Monsieur le Médiateur de la République, depuis un an, vous exercez une mission qui vous place à un point d'observation privilégié des attentes et des maux de notre société. Votre rapport le prouve à l'évidence.
Lorsque vous intervenez, cela signifie en effet qu'un dysfonctionnement de l'administration ou du service public s'est produit, ou qu'une décision administrative, pourtant conforme à la règle de droit, vient heurter les droits de la personne.
C'est donc toute la difficulté et la noblesse de votre mission que de rétablir l'équité là où la rigidité des règles, leur caractère trop général, ou un traitement administratif insuffisamment précis, peuvent produire des injustices.
L'administration, pour sa part, est tenue à une obligation de régularité dans l'application des textes. Sans remettre en cause la légitimité de la décision de l'autorité publique, vous suivez une démarche de compréhension qui peut constituer une garantie contre l'inadaptation de la loi ou des règlements aux situations particulières.
Vous prenez en compte des éléments que les textes et la pratique administrative ne peuvent appréhender : la vulnérabilité de certaines personnes, et même, parfois, la pratique de la langue.
Comme vous l'expliquez dans votre premier rapport annuel, chaque dossier qui vous est transmis comporte ainsi une histoire personnelle, parfois douloureuse, et traduit le sentiment que l'on n'a pas été écouté ou entendu par la machine administrative.
Attentif à cet aspect, vous avez mis en place une cellule d'urgence, en septembre dernier, et je tiens à vous féliciter pour cette initiative, qui permet à votre institution de traiter dans les plus brefs délais certaines situations de détresse.
Sans se substituer aux services sociaux, cette cellule, en relation avec vos services d'instruction et avec les délégués présents sur le terrain, peut débloquer rapidement les situations dues à des dysfonctionnements administratifs ou à l'incompréhension des parties. Vous avez donné un certain nombre d'exemples.
De façon générale, l'augmentation continue du nombre de saisines - 2, 4 % en 2004 - illustre, s'il en était encore besoin, la pertinence du mode d'intervention souple et rapide de la Médiature, qui correspond aux attentes de nos concitoyens.
Je tiens particulièrement à saluer l'efficacité de votre action. Ce sont en effet, comme vous l'avez indiqué, plus de 81, 2 % des médiations tentées qui sont couronnées de succès.
Il convient d'ailleurs, de souligner que le Médiateur de la République fait école, à l'étranger mais aussi en France, puisque nombre d'administrations et d'entreprises, comme La Poste, ont mis en place des médiateurs internes.
Ultime recours des citoyens qui trouvent auprès de vous une autorité indépendante prête à les aider dans leurs différends avec l'administration, vous êtes également, il convient de le rappeler, largement sollicité par les entreprises. Ainsi, 40 % des dossiers traités par le secteur fiscal de votre institution émanent de réclamations de personnes morales.
Votre rapport développe, en outre, un aspect peu connu de votre activité, consistant à favoriser la conclusion de protocoles d'accord entre les parties. Ces protocoles ont un caractère définitif et permettent aux intéressés de renoncer à la saisine du juge.
Le Médiateur est alors le garant de la transaction et veille à ce que la partie lésée soit, le cas échéant, dûment indemnisée. Je citerai un exemple seine-et-marnais, monsieur le Médiateur. Votre intervention a, en effet, permis la signature d'un protocole d'accord entre Réseau ferré de France et des agriculteurs de Seine-et-Marne qui rencontraient des difficultés pour cultiver leurs terres devenues quasiment inaccessibles depuis la réalisation de l'interconnexion des TGV Nord et Est. Le protocole d'accord conclu sous votre autorité leur a permis d'obtenir une indemnisation plus favorable.
Pour la commission des lois, qui a saisi l'Office parlementaire d'évaluation de la législation d'une réflexion sur le bilan des autorités administratives indépendantes, il est intéressant d'observer les modalités d'intervention du Médiateur de la République qui, sans être juge, contribue au respect de la justice dans notre pays.
Comme les autres autorités administratives indépendantes, vous ne pouvez, bien sûr, aux termes de l'article 11 de la loi du 3 janvier 1973, intervenir dans le déroulement d'une procédure engagée devant une juridiction, ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.
En revanche, il vous est possible de traiter des réclamations opposant des personnes au service public de la justice, qu'il s'agisse des services judiciaires, de l'administration pénitentiaire ou de la protection judiciaire de la jeunesse. Vous avez évoqué l'exécution des décisions de justice, qui est tout de même dans notre pays une préoccupation majeure.
Votre action permet ainsi d'éviter des contentieux qui encombreraient les tribunaux et pour lesquels une stricte réponse en droit serait inadaptée. Fondant votre appréciation sur l'équité, vous apportez, selon l'expression du Premier président de la Cour de cassation, M. Guy Canivet, « un supplément d'humanité et d'attention à l'individu face à la puissance publique ».
L'institution que vous représentez s'est, par conséquent, imposée comme un acteur essentiel de la défense et du renforcement des libertés publiques. Le Médiateur peut d'ailleurs avoir à connaître des réclamations mettant en cause, par exemple, des comportements discriminatoires.
Dans ce domaine, il en a beaucoup été question à la fin de l'année 2004, le paysage des autorités administratives indépendantes s'est enrichi, avec la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE. Cette instance est, elle aussi, dotée d'une faculté de médiation.
Aussi la HALDE et votre institution devraient-elles être amenées à définir par convention les modalités de leur coopération, comme le principe en avait été évoqué dans cette assemblée.
De façon générale, la coopération entre les autorités administratives indépendantes qui interviennent dans des domaines connexes doit être développée.
Cette coopération apparaît comme un gage de cohérence et d'efficacité. Avec succès, le Médiateur de la République n'a d'ailleurs pas manqué d'engager des initiatives conjointes avec Mme la Défenseure des enfants.
Votre institution doit sans doute en grande partie son efficacité à son organisation, qui induit une présence territoriale importante.
Le réseau des délégués du Médiateur est aujourd'hui largement développé et comporte 292 représentants sur l'ensemble du territoire. Ce sont ainsi dix nouvelles délégations qui ont été créées en 2004.
Ce réseau permet à vos services d'être accessibles au public le plus fragile : parmi les 292 délégués, 147 interviennent au sein des quartiers sur lesquels porte la politique de la ville, tandis que 122 sont implantés au sein des préfectures.
J'ai également relevé que les délégués étaient maintenant présents dans l'ensemble des départements et collectivités d'outre-mer, et je m'en réjouis.
Ces délégués accomplissent un précieux travail d'information, de règlement des litiges et d'amélioration des relations entre administrations et citoyens. Ils ont ainsi traité plus de 51 000 affaires en 2004, soit 90 % des affaires dont a été saisie l'institution.
Leur mission comporte donc un aspect pédagogique essentiel. Ils informent le public sur le fonctionnement des services administratifs et l'orientent vers les interlocuteurs appropriés à chaque situation. Près de 40 % des dossiers traités en 2004 ont ainsi donné lieu à des informations et des conseils.
L'importance du rôle pédagogique de votre institution doit nous conduire à nous interroger sur le travail d'explication de la loi, travail qui reste insuffisant.
Les missions des délégués du Médiateur ont également été enrichies récemment avec la mise en place à titre expérimental d'une permanence dans dix établissements pénitentiaires. Cette démarche, entreprise avec le ministère de la justice, devrait renforcer l'accès des détenus à l'information et au droit.
Cela répond au souci que le Sénat a notamment exprimé à l'occasion de l'élaboration du rapport sur la situation dans les prisons de notre pays.