Intervention de François Zocchetto

Réunion du 14 décembre 2005 à 15h00
Lutte contre le terrorisme — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto :

En effet, aujourd'hui, le terrorisme évolue, et il évolue à chaque seconde ! Les organisations terroristes savent utiliser à leur profit et à leur avantage, bien souvent avec une rapidité qui dépasse celle de ceux qui veulent combattre leurs entreprises, les moyens modernes de communication, comme la téléphonie mobile ou Internet.

Il est vrai que, il y a quelques années, ces technologies étaient l'apanage de quelques-uns. Aujourd'hui, elles relèvent de la consommation de masse ; elles sont accessibles au plus grand nombre et elles ont d'ailleurs participé à la mondialisation.

Il en va de même de l'accessibilité aux moyens de transport. L'avion n'est plus réservé à quelques personnes et tout le monde peut l'utiliser.

Face à cette mondialisation des réseaux et des moyens de communication, de nouveaux enjeux se sont imposés aux forces de police des États démocratiques. Il est donc nécessaire d'adapter nos systèmes de contrôle et de surveillance aux caractéristiques nouvelles du terrorisme.

Toutefois, nous tous, ici présents, pensons que l'adoption de telles mesures doit se faire en respectant le maintien d'un équilibre acceptable entre les exigences de liberté - auxquelles nous sommes attachées - et les exigences de sécurité. Il est donc important, monsieur le ministre d'État, de réaliser une évaluation de l'incidence et de l'efficacité de telles mesures.

En effet, la moindre erreur en la matière, vous le savez parfaitement, pourrait avoir des conséquences très lourdes. D'ailleurs, c'est ce que cherchent nos adversaires, qui nous poussent à la faute. Si en effet certaines personnes étaient injustement soumises à des mesures contraignantes privatives de liberté, le système que nous mettons en place ne manquerait pas de se retourner contre nous.

C'est pourquoi il est impératif de prévenir les abus, de prêter une attention particulière à l'interprétation des textes que nous allons voter, d'en limiter l'usage à des circonstances très particulières - en l'occurrence à la lutte contre le terrorisme - et de nous donner rendez-vous dans trois ans, pour dresser le bilan, examiner l'efficacité de ces mesures et adapter ces dernières si malheureusement cela se révèle nécessaire.

Pour atteindre cet objectif essentiel, nous devons attacher une attention toute particulière à la formation des policiers, car ils seront personnellement habilités à être les destinataires des données techniques et des informations concernant les voyageurs ou concernant les utilisateurs de téléphonie mobile ou d'Internet.

Le dispositif que vous nous présentez comprend un certain nombre de garanties. Néanmoins, la formation des personnels qui utiliseront tous ces nouveaux outils nous paraît être une garantie supplémentaire indispensable pour prévenir tout risque d'abus.

Je dirai quelques mots sur la dimension européenne et internationale de ce débat, car l'Union européenne constitue désormais une des sources essentielles du droit en matière de lutte contre le terrorisme.

Je ne vous apprendrai rien, monsieur le ministre d'État, chers collègues, en vous disant que le groupe UC-UDF est fermement attaché à l'idée que la politique de lutte contre le terrorisme doit privilégier la coopération entre les États de l'Union européenne.

En tout état de cause, lorsqu'il nous est proposé de transposer une directive sur la transmission d'informations concernant les voyageurs, nous sommes d'accord et satisfaits, d'autant que la France accuse du retard en matière de transposition. L'occasion m'est encore donnée ce soir de rappeler qu'un certain nombre de textes communautaires ne sont toujours pas transposés en droit interne, ce qui est regrettable.

Quoi qu'il en soit, nous avons un autre motif d'inquiétude : certains États de l'Union européenne ne semblent pas avancer aussi rapidement que nous dans ce domaine. Nous souhaiterions que le gouvernement français puisse peser un peu plus sur les institutions européennes ou sur des gouvernements comme ceux de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne, qui, récemment, se sont fait remarquer par une certaine hésitation dans la coopération judiciaire européenne.

À titre d'exemple, je rappelle que la France avait proposé avec la Grande-Bretagne, malgré tout, mais aussi avec l'Irlande et la Suède, d'obliger les opérateurs de téléphonie mobile à stocker les fichiers de leurs clients, non pas le contenu des communications mais les données techniques. Un accord, me semble-t-il, sur un projet de directive rendant obligatoire une telle conservation de données techniques vient d'intervenir au début du mois de décembre : c'est un événement important, qui témoigne du rôle que peut avoir notre pays en matière de lutte internationale contre le terrorisme.

Je veux également saluer le rôle du Parlement européen, ce qui n'est pas souvent fait au Sénat. Le Parlement européen oeuvre sur ces sujets en rappelant que la lutte contre le terrorisme ne doit pas faire fi du respect des libertés individuelles. Il s'est notamment inquiété, lors de la préparation d'un projet de convention avec les États-Unis, de ce que ces derniers demandaient de transférer trop d'informations, avec des durées trop longues de conservation et avec un trop grand nombre de destinataires. Le Parlement européen est donc tout à fait dans son rôle.

Enfin, je salue l'excellent rapport de notre collègue Jean-Patrick Courtois, et je le remercie des auditions auxquelles il nous a conviés. Les amendements proposés par la commission des lois du Sénat ne modifient pas l'économie générale de ce texte, mais ils apportent des précisions utiles.

J'évoquerai, notamment, l'amendement qui vise à faire juger les mineurs accusés d'actes de terrorisme par une cour composée uniquement de juges professionnels, et non de jurés issus de la société civile.

Pour conclure, je le répète, le groupe de l'Union centriste-UDF soutiendra l'ensemble des dispositions de ce projet de loi dans la mesure où, d'une part, il fait confiance à ceux qui les utiliseront et où, d'autre part, ces textes connaîtront une application limitée, aussi bien dans leur objet que dans leur durée.

Je regrette, sur un texte aussi important, aux enjeux aussi graves, que notre travail ne fasse pas l'objet d'un consensus. Certes, je comprends que des nuances existent dans l'appréciation des textes, mais s'il est un sujet sur lequel la représentation nationale doit donner non pas seulement l'apparence mais bien la certitude d'avoir trouvé un consensus, ...

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