Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a discuté du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale en nouvelle lecture.
Les modalités d’examen du texte par l’Assemblée nationale ont été proches de celles de l’année dernière, puisque le Gouvernement a recouru à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution sur la quasi-totalité des articles. Les députés n’ont en effet débattu que de l’article liminaire et de la première partie.
Bis repetita placent, en quelque sorte.
Toutefois, contrairement à ce qui fut le cas l’an dernier, les apports du Sénat à ce texte, bien qu’insuffisants, ne sont pas négligeables ; on pourrait même dire que c’est mieux.
D’un point de vue quantitatif, sur les près de 300 amendements adoptés par le Sénat, un peu plus de la moitié ont survécu dans le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale. À titre de comparaison, seulement un peu plus d’un amendement du Sénat sur trois avait été conservé l’an passé.
Du fait du recours à l’article 49.3 à l’Assemblée nationale, le Sénat est, s’agissant de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, non seulement le véritable lieu du débat parlementaire, mais aussi celui de l’élaboration parlementaire de la loi.
Au-delà des statistiques, il faut évidemment adopter une approche plus qualitative et se pencher sur la nature des principales mesures qui ont été conservées dans ce texte.
Tout d’abord, le Gouvernement a maintenu trois apports du Sénat que l’on peut qualifier de « politiques ».
Premièrement, le Gouvernement a repris, avec une rédaction différente, la mesure qui tend à supprimer les dispositions prévoyant une contribution des régimes complémentaires de retraite au titre de la solidarité financière du système de retraite.
Deuxièmement, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, il a accepté, pour ce qui est de l’assurance maladie, de maintenir la consultation des deux commissions des affaires sociales sur toute modification des montants de la participation forfaitaire ou de la franchise annuelle.
Troisièmement, l’exécutif a accepté de transformer en expérimentation la fusion optionnelle des sections « soins » et « dépendance » des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et des unités de soins de longue durée.
Le Gouvernement a également accepté plusieurs améliorations techniques significatives. J’en mentionnerai deux.
Grâce à l’apport de notre collègue Frédérique Puissat, il a été possible de maintenir le droit d’option accordé aux branches professionnelles pour le recouvrement par les Urssaf de leurs contributions conventionnelles de formation professionnelle et de dialogue social.
Le Gouvernement a en outre accepté, dans le cadre de la disposition définissant les salaires maximaux permettant de bénéficier des « bandeaux famille » et des « bandeaux maladie » en multiples du Smic de 2023 – et non plus du Smic de l’année en cours –, l’inscription dans la loi d’un plancher égal à 2 Smic de l’année en cours.
Certains des principaux apports du Sénat n’ont en revanche été conservés que partiellement.
Ainsi, le Gouvernement est revenu sur la suppression de la neutralisation de l’augmentation des plafonds de compensation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux départements de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), qui découle du transfert de 0, 15 point de contribution sociale généralisée (CSG) de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) à la CNSA. Il a préféré maintenir l’une de ces dispositions, introduite au Sénat, qui prévoit, en 2024, le versement par la CNSA de 150 millions d’euros supplémentaires aux départements pour le financement de l’APA, soit tout de même 100 millions d’euros de moins que ce que prévoyait la mesure que le Sénat avait votée.
Je le précise, mes chers collègues, ceux qui ont déposé des amendements trouveront dans le rapport écrit un tableau retraçant le sort de chacun d’entre eux.
En définitive, il me semble que nous devons tous nous réjouir que le Gouvernement ait accepté de jouer le jeu du débat parlementaire ici, au Sénat.
Toutefois, il était inévitable que des points de désaccord subsistent sur des aspects essentiels du texte, des sujets de dissension qui, pour la plupart, sont d’ailleurs proches de ceux apparus l’année dernière, et qui devraient vraisemblablement subsister année après année.
Voici la liste de quelques-uns de nos principaux désaccords : le caractère à la fois peu réaliste et, paradoxalement, optimiste de la trajectoire financière quadriennale ; le montant de l’Ondam pour 2023 et 2024 ; le refus par le Gouvernement des mesures de régulation ou de renforcement du contrôle du Parlement en cas de dépassement de l’Ondam ; le refus du Gouvernement que le Parlement se prononce sur le montant des dotations que les régimes obligatoires de base de sécurité sociale versent aux fonds, organismes et agences qu’ils subventionnent ; la suppression du transfert, institué par le Sénat, de 2 milliards d’euros de recettes de la branche maladie vers la branche famille, en conséquence du transfert de charge équivalent voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Par ailleurs, le texte rétablit la possibilité pour le Gouvernement de réduire par arrêté, et ce dès 2023 et sans plafonnement, la compensation à l’Unédic du dispositif de réduction dégressive des contributions patronales d’assurance chômage. La proposition du Sénat d’instituer une phase d’expérimentation pour la période 2025-2027 en vue d’affiner la réforme du financement des activités de médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) des hôpitaux n’a, quant à elle, pas été retenue.
Il est donc temps de constater que la poursuite de la navette ne servirait plus à grand-chose, d’autant que le Gouvernement recourra très probablement une nouvelle fois à l’article 49.3 lors de la lecture définitive et qu’il a déjà clairement indiqué ce qu’il souhaitait retenir de nos propositions.
De ce fait, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous propose d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable, afin de marquer nos désaccords sur le fond et sur la méthode.