Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la septième fois depuis qu’Emmanuel Macron est à l’Élysée, nous étudions le budget de la sécurité sociale présenté par son gouvernement.
Pour la septième fois, il est en déficit. Et, lorsque le chef de l’État quittera l’Élysée, il sera, selon la trajectoire prévue par le Gouvernement, toujours en déficit – il le sera même encore plus qu’aujourd’hui.
Cette trajectoire est inédite. Le Gouvernement ne parvient pas à rétablir les comptes. Et, de fait, il fragilise la sécurité sociale dans ses fondements, puisqu’il projette l’idée que notre système n’est pas soutenable, pas tenable dans la durée.
Nous avons beaucoup débattu, au printemps, de la première masse financière de ce budget, le système de retraite. Je ne m’y attarderai pas : ma collègue Monique Lubin y reviendra.
Qu’en est-il du budget santé du pays ?
Il progresse, cette année, de 3, 2 %, soit un peu plus que l’inflation prévue, après une année 2023 marquée par une progression inférieure à l’inflation.
Cependant, cette hausse doit intégrer de nombreux effets de revalorisations, tellement importants qu’ils consommeront plus de 90 % de cette augmentation et qu’il ne restera quasiment rien pour faire face à l’inflation et à la nécessité d’apporter les améliorations, diverses et variées, que requiert le fonctionnement de notre système de santé.
Ce budget 2024, s’il était respecté – ce qu’à peu près personne ne croit –, financerait moins de soins que celui de 2023, le coût de ceux-ci progressant plus vite que l’enveloppe allouée.
On apprend à l’école primaire que l’on achète moins de tomates en année N+1 avec 12 euros qu’en année N avec 10 euros si le prix du kilo est, dans l’intervalle, passé de 5 à 7 euros. Messieurs les ministres, madame la ministre, c’est exactement ce qui se passe avec votre budget !
Depuis des années, vous tracez le même sillon, celui de la contrainte de l’offre pour comprimer la dépense. Cette politique a démontré son inefficacité et elle crée de la désespérance chez les personnels du soin. Elle fait naître chez ces derniers le sentiment qu’ils ne peuvent remplir leur mission dans de bonnes conditions, les poussant à partir. Nous manquons de médecins généralistes. Nous manquons de professionnels à l’hôpital. Une pénurie s’installe et la surcharge de travail, chez ceux qui restent, suscite de nouveaux départs, ce qui alimente la pénurie.
L’inefficacité se lit d’abord dans les résultats. Que demande-t-on à un système de santé, si ce n’est de faire progresser l’état de santé de sa population ? Or nos grands indicateurs de santé se dégradent.
Après la mortalité infantile, qui progresse – lentement, mais sûrement – depuis quelques années et nous relègue à un niveau moyen au regard des autres pays, c’est au tour de l’espérance de vie à la naissance, qui fut longtemps l’une des toutes meilleures au monde, de flancher : nous passons de la sixième à la treizième place des pays de l’OCDE.
Des résultats de santé publique qui se dégradent, des déficits qui se creusent, tout cela dans la durée : que faut-il de plus pour comprendre que quelque chose ne fonctionne pas et que l’heure est à un véritable changement ?
Si vous étiez tentés, madame la ministre, messieurs les ministres, par un simple rétablissement des comptes, vous avez l’embarras du choix : réduire les allégements et exonérations non compensés, voire y mettre fin ; annuler tout ou partie du transfert de la dette covid de l’État à la Cades ; décider de nouvelles recettes…
Nous vous appelons toutefois à plus d’ambition et à affronter la réalité : les dépenses de santé progressent plus vite que la richesse nationale sous l’effet de facteurs structurels que nous connaissons bien et auxquels nous n’avons d’autre choix que de nous adapter.
Notre pays ne parvient pas à suivre cette hausse. Il le fait d’autant moins qu’il gaspille trop de ressources et qu’il investit trop peu dans la prévention.
Le budget santé du pays est ainsi construit à partir d’une forme de conservatisme mâtiné d’une lecture financière inefficace.
Certes, l’Ondam n’a jamais été une construction de santé publique, mais il se révèle désormais comme un obstacle à des démarches de santé. Si nous poursuivons ainsi, les indicateurs de santé continueront à se dégrader et les pénuries à se perpétrer.
Changer, madame la ministre, messieurs les ministres, c’est construire autrement notre budget. C’est délibérer sur nos objectifs avant de délibérer sur les moyens.
C’est délibérer sur des priorités dans chaque département, en fonction des besoins de santé de la population. C’est, ensuite, délibérer au Parlement sur des objectifs nationaux de santé que nous nous assignons. Et c’est, après seulement, allouer les moyens en fonction des choix effectués, car, oui – nous ne disons pas le contraire –, il y aura toujours des choix à faire.
Changer, c’est faire beaucoup plus de prévention.
C’est l’activité physique et l’activité physique adaptée qui doivent se déployer.
C’est une lutte énergique contre les polluants, dont certains – je pense aux perturbateurs endocriniens – compromettent tout progrès de notre espérance de vie en bonne santé.
C’est la réduction de la consommation d’alcool, sur laquelle brasseurs et viticulteurs ont toujours une objection et le Président de la République une complaisance.