Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 14 avril 2011 à 15h00
Contentieux et procédures juridictionnelles — Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Les juges de proximité ont allégé la charge de travail des tribunaux d’instance, laquelle s’accroîtra d’ailleurs du contentieux des tutelles des majeurs et se trouvera également alourdie du fait des regroupements de tribunaux résultant de la mise en place de la nouvelle carte judiciaire, œuvre funeste de Mme Dati.

Cette réforme, purement utilitaire, ne permettra d’ailleurs pas de répondre aux critiques qu’avait suscitées – et que continue peut-être à susciter – la création des juges de proximité, à laquelle nous nous étions opposés. En effet, rien n’est prévu pour améliorer le statut précaire de ces juges, pour remédier à l’insuffisance de leur formation ou aux difficultés de recrutement. Alors que le dispositif s’était amélioré, on va supprimer les juridictions de proximité !

Bien entendu, les juges de proximité, eux, ne seront pas supprimés : on les garde, qu’ils soient bons ou mauvais, pour les mettre à la disposition du président du tribunal de grande instance, qui en fera des bouche-trous, pour ne pas dire, de façon plus vulgaire, des « bonniches » du tribunal ! Lorsqu’il manquera un assesseur en correctionnelle ou en juridiction collégiale au civil, on fera appel à un juge de proximité. C’est ainsi que cela se passera, tout le monde le sait !

Ensuite, sous couvert de simplification, le texte prévoit deux mesures totalement inacceptables de notre point de vue : l’extension du champ de l’ordonnance pénale et celle du champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

S’agissant de l’extension du champ de l’ordonnance pénale, nous estimons que le droit à l’audience, c'est-à-dire au contradictoire et à la publicité des débats, est un droit absolu. Certes, aujourd'hui, la mode est au recours à la visioconférence, comme on a pu le voir en matière de garde à vue et comme on le verra bientôt pour les hospitalisations d’office : le juge communique à distance, par écran interposé, avec la personne gardée à vue ou mise en examen ! Cela est, on en conviendra, absolument inacceptable ! C’est la négation de ce qu’est l’audience, à savoir l’instauration d’un dialogue direct entre le juge et son interlocuteur. Seul un tel face-à-face peut permettre au juge de se forger une opinion, car il importe de prendre en compte, outre les paroles prononcées, des attitudes, des non-dits qu’une visioconférence interdit de percevoir.

Vous proposez d’étendre largement le champ de l’ordonnance pénale, monsieur le garde des sceaux, or nous recevons fréquemment dans nos permanences des personnes qui, s’étant vu notifier une ordonnance pénale, viennent nous demander de les aider alors que le délai pour faire opposition est déjà échu et que la condamnation est de ce fait devenue définitive… Nombre de nos concitoyens, malheureusement, peinent à comprendre un tel document, et davantage encore à rédiger une lettre pour contester les faits. Voilà ce qu’il en est de l’ordonnance pénale ! Vous qui vous présentez volontiers comme un homme de terrain, monsieur le garde des sceaux, vous qui êtes un élu rural, comment pouvez-vous préconiser l’extension de cette mesure ? Vous savez très bien que la plupart des justiciables sont complètement désarmés devant de telles procédures. Ils n’y comprennent rien, et ils ont le sentiment que leur condamnation résulte de l’arbitraire d’un juge.

Plus grave encore, selon moi, y compris d’un point de vue constitutionnel, est l’extension du champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité –disons le « plaider-coupable », pour parler clairement – à l’ensemble des délits.

Lorsque cette disposition sera entrée en vigueur, c’en sera évidemment fini du procès Chirac, du procès Tapie, etc. Il suffira de plaider coupable pour éviter l’audience et la publicité afférente ! On négociera discrètement la peine, et tout sera terminé ! Voilà à quoi aboutira l’extension du champ du plaider-coupable ! Nul ne saurait me contredire sur ce point, sauf à être de mauvaise foi !

Certes, monsieur le garde des sceaux, les procureurs sont des magistrats, mais ils ne sont pas des juges.

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