Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, entendons-nous bien : examiner les crédits de la mission « Sécurités » est bien plus qu'un simple exercice comptable.
Le droit de vivre en sécurité et en tranquillité est un droit absolument fondamental ; c'est une conviction forte de notre groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. D'ailleurs, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen affirme dans son article 12 que ce droit est garanti par « l'existence d'une force publique instituée pour l'avantage de tous », laquelle doit être correctement financée.
Ainsi, et notre groupe en est convaincu, l'aspiration à la sécurité doit être une priorité, au même titre que le combat pour la santé, pour le logement ou pour les transports. Et l'action des fonctionnaires qui les font vivre au quotidien doit être saluée.
C'est pourquoi nous pensons que les moyens alloués à la police et à la gendarmerie nationales dans ce projet de loi de finances ne sont malheureusement pas à la hauteur des attentes des citoyens en matière de liberté et de tranquillité.
Regardons la réalité en face. Les promesses de la Lopmi, adoptée à la fin de l'année 2022, étaient grandes, puisqu'ont été annoncés des moyens techniques renforcés et une pluie d'embauches !
Aujourd'hui, force est de constater que le compte n'y est pas. Les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » font, certes, état d'une hausse des crédits qui se traduira par la création de plus de 2 000 postes supplémentaires, mais le diable se cache dans les détails.
Nous avons tous en tête la note publiée en juillet dernier par la Cour des comptes, selon laquelle la progression des crédits prévue dans la Lopmi « ne règle pas les difficultés structurelles des forces de sécurité intérieure ». Ces dernières rencontrent des difficultés croissantes de recrutement et une nette augmentation des départs et des démissions. En 2022, on a déploré 10 000 départs de policiers et 15 000 départs de gendarmes. En outre, la Cour des comptes met en évidence que les fortes ambitions affichées sur l'équipement et l'investissement ne trouvent pas de traduction suffisante dans la programmation.
J'ajoute, à l'instar de ma collègue Mélanie Vogel, que les lacunes sont persistantes en matière de formation. Le nombre d'heures de formation est annoncé comme étant « en hausse », mais le tableau présentant les éléments de synthèse du programme affiche des zéros dans la colonne des dépenses de personnel. Autrement dit, les promesses d'une meilleure formation pour nos policiers, dont le nombre augmente, ne se traduisent par aucun investissement concret.
Pourtant, les agents sont unanimes à demander des formations, notamment en matière de tir, et c'est positif.
En outre, les crédits alloués au fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) n'augmenteront que de 3 %, à un moment où nous devrions y consacrer tous les moyens nécessaires, car – nous en sommes persuadés –, il vaut mieux essayer de prévenir que de réagir trop tard.
Nous déplorons par ailleurs que l'essentiel de ces crédits soit consacré à la vidéosurveillance. Nous croyons qu'il est primordial de s'attaquer aux causes et non aux seules conséquences, en privilégiant la prévention et la dissuasion.
Ce qui nous préoccupe le plus, c'est la persistance d'une grande souffrance au travail, qui nous presse d'améliorer significativement les conditions de travail des policiers et des gendarmes.
Depuis vingt ans, nous comptons plus de mille suicides parmi nos policiers. Chaque fois que l'on renonce à lutter contre ces suicides, chaque fois que l'on ne consacre pas de moyens à l'aide psychologique des agents qui en font la demande, c'est la démocratie que l'on abîme, c'est tout notre système que l'on empêche de fonctionner correctement.
Les crédits programme 161 « Sécurité civile » n'augmentent que de 2, 87 %, alors que le dérèglement climatique est à l'origine de catastrophes majeures. Cette augmentation nous paraît insuffisante. Il y a quelques jours, notre pays a connu des tempêtes équivalentes à celles de 1999. C'est pourquoi il nous semble crucial d'augmenter sensiblement les crédits accordés à Météo-France ; la période actuelle nous rappelle le rôle indispensable que cet établissement public joue.
Bien que le programme représente – nous le savons – une faible proportion de l'ensemble des crédits effectivement consacrés à la sécurité civile, je voudrais dire un mot des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis).
Les incendies de l'an dernier ont mis en évidence le manque structurel d'effectifs de sapeurs-pompiers. Les sapeurs-pompiers et les présidents de département n'ont plus les moyens de faire face à la progression du nombre d'interventions.
À Paris, la brigade de sapeurs-pompiers, à laquelle je voudrais rendre hommage à cette tribune, connaît une hausse très importante du nombre de ses interventions.
À l'Assemblée nationale, le rapporteur spécial a alerté sur les crédits insuffisants du financement par l'État de la brigade. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement en ce sens.
C'est peu dire, vous l'aurez compris, que nous ne partageons pas l'autosatisfaction du Gouvernement.
Notre groupe ne votera par conséquent pas les crédits de cette mission, qui, malgré leur augmentation, ne sont pas suffisants. §