Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ayant siégé au sein de la commission des affaires étrangères durant une dizaine d'années, je suis très honorée d'être le rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État ».
Nous examinons aujourd'hui les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ». Mon intervention se concentrera sur deux points principaux.
Il s'agit, dans un premier temps, de vous présenter les crédits de la mission pour 2024.
Force est de constater que le budget de la mission a été très largement orienté par les conclusions des États généraux de la diplomatie, qui se sont tenus d'octobre 2022 à mars 2023. Ce travail de réflexion s'inscrivait en réponse au mouvement social qui a traversé le ministère en juin 2022, en réaction à la réforme des corps diplomatiques. La conclusion de ces États généraux a été l'occasion pour le Gouvernement d'annoncer une augmentation de 700 ETP et de 20 % du budget du ministère d'ici à 2027.
Cette ambition s'est traduite dans le budget 2024 par une hausse des crédits de 3, 5 milliards d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Par rapport à l'exercice précédent, les crédits progressent de près de 290 millions d'euros, soit une augmentation de 6 % sur l'ensemble de la mission. Cette hausse des crédits s'accompagne de l'ouverture de 165 équivalents temps plein (ETP) sur l'ensemble des programmes de la mission.
Cette augmentation généralisée soulève toutefois trois points de vigilance.
Premièrement, nous devons être attentifs à éviter toute forme de saupoudrage des crédits. Les choix de répartition du budget doivent s'inscrire en cohérence avec nos priorités stratégiques et géographiques. À cet égard, il est nécessaire de mieux mesurer l'effet de levier des dépenses de l'action extérieure.
Deuxièmement, la programmation de certaines dépenses devra rapidement être précisée par les responsables des programmes. La ventilation de certains crédits et des emplois m'est apparue imprécise au cours des auditions. Plusieurs lignes budgétaires sont renseignées de manière sibylline, à l'image de celle qui est dédiée aux dépenses d'intervention des ambassades. De même, l'allocation des 165 nouveaux équivalents temps plein n'est pas encore déterminée pour au moins un programme de la mission.
Troisièmement, nous devons veiller à la bonne exécution de certaines dépenses. Je pense notamment aux dépenses d'immobilier, qui ont pu faire l'objet d'une sous-consommation lors d'exercices précédents.
Pour prendre en compte ces points de vigilance, et afin d'assurer une contribution de la mission à l'effort de redressement des comptes publics, la commission des finances a adopté un amendement visant à diminuer de 30 millions d'euros les crédits de la mission. Nous en discuterons tout à l'heure.
D'une part, cet amendement a pour objet une diminution de 5 millions d'euros des dépenses de protocole, dont l'augmentation semble excessivement élevée au regard des conférences internationales qui seront organisées en France en 2024. Il tend également à réduire de 5 millions d'euros les dépenses d'immobilier, dont la programmation semble insuffisante et qui font régulièrement l'objet d'une sous-exécution.
D'autre part, cet amendement a pour objet de réduire de 20 millions d'euros des crédits d'intervention à disposition des ambassades et des services centraux en matière culturelle, universitaire et scientifique. Je considère que la doctrine d'engagement de ces dépenses n'est pas suffisamment précisée.
Au regard de la hausse des crédits de la mission en 2024, cette mesure d'économie reste limitée et n'obère pas les capacités du ministère de l'Europe et des affaires étrangères à répondre aux objectifs de la politique étrangère de la France.
Dans un second temps, j'en viens à la présentation plus détaillée des crédits du programme 105. Celui-ci regroupe les contributions internationales et les dépenses liées à l'administration centrale et au réseau diplomatique à l'étranger.
En premier lieu, concernant les contributions internationales et européennes, ces dépenses sont pour partie dépendantes d'engagements internationaux de la France pour financer des organisations multilatérales. Au total, les contributions internationales, hors contributions européennes, s'élèveront à 729 millions d'euros en 2024, soit une hausse de 3 % par rapport à 2023.
Une partie de nos contributions internationales est versée en devises, donc exposée à un risque de change. Compte tenu des incertitudes sur l'évolution des taux de change à moyen terme, le ministère des affaires étrangères a activé le mécanisme de couverture de change, qui est une procédure efficace.
Une partie de la hausse des contributions pour 2024 s'explique par le doublement du financement de la Facilité européenne pour la paix (FEP). Cette dernière a été largement sollicitée – à juste titre – pour financer l'aide apportée à l'Ukraine dans sa résistance à l'agression russe.
En second lieu, s'agissant du budget de l'administration centrale et du réseau diplomatique, la hausse des crédits entend traduire le « réarmement complet de notre diplomatie », pour reprendre les termes du Président de la République.
Le ministère portera une attention particulière à certaines dépenses présentées comme stratégiques. Je pense notamment aux dépenses improprement dites de communication, qui regroupent en réalité les activités de veille et de riposte à la désinformation. Le terme de communication semble en effet ne pas correspondre à l'action couverte par ces crédits : il conviendrait de trouver une appellation plus pertinente, madame la ministre.
Le contexte international dégradé explique le renforcement des dépenses de sécurité, en France comme à l'étranger. Les crédits de la sécurité à l'étranger devraient atteindre 67 millions d'euros en crédits de paiement. La dotation du centre de crise et de soutien (CDCS) du Quai d'Orsay, mobilisé dans les évacuations de nos ressortissants, est par ailleurs confortée, ce qui est tout à fait légitime. Il s'agit en particulier de protéger nos ambassades par des mesures de sécurité passive. Au regard des récents évènements au Sahel, j'estime que ces précautions sont nécessaires.
Aussi, mes chers collègues, sous réserve de l'adoption de l'amendement de la commission et de l'avis éclairé que s'apprête à vous adresser notre excellent collègue Rémi Féraud, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », ainsi que l'article 50 A, rattaché à la mission.