Intervention de Muriel Jourda

Réunion du 22 novembre 2023 à 15h00
Personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Muriel JourdaMuriel Jourda :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il m’appartient de donner l’avis et d’expliciter le vote du groupe Les Républicains sur cette proposition de loi déposée par notre collègue de la commission des lois, Hussein Bourgi, et signée par un certain nombre, voire un nombre certain, de nos collègues.

Vous l’avez compris, ce texte s’appuie sur deux faits.

Le premier est la déportation des personnes homosexuelles pendant la Seconde Guerre mondiale et les traitements qui leur ont alors été infligés.

Le second est le traitement différencié de l’homosexualité par la loi pénale. Comme il a été rappelé, l’homosexualité était considérée comme une circonstance aggravante du délit d’outrage public à la pudeur ; les relations sexuelles avec des mineurs de 16 ans et plus n’étaient pénalisées que quand il s’agissait de relations homosexuelles.

L’auteur de la proposition de loi nous propose, en réponse au premier fait, de créer un délit de négationnisme à l’encontre des personnes qui nieraient la réalité des faits infligés aux personnes homosexuelles pendant la Seconde Guerre mondiale. En réponse au second, il demande que soient indemnisées les victimes de cette discrimination pénale.

Ce que propose notre rapporteur est différent : tout en reconnaissant un principe primordial, celui de la réalité de la discrimination subie par les personnes homosexuelles, il considère que le délit de négationnisme existe déjà dans notre droit et qu’il serait dangereux de le fractionner ainsi, compte tenu des procès en cours et de l’indivisibilité des droits de l’homme. Le groupe Les Républicains le suivra sur ce point.

Par ailleurs, si le rapporteur est évidemment favorable à la reconnaissance de cette discrimination, il ne souhaite pas mettre en place d’indemnisation. Je suis pour ma part assez convaincue par les arguments avancés, qui tiennent à la fois à la prescription et à la difficulté qu’il y aurait à condamner l’État pour la simple raison qu’on aurait appliqué la loi – puisqu’il n’y a pas d’autre reproche à faire s’agissant des circonstances particulières qui justifieraient d’un préjudice.

Le rapporteur estime aussi – le groupe Les Républicains la suivra également sur ce point – qu’il faut distinguer le régime de Vichy, pour lequel la République n’a pas à s’excuser, de la période allant de 1945 à 1982.

Le régime de Vichy représente en effet une période sensiblement différente de la suivante, puisque sa répression de l’homosexualité s’inscrivait dans le cadre plus large du projet national-socialiste, qui s’est traduit par la déportation des personnes homosexuelles tout autant que par celle des Juifs et des Tsiganes.

Aussi, nous suivrons l’ensemble des préconisations du rapporteur et voterons en faveur des amendements de la commission, afin d’aboutir à une loi qui reconnaîtra la discrimination des personnes homosexuelles qui a découlé de la loi française.

Je crois – je m’associerai, de ce point de vue, aux propos du rapporteur comme à ceux de M. le garde des sceaux – qu’il est difficile de juger le passé avec les yeux du présent.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion