie des réponses que vous pourrez me donner à ce sujet et, si vous êtes libre à la fin du mois de juin