Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste souhaite aider le Gouvernement à équilibrer ce budget et lui propose pour cela de renflouer les caisses grâce à la lutte contre la fraude fiscale.
Les chiffres sont astronomiques, puisqu’il manque entre 80 milliards et 120 milliards d’euros dans les caisses de l’État. Le groupe Union Centriste a fait de ce sujet un axe fort de sa réflexion.
Je salue tout d’abord les dispositions des articles 19, 20 et 21 et ne manque pas d’éprouver une sorte de tendresse – si j’ose le dire ainsi – pour les dispositions de l’article 22 relatif aux prix de transfert.
Durant l’examen de ce PLF, nous aurons l’occasion de vous faire des propositions non seulement en première partie, mais aussi dans le cadre de l’examen des différentes missions.
Dans son rapport de novembre 2023 sur la détection de la fraude fiscale des particuliers, la Cour des comptes écrit que « de manière regrettable et persistante, la France ne dispose à ce jour d’aucune estimation statistique de la fraude fiscale ». J’ajouterai que cette absence d’outil d’évaluation est anormale.
Certes, sur l’excellente initiative de Gabriel Attal, vous avez réuni un groupe de travail sur le sujet, mais il n’existe toujours pas d’instance permanente pour cette évaluation. Et pendant ce temps, les voleurs courent toujours.
Monsieur le ministre, chacun sait pourtant qu’un fraudeur heureux est un fraudeur qui revient.
Le document de politique transversale (DPT) qui nous a été remis, autrement appelé « orange budgétaire », ne remplit pas intégralement son rôle. Par exemple, l’explication des crédits du programme 156 reste insuffisante.
De plus, le document ne mentionne pas les différents acteurs et services qui concourent à la lutte contre l’évasion fiscale en étant financés par d’autres programmes, alors que cela correspond précisément à la fonction technique qui lui revient.
Il omet, par exemple, de citer le service Tracfin, qui dépend du programme 218, « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières », ou encore la brigade nationale de la répression de la délinquance fiscale (BNRDF) qui relève du programme 176, « Police nationale » de la mission « Sécurités ». Le budget du parquet national financier (PNF) qui est porté par le programme 166, « Justice judiciaire » de la mission « Justice » ne figure pas non plus dans le DPT.
Il est important de pouvoir disposer d’un document de politique transversale, mais s’il est incomplet, cela rend sa consultation peu opérante.
J’en viens à présent à deux sujets de fond. Premièrement, on estime que, entre 2000 et 2020, le montant de la fraude à l’arbitrage des dividendes représentait 150 milliards d’euros à l’échelle mondiale et 33 milliards d’euros à l’échelle nationale.
Le groupe Union Centriste vous proposera un amendement qui, même s’il a été rejeté à plusieurs reprises au cours des années précédentes, n’en reste pas moins nécessaire. J’espère que la vague de perquisitions lancée par le PNF au printemps dernier, dans le cadre du scandale dit « CumCum », vous motivera. Gabriel Attal, qui exerçait précédemment vos fonctions, monsieur le ministre, annonçait des redressements à hauteur de 2, 5 milliards d’euros.
Deuxièmement, nous devons mener une lutte en bonne et due forme contre la délinquance financière et les paradis fiscaux, ainsi qu’un travail de fond sur les conventions fiscales internationales.
En la matière, tout scandale est suivi d’une annonce. Ainsi, Nicolas Sarkozy de lancer à Deauville : « Les paradis fiscaux, c’est fini ! ». Force est de constater qu’ils ne se sont jamais aussi bien portés.
Preuve en est, la Suisse, malgré ses promesses, mais aussi le Luxembourg et les ports francs aux portes de l’Europe et en Europe, le Liechtenstein, Jersey, ou bien encore nos amis de Dubaï, qui brassent des milliards en roubles ou en euros : aucun de ces États ne figure sur la liste noire des juridictions fiscales non coopératives établie par l’Union européenne.
Quant à la liste grise de celles qui font l’objet d’un suivi attentif par l’Union européenne, elle n’est guère plus satisfaisante : on y retrouve des pays amis comme l’Arménie et Israël, mais Dubaï n’apparaît nulle part, non plus que la Grande-Bretagne post-Brexit.
Monsieur le ministre, les règles qui permettent de sortir de la liste des territoires non coopératifs n’ont rien de sérieux. Il suffit de signer une convention et peu importe qu’elle soit suivie d’actes ou pas. Dans un autre domaine, chacun s’accorde à dire : « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour. » Il faudrait appliquer le même raisonnement en matière de coopération fiscale.
Laissez-moi vous donner un exemple. L’oligarque, que nous appellerons M. T., s’est acheté un Falcon 2000 pour 28 millions de dollars – une paille ! Il l’a revendu pour acheter un Falcon 900 LX à 38 millions de dollars – une paille ! Puis, il a fini par acheter un Falcon 7X pour 48 millions de dollars – toujours une paille ! Ces appareils, produits par Dassault, ont été livrés à l’aéroport du Bourget sans que M. T. paie la moindre TVA, ces achats ayant été effectués par des sociétés-écrans enregistrées dans l’île de Man.