Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 14 avril 2011 à 9h30
Immigration intégration et nationalité — Article 75, amendement 123

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet, rapporteur :

Je tiens à indiquer aux membres de la Haute Assemblée que l’ensemble de ces amendements ont déjà été examinés en première lecture. Je redonnerai néanmoins le point de vue de la commission des lois sur chacun d’eux.

L’amendement n° 123 tend à supprimer la procédure prioritaire. Permettez-moi de rappeler que le délai moyen d’examen d’une demande en procédure normale est d’environ dix-neuf à vingt mois, en incluant le recours devant la CNDA. Il est donc indispensable de conserver le dispositif de la procédure prioritaire. La commission est par conséquent défavorable à cet amendement.

Pour les mêmes raisons, la commission est défavorable aux amendements n° 175 et 126.

La commission est également défavorable à l’amendement n° 125. Il paraît en effet essentiel de conserver la possibilité d’examiner une demande d’asile selon la procédure prioritaire, afin d’empêcher que des demandes manifestement dilatoires – c’est bien là le risque que nous tâchons de combattre – ne fassent échec à l’exécution d’une procédure d’éloignement. Je rappelle toutefois que la procédure prioritaire ne fait pas obstacle à ce que l’OFPRA entende le demandeur et, le cas échéant, lui reconnaisse la qualité de réfugié.

La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 124, qui tend à supprimer les dispositions du code des étrangers relatives à la notion de pays d’origine sûr.

La notion de pays d’origine sûr est issue du droit communautaire. En effet, le protocole annexé au traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997 prohibe en principe les demandes d’asile entre États membres de l’Union européenne. Selon la directive du 29 avril 2004, un pays est considéré comme sûr s’il veille au respect des principes de liberté, de démocratie et d’état de droit, ainsi qu’au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’article 23 de la directive du 1er décembre 2005 permet d’examiner les demandes présentées par les ressortissants de ces pays selon la procédure prioritaire.

Je ferai trois remarques.

Tout d’abord, cette notion de « pays sûr » n’induit qu’une présomption de sécurité et ne fait pas obstacle, évidemment, à une reconnaissance de la qualité de réfugié par l’OFPRA ou par la Cour nationale du droit d’asile.

Par ailleurs, la liste des pays sûrs est établie par le conseil d’administration de l’OFPRA sous le contrôle du juge administratif, qui examine attentivement si toutes les conditions sont réunies.

Enfin, en toute hypothèse, un demandeur d’asile ressortissant d’un pays d’origine sûr ne peut pas être éloigné avant que l’OFPRA ne se soit prononcé sur sa demande.

L’utilisation de cette notion est donc entourée de nombreuses garanties.

La commission des lois émet également un avis sur l’amendement n° 128, pour les raisons précédemment données, de même que sur les amendements n° 127 et 130.

La commission est aussi défavorable à l’amendement n° 133 qui, je le rappelle, a pour objet de permettre à l’OFPRA de décider qu’une demande d’asile examinée en procédure prioritaire le sera en procédure normale, ce qui permettrait de délivrer une autorisation provisoire de séjour au demandeur.

La décision d’admission au séjour des demandeurs d’asile relève non de l’OFPRA mais de l’autorité préfectorale. Celle-ci ne peut toutefois refuser l’admission au séjour du demandeur que dans quatre hypothèses limitativement énumérées, sous le contrôle du juge administratif saisi, le cas échéant, par la voie d’un référé-liberté. Un mécanisme de contrôle existe donc bien.

La commission est également défavorable à l’amendement n° 129.

S’agissant de l’amendement n° 135, permettez-moi de formuler quelques observations déjà présentées en première lecture.

Cet amendement tend à instaurer un recours suspensif devant la CNDA contre les décisions de rejet de l’OFPRA.

En 2007, notre droit a été modifié afin d’introduire un recours suspensif contre le refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile, à la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Gebremedhin : désormais, un étranger qui sollicite l’asile à la frontière ne peut pas être refoulé avant que le juge administratif ne se soit prononcé sur le caractère manifestement infondé de sa demande.

Deuxièmement, l’absence de caractère suspensif du recours devant la CNDA, s’agissant des demandes formulées sur le territoire, a été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993.

Troisièmement, dans les faits, d’après les informations que nous avons recueillies au cours de nos auditions, les préfectures s’abstiennent déjà, la plupart du temps, d’éloigner un étranger dont le recours est pendant devant la CNDA. Les choses sont donc assez claires.

Voilà quelques jours, le Conseil constitutionnel a considéré qu’aucun changement de circonstance ne justifiait une modification de sa position adoptée en 1993.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 135.

S’agissant enfin de l’amendement n° 131, la commission y est extrêmement défavorable. Cet amendement prévoit en effet la remise au Parlement d’un rapport supplémentaire, et la jurisprudence de la commission des lois est constante en la matière.

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