… il convient pour l’heure d’ouvrir grand nos frontières aux importations en provenance d’Argentine, où l’élevage du bétail est extensif ! Tel est l’exemple à suivre, mais si nous ne précisons pas les choses dans la loi, cela signifie que nous ne nous donnerons pas les moyens d’orienter le développement de notre agriculture dans cette voie. Voilà un second exemple qui montre qu’une articulation entre politique de l’alimentation et politique agricole est nécessaire.
La priorité doit bien entendu être de répondre à la demande interne. Or, actuellement, une bonne partie de notre agriculture, en particulier les structures ultraproductivistes du Bassin parisien, est tournée avant tout vers l’exportation, et ne tient qu’à coups de restitutions. J’estime que nous devons recentrer les productions sur la demande interne. Cela vaut également pour les politiques régionales : voilà quelque temps, en Alsace, on finançait la monoculture du maïs pour répondre à la demande des industries agroalimentaires allemandes, alors qu’existe une forte demande locale de fruits et légumes, de produits alimentaires de proximité.
Je voudrais aborder un troisième aspect. Mon amendement tend à préciser que la politique alimentaire « s’appuie sur une agriculture durable, pourvoyeuse d’emplois dans les territoires ». Monsieur le ministre, c’est bien au début du texte qu’une telle mention doit figurer, qu’il s’agisse du préambule ou du titre Ier !
Je conclurai par une observation qui, monsieur le ministre, ne devrait pas vous laisser insensible : la souveraineté alimentaire a aussi une dimension géostratégique. La France souhaite faire entendre sa voix dans le concert des nations et prendre position en toute indépendance, comme elle l’a fait avec brio au moment du déclenchement de la guerre d’Irak. Pour ma part, j’étais de ceux qui étaient fiers de voir la France tenir un discours d’opposition aux va-t-en-guerre. Seulement, monsieur le ministre, nous ne pourrons conserver durablement cette autonomie politique, l’histoire l’a montré, sans autonomie alimentaire. Au Moyen Âge, pour faire tomber les villes, on les assiégeait : quand ils étaient affamés, les bourgeois se rendaient. Demain, la France ne pourra tenir un discours crédible sur le plan international que si elle est capable de produire sa nourriture sans dépendre de l’extérieur. Je rappelle une nouvelle fois dans quelles difficultés l’embargo sur le soja de 1973 avait placé tous nos élevages !
L’agriculture est également très fortement consommatrice de pétrole, que ce soit sous forme de gazole, d’intrants ou d’engrais. La Russie, les États-Unis ont du pétrole : ils conserveront leur autonomie alimentaire. Nous, qui n’avons pas de pétrole, devons donc aujourd’hui écrire dans la loi que notre politique agricole doit tendre à réduire notre dépendance à l’égard de cette source d’énergie.