Intervention de Ian BROSSAT

Réunion du 14 novembre 2023 à 14h30
Immigration et intégration — Vote sur l'ensemble

Photo de Ian BROSSATIan BROSSAT :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout au long des débats qui nous ont occupés de nombreux jours sur ce projet de loi relatif à l’immigration, le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky a pensé très fort à la grande majorité des étrangers qui vivent sur notre sol, qui travaillent, qui produisent des richesses, qui contribuent au rayonnement de notre pays et qui ont dû se sentir bien mal en écoutant nos débats, ainsi qu’un certain nombre d’outrances qui ont été prononcées ici. Oui, nous avons ressenti un immense décalage.

Vous laisser croire que nous avions placé beaucoup d’espoir dans ce projet de loi serait mentir. Et c’est peu dire… Nous avions espéré malgré tout que ce texte puisse au moins permettre à notre pays d’avancer sur un certain nombre de sujets, notamment sur la question de la régularisation des travailleurs sans-papiers.

Nous avions espéré qu’au moins notre assemblée puisse faire le choix du pragmatisme, lequel aurait consisté à permettre la régularisation de ces travailleuses et travailleurs, qui le méritent.

Or non seulement ce projet de loi, tel qu’il résulte de nos discussions, ne nous a pas permis d’avancer sur ce sujet, mais il a considérablement dégradé la situation des étrangers vivant sur notre sol.

Ce texte est à la fois dur, cruel et, à certains égards, mesquin.

Il est dur quand il prévoit la fin de l’automaticité du droit du sol et l’obligation de résider dix ans en France avant d’accéder à la nationalité.

Il est dur lorsqu’il instaure des quotas triennaux d’immigration sans fixer de critères explicites.

Il est dur lorsqu’il prévoit la limitation de l’immigration étudiante.

Il est cruel lorsqu’il prive l’étranger en situation régulière d’allocations et de prestations sociales pendant ses cinq premières années de présence sur le territoire français, condamné qu’il est à cotiser, à payer des impôts et à ne pas pouvoir profiter des droits qui existent pour tous les autres citoyens vivant sur notre territoire.

Il est cruel lorsqu’il remet en cause – c’est une honte absolue ! – l’aide médicale de l’État (AME).

Il est cruel lorsqu’il prévoit de réduire les titres de séjour pour maladie, qui profitent notamment à des étrangers infectés par le VIH.

Il est dur, cruel et, à certains égards, mesquin lorsqu’il prévoit de supprimer les transports gratuits pour les bénéficiaires de l’AME.

Au fond, le seul qui, au sein de la majorité sénatoriale, ait dit la vérité, c’est le président Bruno Retailleau. Dans le Journal du dimanche, il a estimé que tout ce qui durcissait le droit des étrangers était « bon à prendre ».

De quoi donc sont coupables les sept millions d’immigrés qui vivent sur notre sol, qui veulent vivre dignement de leur travail ? Quels forfaits ont-ils donc commis, qui justifient pareil traitement ?

Disons-le très clairement, mes chers collègues : le pari sur lequel repose cet ensemble de dispositions est totalement faux. Vous faites le pari que, en dégradant les conditions d’accueil des étrangers, vous les dissuaderez de venir sur notre sol. Vous vous trompez : ils viendront, mais dans des conditions déplorables et lamentables en raison des dispositions adoptées dans le présent projet de loi.

En réalité, vous présentez vous-même un mirage, celui qui consiste à faire croire que l’immigration cessera ou se réduira drastiquement, alors même que la misère grandit, alors que les guerres se multiplient, alors que le climat se dérègle comme jamais.

Dans un tel contexte, il est vain d’imaginer que les flux migratoires se tariront ; il est vain d’imaginer que l’immigration cessera.

La seule question qui se pose est la suivante : comment affronterons-nous, ensemble, ce défi migratoire tout en assumant nos responsabilités ? Ce n’est pas avec ce texte que nous y parviendrons !

Surtout, ce projet de loi ne permet pas l’intégration.

Comment intégrer, dès lors qu’on se refuse à régulariser des hommes et des femmes sans-papiers qui travaillent, cotisent et paient des impôts ?

Comment intégrer, dès lors qu’on se refuse à permettre aux demandeurs d’asile de travailler plutôt que de vivre des revenus de l’assistance ?

Comment intégrer, dès lors que vous contribuez à faire des étrangers un groupe à part, privés de tout, sauf du droit d’être exploités ?

Surtout, le texte tel qu’il résulte de nos discussions comporte une contradiction majeure : d’un côté, on y revendique en permanence les valeurs de la République ; de l’autre, on porte atteinte à nos droits fondamentaux en foulant aux pieds les principes républicains auxquels, me semblait-il, nous sommes collectivement attachés.

Bien sûr, des avancées sont intervenues, à la suite notamment de l’adoption d’amendements de notre groupe.

Je pense, par exemple, à la question des victimes des marchands de sommeil. Je me réjouis ainsi que nous ayons pu faire adopter un amendement qui permettra d’accorder un titre de séjour provisoire aux victimes des marchands de sommeil qui portent plainte.

Toutefois, cette avancée ne saurait effacer l’ensemble des reculs que contient ce texte. Par conséquent, les sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky ne pourront que s’y opposer.

Notre conviction profonde est que la France peut accueillir dignement celles et ceux qui cherchent refuge chez elle. C’est notre honneur. C’est aussi notre honneur que d’assumer l’intégration, par l’école, par la langue, par le travail.

Telles sont les convictions qui nous animent et qui continueront de nous animer.

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