Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État » nous donne l'occasion d'aborder la politique du Gouvernement en matière de participations publiques.
Force est de constater que le Gouvernement n'a pas fait les efforts nécessaires de formalisation d'une doctrine et utilise le levier économique des participations publiques par à-coups, sans stratégie d'ensemble.
Nous avons auditionné le commissaire aux participations de l'État, qui nous a fourni un inventaire à la Prévert des priorités de l'agence : responsabilité sociale et environnementale, transition énergétique, innovation, disruption, réindustrialisation verte, résilience, achat responsable et local, etc.
Je ne remets pas en cause l'importance de ces éléments, mais il faut impérativement que l'État actionnaire se dote d'une feuille de route. Le philosophe Alain, dans ses Propos sur les pouvoirs, écrit : « La tâche d'un ministre n'est pas du tout de porter à sa perfection le service dont il a charge, mais tout au contraire, de résister à des ambitions en elles-mêmes raisonnables, d'après un regard continuel sur l'ensemble des besoins et sur l'ensemble des moyens. L'utile peut nuire. »
Oui, madame la ministre, l'utile peut nuire. Il vous faut faire des choix, fixer un cap ; en un mot, mener une politique.
Les participations financières de l'État doivent aujourd'hui être mobilisées comme un levier de politique économique à part entière. Je considère que l'État doit être clair et déterminé, notamment pour faire face aux défis des transitions écologique et numérique, mais aussi pour défendre notre souveraineté et se tenir prêt à intervenir, en particulier lorsque des acteurs aussi stratégiques que l'entreprise Atos se trouvent en difficulté.
Je m'étonne d'ailleurs des réserves du Gouvernement dans ce dossier, alors que la doctrine d'intervention de l'État actionnaire de 2017 visait en premier lieu à recentrer les interventions en capital sur les entreprises stratégiques qui contribuent à la souveraineté de notre pays, notamment dans la défense et le nucléaire. Ce sont précisément les secteurs dans lesquels les activités stratégiques d'Atos s'exercent ! Il n'y a pas de souveraineté si tous les maillons ne sont pas protégés, surtout en matière de calcul et de sécurité informatique.
Néanmoins, la doctrine de 2017 n'est pas à jour. Les interventions en capital de l'État durant la crise sanitaire ont conduit à faire évoluer profondément l'action de l'Agence des participations de l'État (APE). La Cour des comptes qualifiait même en 2022 cette doctrine d'obsolète.
Cette situation se manifeste de plusieurs façons.
Tout d'abord, le CAS n'est plus alimenté que par des versements du budget général. L'année prochaine, près de 10 milliards d'euros de recettes sont envisagés, mais les recettes de cession du compte, c'est-à-dire les recettes normales, si tant est que ce terme ait encore un sens, ne représenteront que 45 millions d'euros, soit 0, 5 % des recettes totales du compte.
Ensuite, la principale opération sur le compte en 2023 a concerné EDF. L'offre publique d'achat simplifiée a été menée à son terme, pour 9, 7 milliards d'euros, et a donné lieu, le 8 juin dernier, au retrait de la cote. Elle laisse néanmoins entièrement ouverte la question de la situation financière du groupe, dont la dette se situe autour de 65 milliards d'euros et dont les besoins d'investissements sont évalués entre 20 et 25 milliards d'euros par an.
Ces deux constats montrent qu'il n'y a plus vraiment de pilotage des participations publiques, qui répondent en fait à des objectifs politiques fixés par le Gouvernement, sans cohérence d'ensemble. De ce point de vue, l'APE est passée du statut de gestionnaire actif du portefeuille des participations publiques à celui de simple courtier passant les ordres d'achat de l'exécutif.
La commission des finances n'a néanmoins pas souhaité remettre en cause les crédits du CAS, afin de maintenir la capacité d'interventions en capital de l'État.
Enfin, nous n'avons que trop dénoncé dans notre commission le programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État », qui constitue un pur effet d'affichage. Le remboursement qui apparaît sur le CAS creuse par ailleurs le déficit. La commission des finances a donc déposé un amendement n° II-6 rectifié visant à supprimer les crédits de ce programme.
Sous cette réserve, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits du CAS « Participations financières de l'État ».