Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour évoquer les crédits alloués à l’action extérieure de la France.
Si les chiffres peuvent parfois nous diviser, une loi de finances étant un acte éminemment politique, celui par lequel la Nation affecte les ressources aux différentes politiques publiques, nul doute que la fierté et l’ambition que nous nourrissons pour la France dans le monde nous rassemblent, et c’est heureux.
En tant que parlementaires, notre rôle de vigie, madame la ministre, est donc de nous assurer que vous avez les moyens d’agir pour à la fois maintenir la singularité française parmi les grandes puissances dans le concert des nations, préserver et renforcer l’exceptionnel réseau diplomatique et consulaire qui est le nôtre, enfin, conforter le lien aussi fort qu’unique avec les Français établis hors de France, qui participent tant à notre rayonnement.
Bref, il s’agit de nous assurer que la « Maison France » a les moyens de faire face dans un contexte géopolitique marqué par la multiplication de régimes politiques qui se raidissent, mettent au défi le multilatéralisme et malmènent les institutions et normes juridiques internationales.
Dans ce contexte, nous devons continuellement réinterroger notre action et notre façon de procéder, pour l’adapter à cette nouvelle donne, faite de nouvelles polarisations, de nouveaux acteurs ayant émergé bruyamment sur la scène internationale et de coalitions plus mouvantes et volatiles que jamais.
Des conflits latents ou gelés sont réactivés, de l’Ukraine au Karabakh, du Yémen à Gaza et Israël, laissant craindre une contagion.
C’est dans ce contexte que le Président de la République a souhaité l’organisation des États généraux de la diplomatie, un exercice inédit dans l’histoire du Quai d’Orsay, afin de poser les fondements d’un réarmement de la diplomatie française – les précédents intervenants l’ont souvent souligné. Les objectifs sont très concrets : plus de moyens, mieux s’adapter, mieux valoriser les carrières, mieux sécuriser et mieux influencer.
À cet égard, je salue le travail réalisé par Jérôme Bonnafont, ainsi que les conclusions fortes qu’en a tirées le Président de la République lors de son discours du 16 mars 2023.
Six mois plus tard, madame la ministre, vous présentiez le budget pour l’année 2024, un jalon fort sur ce chemin qui mène jusqu’à 2027. Tous les rapporteurs, spéciaux et pour avis, ont salué ce réarmement à la fois budgétaire et humain. Les moyens alloués à l’action extérieure de l’État atteignent 3, 5 milliards d’euros, soit une augmentation de 6 % une fois corrigé l’effet de l’inflation.
Ce budget apporte une réponse au sentiment, diffus, mais bien réel, qui existait au Quai d’Orsay depuis plusieurs décennies, selon lequel il y avait une déprise. Déjà, en 2003, des agents du ministère manifestaient devant le Sénat. Un coup d’arrêt a été porté il y a deux ans à la baisse des effectifs. Et vingt ans après cette manifestation, l’augmentation des effectifs est significative : 700 ETP vont être créés, dont 165 dès l’année prochaine.
Le budget pour 2024 est davantage encore au service de nos compatriotes français de l’étranger. En effet, le programme 151 est marqué par une hausse significative de 17 %, soit une augmentation de 24 millions d’euros.
Ce budget permet d’étoffer l’offre de services destinés à faciliter la vie de nos compatriotes établis hors de France. Je pense ainsi à la poursuite du déploiement du service France Consulaire, cette plateforme d’appel si utile qui permet d’apporter une réponse immédiate aux Français de par le monde. En 2025, nous couvrirons 97 % des Français de l’étranger.
Je pense également à la mise en œuvre d’éléments du programme qu’avait présenté le Président de la République pour nos compatriotes établis hors de France – nous l’avons dit, nous le faisons.
Ainsi, le pass éducation langue française qu’a évoqué Olivier Cadic est mis en œuvre. La procédure de renouvellement dématérialisé des passeports au Canada et au Portugal va enfin être expérimentée – ce n’est pas une mince affaire, compte tenu des freins existant par ailleurs dans l’État –, avant, on l’espère, d’être généralisée.
Mes collègues Ronan Le Gleut, Guillaume Gontard, Valérie Boyer et moi-même avons déposé un amendement visant à abonder les crédits de la Caisse des Français de l’étranger au titre de la catégorie aidée, afin de doubler l’effort de l’État.
Si tous les ministres doivent veiller à ce que leur politique publique prenne en compte les Français de l’étranger, le ministère des affaires étrangères et la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) doivent être les pilotes interministériels et avoir une vision globale, au-delà du réseau consulaire, sur tous les sujets concernant les Français de l’étranger, afin que la vie de nos compatriotes puisse être prise en compte dans tous ses aspects. Il est souvent nécessaire de lever un certain nombre de freins dans les services de l’État.
Ce budget pour 2024 est aussi celui qui renforce notre diplomatie culturelle et d’influence. Les crédits du programme 185 sont en hausse de 162 millions d’euros. À cet égard, je me réjouis de l’instauration d’un fonds d’aide au réseau des alliances françaises. En la matière, le tissu, on le sait, est très dense, mais il repose souvent sur quelques personnes. Il a été affecté par la crise de la covid et son modèle a été mis à mal. Ce fonds est donc bienvenu.
De la même façon, nous devons un appui renforcé au réseau de l’enseignement français à l’étranger, dans toutes ses composantes.
Nous sommes évidemment très satisfaits des établissements en gestion directe, mais je tiens à lancer un appel à cette tribune, afin que l’on vienne en aide aux partenaires. Samantha Cazebonne, sénatrice représentant les Français établis hors de France, vous a écrit il y a quelques jours, madame la ministre, afin de solliciter un soutien additionnel, de 3 millions d’euros au moins, pour la Mission laïque française (MLF).
La MLF représente un cinquième des établissements dans le monde. Il est nécessaire de renforcer ces acteurs, pour atteindre l’objectif d’un doublement de ses effectifs d’ici à 2030.
Enfin, la question immobilière demeure prégnante. Nous attendons que les arrêtés soient pris. S’il faut modifier la loi organique, mes chers collègues, prenons nos responsabilités, déposons une proposition de texte et réglons le problème si Bercy ne veut pas le faire !
En conclusion, vous l’aurez compris, le groupe RDPI votera avec satisfaction, et même avec enthousiasme, les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », ceux de l’année 1 de la politique de réarmement de la diplomatie française, afin que la France conserve son statut de puissance à part et à part entière.