Intervention de Olivier Paccaud

Réunion du 1er décembre 2023 à 9h00
Loi de finances pour 2024 — Enseignement scolaire

Photo de Olivier PaccaudOlivier Paccaud, rapporteur spécial :

La promesse présidentielle d'une revalorisation de 10 % des salaires des enseignants est-elle tenue ? Presque ; pas pour tout le monde néanmoins – je pense notamment aux enseignants en fin de carrière.

Par ailleurs, et malheureusement, l'inflation a contribué à éroder ces louables efforts budgétaires.

Un autre curseur est à la hausse, et fortement : celui des crédits consacrés à l'école inclusive, qui atteignent près de 4, 5 milliards d'euros, contre 3, 8 milliards d'euros en 2023, avec le recrutement de nouveaux accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Leur effectif sera porté à presque 125 000 personnes et leur rémunération sera améliorée.

De 2006 à 2023, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a quadruplé, passant de 118 000 à 478 000. C'est évidemment une bonne chose.

La progression quantitative est indéniable, mais ne l'assure-t-on pas au détriment du qualitatif ? Ainsi, quid des élèves gravement perturbés ou présentant des troubles du comportement ? Ce problème, devenu majeur, est, hélas ! totalement ignoré. Et ce n'est pas l'article 53, transformant les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) en pôles d'appui à la scolarité (PAS), qui apportera la solution. L'organisation de l'école inclusive mérite un débat et peut-être même une loi à part entière.

Des moyens supplémentaires sont aussi orientés vers les lycées professionnels. Le Gouvernement souhaite rendre leurs cursus plus attractifs en réservant 400 millions d'euros aux gratifications accordées aux élèves en stage. De même, les crédits dévolus à l'enseignement agricole augmentent de 100 millions d'euros, ce qui représente une progression de 6, 3 %.

Mais le budget de l'éducation nationale ne saurait être le tonneau des Danaïdes. Ce n'est pas en dépensant toujours plus que l'on résoudra les problèmes de notre école. Il est temps de repenser en profondeur l'organisation et le fonctionnement de notre système éducatif, qui est de moins en moins performant et, surtout, de moins en moins équitable.

À cet égard, je me dois de pointer la porcelaine de vos contradictions. Vous vous glorifiez des bons résultats obtenus grâce aux dédoublements de classes dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP) tout en accélérant les fermetures de classes dans les zones rurales et périurbaines – dans ces territoires, 2 300 classes disparaîtront cette année.

Nous aboutissons ainsi à des paradoxes vécus comme des injustices, et par les enseignants et par les parents d'élèves concernés : à moins de cinq kilomètres de distance, vous pouvez avoir, d'un côté, des classes de CP et de CE1 de douze élèves chacune et, de l'autre, des classes à double niveau CP-CE1 de trente élèves. Ce n'est pas acceptable !

La problématique sociale n'est pas le monopole de certains quartiers. La ruralité et les zones périurbaines, parfois cruellement oubliées, sont à tout le moins les maillons faibles du soutien aux élèves en difficulté ; et ce ne sont pas les territoires éducatifs ruraux, dispositif chichement doté de 5, 5 millions d'euros, qui inverseront la tendance.

Quand donc procéderez-vous à la révision de la carte de l'éducation prioritaire, travail annoncé, mais jamais réalisé par vos prédécesseurs ? Un rééquilibrage des périmètres et des effectifs doit permettre de mieux répartir les moyens et de s'attaquer vraiment à l'un des points très faibles de notre école : notre taux d'encadrement, qui est l'un des plus mauvais d'Europe.

La formation des enseignants est un autre chantier incontournable. La sous-consommation chronique des crédits concernés, soulignée avec acuité par M. le rapporteur général, ne peut que nous interpeller.

Monsieur le ministre, la commission des finances, soucieuse de l'efficacité de la dépense publique, qui est loin d'être au rendez-vous dans notre système éducatif, a néanmoins voté votre projet de budget.

En adoptant ces crédits, nous entendons avant tout soutenir les indispensables efforts salariaux que nos enseignants méritent ; mais puissent votre brio devant les micros et votre ambition politique ne pas vous détourner des réformes structurelles qu'attend notre école !

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