Intervention de Francis SZPINER

Réunion du 22 novembre 2023 à 15h00
Personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Francis SZPINERFrancis SZPINER :

Je vous invite toutefois à relire la loi mémorielle loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie, à laquelle vous songez peut-être : si les règles de prescription quadriennales ne s'appliquent pas, la réparation accordée est liée aux effets d'une politique assumée de l'État, notamment aux conditions de vie indignes qu'elle a emporté pour les harkis. Cela n'a rien à voir avec le sujet qui nous préoccupe.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission estime qu'il convient de ne pas retenir le principe des réparations.

La troisième faiblesse de cette proposition de loi a trait au problème du négationnisme. La commission ne peut pas vous suivre pour deux raisons, mon cher collègue.

Tout d'abord, le statut du tribunal militaire appelé à juger les crimes commis par les nazis, dit tribunal de Nuremberg, cite expressément la déportation dans son ensemble, que celle-ci ait concerné les juifs, les communistes, les résistants, les Tziganes ou les homosexuels, comme constitutive d'un crime contre l'humanité. La négation de la déportation entre de ce fait dans le cadre de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Il n'y a donc pas lieu de créer une nouvelle infraction. Ce ne serait légitime ni sur le plan philosophique, au regard de l'indivisibilité et de l'universalité des droits de l'homme, ni sur le plan juridique, compte tenu de ce que prévoit déjà le statut de Nuremberg.

Ensuite, un certain nombre d'associations luttant contre l'homophobie ont engagé des procédures sur le fondement de la loi de 1881. L'adoption du texte que vous proposez pourrait donc entraîner la relaxe des personnes que ces associations poursuivent, mon cher collègue. Il ne s'agit pas de leur faire plaisir : je m'en tiens à examiner le droit.

Telles sont les raisons qui pour lesquelles je suis favorable au vote d'un article unique portant reconnaissance de la politique discriminatoire pratiquée par la République de 1945 à 1982.

Nous sommes dans le symbole, mes chers collègues, mais celui-ci a toute son importance, car, aujourd'hui encore, des gamins de 18 ans sont chassés de chez eux lorsque leurs parents découvrent leur homosexualité.

Il importe donc que le Sénat affirme – nous en sommes d'accord, mon cher collègue – que les lois discriminatoires contre les homosexuels sont contraires à l'idée que nous nous faisons de la République, de la fraternité et de la condition humaine.

Le Sénat ne peut toutefois en faire davantage, en se substituant au travail d'éducation de toute la société, ainsi qu'à celui des familles et de chacun. La loi ne peut malheureusement pas régler toutes les difficultés liées à l'homophobie.

J'estime toutefois que, en affirmant symboliquement que la République s'est mal conduite en instaurant une discrimination, nous apportons notre aide à ceux qui mènent ce combat légitime. Telle est la raison pour laquelle j'aurais souhaité que nous parvenions à un consensus, mes chers collègues.

J'ai enfin été très choqué de lire que nous aurions refusé un certain nombre d'auditions, et j'espère que l'auteur de la proposition de loi aura l'honnêteté de reconnaître que ce n'est pas exact. Ne disposant que de très peu de temps, ce qui n'était du fait ni de la commission ni de votre rapporteur, nous avons demandé des contributions écrites, que nous avons obtenues, à toutes les personnalités que nous n'avons pas pu entendre.

Il est scandaleux de prétendre que nous aurions bâclé le travail, et je suis certain que vous aurez à cœur de rectifier ces propos, mon cher collègue Bourgi.

Ces critiques sont toutefois intéressantes, car elles montrent que le travail reste à faire. Le problème que vous soulevez recouvrant des périodes et des situations différentes, mon cher collègue, il serait souhaitable que l'autorité publique missionne et accompagne des universitaires pour établir les faits.

En effet, la direction des affaires criminelles et des grâces, que nous avons interrogée, n'a pas été en mesure de nous aider beaucoup, car la Chancellerie – c'est heureux – ne tient pas de fichier des personnes condamnées pour homosexualité.

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