Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 14 décembre 2005 à 15h00
Lutte contre le terrorisme — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Il est donc aberrant d'étendre de telles dispositions à la lutte contre le terrorisme et de laisser croire à l'opinion publique qu'elles seront efficaces.

Dans son contenu, votre projet de loi est inutile, car l'arsenal législatif que vous avez fait voter par votre majorité parlementaire depuis 2002 devrait largement suffire. Pourquoi donc en rajouter, si ce n'est pour occuper le terrain politique et renforcer ainsi la stigmatisation envers certaines communautés ?

Nous légiférons une fois encore sans disposer d'une évaluation des législations actuellement en vigueur ; ma collègue Nicole Borvo, en défendant tout à l'heure la question préalable, reviendra plus longuement sur cet aspect.

Votre projet de loi est d'autant plus inutile et inquiétant au regard des libertés que - je le rappelle - notre pays vit toujours à l'heure de l'état d'urgence, lequel permet déjà au Gouvernement de prendre certaines mesures d'exception.

À l'exception se surajoute l'exception !

Sans compter que le système antiterroriste français, dont le volet répressif, datant de la loi de 1986, a déjà été renforcé en 1996 et en 2004, n'avait pas besoin de cette ultime radicalisation. En effet, le dispositif actuel offre déjà une marge de manoeuvre sans équivalent en Europe en raison de l'incrimination d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, et de la notion on ne peut plus floue de « terrorisme ».

Si cette justice d'exception a permis de renforcer la prévention en matière de lutte antiterroriste, rappelons-nous qu'elle a aussi entraîné certains abus, notamment à l'époque de l'affaire Chalabi. Il ne faudrait pas qu'à chaque vague d'attentats, en France ou ailleurs, on radicalise notre législation au nom du terrorisme qui, par essence, est dangereux.

Je crains, à cet égard, que le nouveau régime dérogatoire des infractions terroristes, qui a déjà une tendance naturelle à s'étendre à d'autres infractions - comme la garde à vue de quatre jours, la présence d'un avocat au bout de la soixante-douzième heure, les cours d'assises spéciales, ou encore les perquisitions de nuit appliquées aujourd'hui aux affaires de stupéfiants - ne s'étende bientôt à d'autres cas.

Le coup de filet antiterroriste effectué il y a deux jours en Île-de-France et dans l'Oise démontre, si besoin était, que le présent texte - le septième comportant des mesures liées au terrorisme depuis 1986 - n'était pas nécessaire.

Votre projet de loi est inefficace, monsieur le ministre d'État. Loin de s'attaquer aux causes du terrorisme, il n'aura à coup sûr - et nous le déplorons - aucun impact en termes de lutte contre le terrorisme.

Comme je l'ai dit précédemment, il ne contient pas de dispositions innovantes qui pourraient nous laisser penser que le Gouvernement a une réelle volonté de combattre le terrorisme. Par exemple, la généralisation de la vidéosurveillance - qui n'est pas, admettez-le, une idée neuve - était prévue avant même les attentats de Londres. Ces derniers événements, tragiques, ont simplement permis d'en accélérer la mise en oeuvre et d'en justifier l'extension.

Le Royaume-Uni compte 4 millions de caméras et leur nombre devrait atteindre quelque 25 millions d'ici à 2007. Dans la capitale anglaise, un Londonien est filmé en moyenne trois cents fois, au cours d'une journée, par des dizaines de réseaux différents, de manière plus ou moins visible. Cela a-t-il, pour autant, empêché la capitale anglaise d'être la cible d'attentats meurtriers ? Pas du tout !

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