Intervention de Christophe Béchu

Réunion du 4 décembre 2023 à 14h30
Loi de finances pour 2024 — État b

Photo de Christophe BéchuChristophe Béchu :

Même si je voulais vous répondre très vite, il me serait difficile de le faire, car le sujet est relativement complexe et mérite que l’on s’y arrête.

Il est question d’une mine de potassium dont les murs se referment au fur et à mesure, et dont le fond est difficile d’accès. Dans cette mine ont été stockées des dizaines de milliers de tonnes de déchets.

À l’origine – je parle de la fin du siècle dernier –, on a promis que ce serait réversible. Or, lorsque je suis entré en fonction, voilà dix-huit mois, on m’a expliqué qu’il devenait urgent de procéder au confinement de ces déchets toxiques.

Ma première réaction a consisté à rencontrer les élus, qui m’ont tous dit qu’il fallait faire en sorte de déstocker chaque bidon l’un après l’autre tant que cela était possible – d’après eux, « ce serait déjà ça de pris »… Puis, j’ai fait réaliser de nouvelles études pour évaluer la situation. Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce dossier a fait l’objet de 134 études, qui ont mobilisé 126 experts, dont 124 estiment que le risque deviendra majeur si le site n’est pas confiné en 2027.

En effet, il n’existe que deux puits pour descendre dans la mine et il ne sera plus possible, pour des raisons de sécurité, d’envoyer des hommes au fond s’il ne reste plus qu’un seul puits en fonctionnement.

Quelques semaines seulement seraient nécessaires à la mise en place du matériel en surface, ce qui nous permettrait de mettre à profit le temps utile qui précède le rétroplanning du confinement. Comme aucune cartographie des déchets les plus dangereux n’existe, il faudra chercher ces déchets au hasard. Dans les estimations qui m’ont été fournies, l’enveloppe de 50 millions d’euros dont nous disposons ne permettra de retirer que quelques dizaines de bidons sur les milliers qui se trouvent dans les galeries.

La vision du Gouvernement a été confortée par une étude datant de janvier 2023.

Le point central est la sécurité du cuvelage du puits Joseph. Or nous ignorons si le seul engin dont nous disposons pour y descendre tiendra.

Enfin, les Mines de potasse d’Alsace ont d’ores et déjà annoncé que les mineurs et leur encadrement feraient valoir leur droit de retrait en raison du danger qu’il y aurait à descendre.

Il existe deux options. La première consiste à fermer les yeux et à expliquer qu’il suffit de mettre de l’argent pour déstocker. On entretient alors une illusion, ce qui aurait peut-être fonctionné voilà dix, quinze ou vingt ans, mais à l’heure où nous parlons, cela nous ferait courir le risque de ne pas confiner à temps.

La seconde option est le confinement. En effet, d’après les experts, les risques de contamination de la nappe phréatique d’Alsace sont mille fois plus importants sans confinement définitif des déchets. Celui-ci s’impose donc à nous pour éviter que 700 mètres cubes de déchets chimiques ne se déversent chaque année dans la nappe phréatique d’Alsace.

Pour autant, mettre un couvercle et ne plus se préoccuper du problème ne me satisfait pas.

C’est pourquoi un article de lettres a été inséré dans ce projet de loi de finances, afin de préciser que ces déchets devront être extraits, mais que nous ne disposons pas encore de la technologie idoine.

Comme il est impossible d’envoyer des hommes en raison du problème des deux puits et de l’absence de volontaires, nous devrons recourir à des robots, sans doute du même type que ceux qui sont intervenus à Fukushima, mais dotés d’une capacité de préhension qui n’existe pas ou qui n’est pas encore au point.

Par conséquent, plutôt que de se hasarder à un chiffrage, nous inscrivons la responsabilité morale de l’État et le principe d’un engagement budgétaire au travers de cet article de lettres. Il n’existe pas d’engagement plus puissant !

Le plus important est de définir les conditions de déclenchement de ce fonds spécial. C’est l’objet de la négociation avec les collectivités territoriales.

Pour le reste, en toute sincérité, prétendre que l’argent suffirait à régler le problème, ce ne serait pas se montrer à la hauteur du problème au regard des nombreuses expertises qui ont été menées, y compris les plus récentes.

Les sommes dont il est question sont définies sans lien avec la réalité et au mépris de ces expertises. La responsabilité de ceux qui bloqueraient le confinement des déchets serait lourde de conséquences sur le plan environnemental en cas de contamination de la nappe phréatique.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

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