Intervention de Thierry Cozic

Réunion du 20 novembre 2023 à 16h00
Loi de finances de fin de gestion pour 2023 — Discussion générale

Photo de Thierry CozicThierry Cozic :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons un projet de loi de finances relevant d’une nouvelle catégorie, distincte de celle des lois de finances rectificatives.

Contrairement à un projet de loi de finances rectificative, il ne peut contenir aucune disposition fiscale nouvelle, ce que nous regrettons, contrairement au rapporteur général, car cette interdiction corsète un peu plus les droits du Parlement.

D’emblée, il me paraît opportun de souligner que plusieurs dispositions semblent aller dans le bon sens. Les crises sont encore présentes et elles risquent de se multiplier à l’avenir, de sorte que des moyens supplémentaires sont nécessaires pour accueillir les réfugiés, soutenir nos agriculteurs ou encore maintenir notre soutien à l’Ukraine, mais également à nos concitoyens les plus précaires. Nous saluons de ce point de vue le travail de nos collègues socialistes de l’Assemblée nationale, qui ont proposé et obtenu une rallonge de la prime de Noël pour les familles monoparentales vivant sous le seuil de pauvreté : ce sont ainsi entre 115 et 200 euros supplémentaires par foyer pour environ 500 000 familles qui seront versés, soit 70 millions d’euros pour 2023.

Néanmoins, ce que l’on peut retenir de ce texte, c’est une charge de la dette bien plus élevée que ce qu’avait prédit le Gouvernement : le différentiel est important – 3, 8 milliards d’euros ! – en raison notamment des obligations assimilables du Trésor (OAT) indexées sur l’inflation.

En parallèle, nous constatons que, là encore, les recettes ne sont pas au rendez-vous. Les dividendes de l’État s’avéreront inférieurs de 2, 5 milliards d’euros aux prévisions et la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité a été surévaluée de 9, 5 milliards d’euros dans la loi de finances initiale pour 2023. Quelle n’a pas été notre surprise à la découverte de ces chiffres, puisque vous n’aviez cessé de claironner dans tous les médias votre farouche volonté de faire contribuer les énergéticiens pour plus de 12 milliards d’euros ! Ceux-ci n’auront en définitive que bien peu participé…

Par ailleurs, alors que les ministres se flattent d’un financement historique de la transition écologique dans le budget pour 2024, plus de 1, 3 milliard d’euros de crédits de paiement sont annulés sur la mission « Écologie ». Sur cette somme, 1, 1 milliard d’euros étaient prévus pour le programme 174, qui finance notamment MaPrimeRénov’, le chèque énergie et l’aide à l’acquisition de véhicules propres, et 105 millions d’euros devaient contribuer au financement des infrastructures de transport.

À ce sujet, le rapport Pisani-Ferry n’a pas été tendre avec le Gouvernement et, alors que des membres du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) prennent publiquement la parole, sortant de leur traditionnelle réserve, pour regretter l’absence de cap du Président de la République dans la politique écologique du pays, il semble difficile, au regard de la sous-exécution desdits crédits, de leur donner tort.

Toujours en matière de sous-exécution des budgets, il est à noter que, dans la mission « Économie », dont je suis rapporteur spécial avec ma collègue Frédérique Espagnac, le guichet temporaire d’aide aux entreprises très consommatrices d’électricité ou de gaz, qui était doté en 2022 et 2023 de 7 milliards d’euros de crédits, n’a, à ce jour, traité et validé que 17 000 dossiers sur les 44 000 qui ont été déposés, pour un montant total d’aide de 832 millions d’euros, soit moins de 12 % des crédits ouverts. Prenant acte de cette très forte sous-exécution, vous avez d’ailleurs annulé 4 milliards d’euros en septembre dernier.

Dans un tout autre registre, nous déplorons que l’article 2 ne prévoie pas une compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales, ce qui, mécaniquement, ponctionne de 2 milliards d’euros les réserves de l’Unédic. Cette ponction, annoncée cet été dans une lettre de cadrage transmise aux syndicats, n’est pas acceptable. Elle n’est pas surprenante non plus, car en la matière, vous n’en êtes pas à votre coup d’essai. En effet, vous aviez déjà un temps envisagé de piocher dans les réserves de l’Agirc-Arrco. Avec ce mode de fonctionnement, vous passez par-dessus les organisations syndicales, mais surtout, et c’est le plus grave, vous attaquez frontalement le paritarisme, qui est, je le rappelle, le fondement de la sécurité sociale.

Enfin, pour les collectivités locales, le compte n’y est toujours pas et les courriers de la direction générale des finances publiques (DGFiP) aux 3 425 collectivités qui devront rembourser tout ou partie de l’acompte qu’elles avaient reçu dans le cadre du filet de sécurité, pour un montant total de 70 millions d’euros, ne sont pas de nature à les rassurer, alors que leurs budgets sont déjà durement touchés par l’inflation. Sans entrer dans les détails, que ma collègue Isabelle Briquet exposera, nous espérons que l’amendement que nous proposons, visant à annuler la demande de remboursement des acomptes perçus par ces communes, trouvera grâce à vos yeux.

Vous l’aurez compris, en l’état, ce premier PLFG ne convainc pas les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Nous serons donc attentifs aux débats en séance publique, car, si nous parvenions à améliorer le projet de loi, notamment au bénéfice des collectivités territoriales, nous pourrions consentir à ne pas nous y opposer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion