Intervention de Bernard Jomier

Réunion du 1er décembre 2023 à 9h00
Financement de la sécurité sociale pour 2024 — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis pour examiner en nouvelle lecture ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, et pour nous prononcer sur la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission des affaires sociales.

Nous avons passé toute une semaine à débattre des différentes dispositions de ce projet de loi. Je tiens à saluer la qualité du dialogue que vos collègues du Gouvernement et vous-même avez établi, madame la ministre. Il s’agissait de véritables échanges, au terme desquels il n’est pas scandaleux – je le dis comme membre de l’opposition – que les positions de la majorité l’aient emporté.

Mais – car il y a un « mais » –, comme tout le monde le sait, ce texte a été adopté pour la deuxième année consécutive via l’utilisation de l’article 49.3, une procédure qui, j’y reviendrai, rend inutile, plus encore que les années précédentes, la poursuite de l’examen du texte.

Le débat parlementaire doit être respecté. Ce respect implique que l’on en suive les principes et que l’on cesse de faire croire qu’il existe quand ce n’est pas le cas. Il n’y a donc pas de suspense : le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera la motion tendant à opposer la question préalable.

Nous ne pouvons pas continuer à examiner le budget de la sécurité sociale de cette façon. Madame la ministre, vous avez vous-même évoqué les prémices d’un consensus autour de la nécessité de piloter autrement ce budget. Si un accord politique se dessine, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’en emprunte pas le chemin, tant il s’éloigne des fondements d’un nouveau mode de délibération. C’en est du reste une faiblesse congénitale.

De fait, ce texte se contente de tracer un sillon pour les années à venir, tant à travers son mode d’examen que dans ses tendances structurelles, c’est-à-dire une trajectoire financière qui fait plonger le déficit de la sécurité sociale pour longtemps.

Nous ne pouvons pas continuer ainsi, car les indicateurs de résultats de notre système de santé se dégradent et les acteurs exerçant dans les différents champs de l’offre de soins sont dans des situations désormais très difficiles. Ainsi, les usagers du système de santé, nos concitoyens, n’arrivent plus à accéder à un ensemble de soins, et l’hôpital, tout comme le secteur des soins de ville, est en grande difficulté.

Nous ne pouvons pas allouer 255 milliards d’euros, comme nous le faisons avec ce texte, sans transformer le processus d’attribution.

Dans les départements – j’en ai moi-même visité un certain nombre ces deux dernières années –, les acteurs du système de santé sont conscients des problèmes qui se posent. Ils se rendent bien compte des pénuries, comprennent qu’il est nécessaire de combattre ce phénomène et d’améliorer la répartition des médicaments, mais ils veulent savoir comment les décisions ont été prises.

Or, quand ces décisions sont prises sans concertation avec les acteurs du territoire, professionnels de santé et élus locaux, ils ne comprennent plus et se révoltent contre les pénuries, contre la désorganisation de l’offre de soins, contre son pilotage ultracentralisé, qui, à bien des égards, apparaît technocratique.

Madame la ministre, vous avez à juste titre évoqué un dialogue réel avec le Sénat, mais notre assemblée n’est que le miroir des territoires, la caisse de résonance des élus locaux et des professionnels de santé sur le terrain. Bien entendu, le dialogue avec la Haute Assemblée est indispensable, mais il l’est aussi à un niveau décentralisé. Si un dialogue direct ne s’établit pas, nous ne susciterons que de l’incompréhension et, au fond, du rejet dans les années à venir.

Enfin, permettez-moi de vous dire que l’utilisation à répétition de l’article 49.3 à l’Assemblée nationale fragilise profondément notre démocratie.

D’ailleurs, nous, sénateurs, n’avons jamais été autant sollicités, que ce soit dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou du projet de loi de finances, par les organisations professionnelles, associatives, syndicales pour déposer des amendements. C’est la preuve qu’elles ne trouvent plus d’écho à l’Assemblée nationale ; et nous n’avons aucune fierté à en tirer, car c’est un problème pour notre démocratie. À cause de ce déséquilibre, notre assemblée a de plus en plus de mal à respecter les délais qui lui sont impartis pour examiner les textes de loi.

Le Gouvernement doit désormais renoncer à l’article 49.3. Il nous faut poser les bases d’un nouveau contrat politique et, peut-être aussi, redonner la parole au peuple. En tout cas, cessons d’examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale dans de telles conditions.

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