Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 14 avril 2011 à 15h00
Contentieux et procédures juridictionnelles — Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

Or, que font les procureurs aujourd'hui ? Vos propres statistiques montrent que, en 2009, sur près de 1, 5 million d’affaires pénales poursuivables, 854 000 ont été « jugées » par des procureurs de la République. Il faudrait ajouter à ce chiffre 180 000 classements sans suite. En revanche, on constate une baisse par rapport à 2008 du nombre des poursuites devant le juge d’instruction, le juge des enfants et le tribunal de police, à hauteur respectivement de 10, 7 %, de 0, 4 %, et de 4, 1 %. On observera une confirmation de cette évolution lorsque les chiffres de l’année 2010 seront connus.

Les procureurs deviennent donc des juges. Ce sont eux, d’ailleurs, qui connaissent la plus grande partie du contentieux pénal. Or cela contrevient aux recommandations de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil constitutionnel. La tenue d’une audience deviendra l’exception, de même que l’intervention du juge ; la règle sera que le procureur de la République jugera. Nous n’acceptons pas cette dérive.

Il est vrai, néanmoins, que ce texte comporte quelques dispositions plus positives et que M. le rapporteur a minutieusement travaillé pour corriger un certain nombre d’excès par le biais d’amendements que nous avons approuvés.

Contrairement peut-être à Mme Borvo Cohen-Seat, je pense que la constitution de pôles spécialisés est plutôt une bonne chose, de même que l’attribution de la compétence au seul tribunal de grande instance de Paris pour le contentieux de la propriété industrielle.

Je me réjouis, bien entendu, de la suppression du tribunal aux armées de Paris. Elle fait aujourd’hui consensus, alors que, en 1982, cette mesure avait suscité une opposition passionnée à l’Assemblée nationale : on entendit alors des hurlements ! Certains, tel Jean Foyer, pour qui j’avais beaucoup d’estime, n’en pouvaient plus d’éructer contre ce qu’ils considéraient comme une atteinte à nos armées !

Cela étant, la suppression de cette juridiction va encore différer l’examen d’un certain nombre d’affaires, dont le tribunal de grande instance de Paris ne pourra se saisir immédiatement. Je pense notamment au rôle de l’armée française face au génocide rwandais, aux bombardements de Bouaké, en 2004, qui avaient causé la mort d’un certain nombre de militaires français et dont les pilotes responsables n’ont jamais été interrogés, ou à l’assassinat, toujours en Côte d’Ivoire, du coupeur de routes Firmin Mahé. Toutes ces affaires vont être de nouveau reportées, avant peut-être qu’une quelconque prescription ne vienne exonérer certains militaires des délits ou des crimes qu’ils auraient pu commettre dans l’exercice de leurs fonctions…

En conclusion, mon groupe votera contre ce texte.

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