C’est en effet un défi d’une ampleur colossale et d’une importance fondamentale, alors que deux communes sur trois disposent d’une école : 10 millions d’élèves sont aujourd’hui scolarisés dans les 50 000 bâtiments scolaires et plus que compte notre pays, où officient chaque jour 1 million de personnels éducatifs. Nous sommes tous concernés.
L’école doit nécessairement être accompagnée pour pouvoir s’adapter aux bouleversements climatiques, en cours et à venir, ici à Paris, comme en Moselle, à Marseille comme à Gouesnou, à Courbevoie comme à Châteauneuf-de-Gadagne, en métropole comme en outre-mer, dans les communes les mieux dotées comme dans les autres.
Ancienne adjointe aux affaires scolaires, je sais les difficultés rencontrées dans les projets de réhabilitation, de reconstruction ou de construction. Je connais aussi la volonté collective et, disons-le, l’enthousiasme qui animent les équipes municipales, départementales et régionales lors des réflexions préalables à la mise en œuvre de ces chantiers.
Tout le monde a conscience qu’il s’agit bien là de l’essentiel. Cet engagement doit certes être salué, mais il doit aussi être encouragé.
C’est pourquoi cette proposition de loi vise à aider financièrement les collectivités qui en ont le plus besoin. Elle se veut une réponse parmi d’autres, une petite pierre rénovée à l’édifice, si vous me permettez cette expression.
La mission d’information que j’ai évoquée a été constituée en février 2023, sur l’initiative du groupe RDPI. J’en ai été la rapporteure, et je veux remercier le président François Patriat, ainsi que l’ensemble de mes collègues, d’avoir souhaité que ce sujet fasse l’objet d’un travail renforcé.
Après avoir auditionné une centaine de personnalités engagées dans ce domaine et effectué plusieurs déplacements, nous avons adopté douze préconisations, de façon transpartisane, le 28 juin dernier. Notre groupe a souhaité que soit inscrit l’examen de la recommandation n° 9 dans notre niche de ce matin. C’est la seule de nature législative, les membres de la mission ayant été vigilants sur le risque d’inflation normative, alors que notre démarche s’inscrivait justement dans une démarche de simplification.
En introduction aux débats, je remercie mes collègues de tous les groupes pour leurs apports à ce rapport, et tout particulièrement le président de la mission, Jean-Marie Mizzon, qui est coauteur du texte sur lequel nous allons débattre ce matin.
Je veux aussi souligner le travail remarquable des administratrices qui nous ont accompagnés tout au long de cette mission.
Quel était l’objectif de notre travail ? Réfléchir aux conséquences de la transition écologique pour les écoles, collèges et lycées, qui représentent à eux seuls, en superficie, près de la moitié des bâtiments publics des collectivités territoriales. Le contexte environnemental que nous connaissons, qu’il s’agisse de l’adaptation au changement climatique, de l’amélioration de la performance énergétique ou de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, souligne l’urgence des questions posées par la transition environnementale de ces bâtiments, rendue obligatoire par les engagements européens de la France. L’évolution des prix de l’énergie en a encore renforcé l’intérêt.
L’importance de ces bâtiments pour les élus et le nombre considérable de leurs usagers leur confèrent une place spécifique dans notre cité. Alors que l’échéance de 2030 fixée par le décret, dit « tertiaire », du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d’actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire est pour demain, celles de 2040 et de 2050 pour après-demain, il nous faut dès aujourd’hui anticiper.
En matière de bâti scolaire, le Président de la République a lancé en 2021 le plan « Marseille en grand ». Il y a un an, il a affiché sa volonté qu’un plan national de rénovation des écoles soit lancé dans tout le pays, et, le 9 mai, le ministre de la transition écologique en a présenté une première déclinaison.
Lors d’un comité d’animation, à la rentrée, le Gouvernement s’est engagé à pérenniser le fonds vert jusqu’en 2027, avec une enveloppe complémentaire de 500 millions d’euros dédiée au bâti scolaire pour 2024, et à créer un guichet unique pour simplifier l’accès des maires aux différents dispositifs de financement. Cela traduit l’une de nos propositions.
Dans le même temps, le plan France Ruralités comporte un programme de soutien à l’ingénierie des communes rurales, avec cent chefs de projet, mutualisés au niveau départemental, qui seront bientôt déployés. À la fin du mois d’octobre, 862 établissements bénéficiaient d’un accompagnement ÉduRénov, ce financement de 2 milliards d’euros développé par la Banque des territoires.
Objectif fixé : 40 000 écoles rénovées d’ici à 2034, dont 2 000 l’année prochaine.
Notre groupe se félicite que, pour la première fois, ce sujet fasse l’objet d’une politique publique spécifique de la part d’un gouvernement. Surtout, nous nous réjouissons que le Sénat ait eu l’occasion de se pencher sur cette problématique en formulant des préconisations pour améliorer la coordination entre les élus et l’État, ce dernier devant pouvoir accompagner au mieux celles et ceux qui le demandent, sur les plans normatif, juridique, technique et donc financier.
L’enjeu est aussi pédagogique, et le ministre de l’éducation nationale l’a récemment rappelé. Je veux également faire référence aux conclusions qui viennent d’être présentées par les députées Graziella Melchior et Francesca Pasquini.
Alors que la dynamique de rénovation-réhabilitation-reconstruction repose sur les collectivités, nous le savons, leurs ressources pour y faire face sont très inégales. Nous avons ainsi pu dresser le constat d’une grande complexité, parfois, et d’une grande diversité de cas, qu’il faut savoir appréhender de façon plus lisible, plus simple et plus efficace. Nos préconisations ont été faites afin de mieux accompagner les élus. Elles entendent répondre à plusieurs difficultés.
Tout d’abord, il y a la nécessité de mener de front des chantiers complémentaires, souvent en site occupé, et de concilier des exigences parfois concurrentes.
Nous avons ensuite relevé l’impossibilité d’évaluer précisément le coût des travaux, en l’absence de budget type, les risques de dérive des coûts et de dépassement des dépenses par rapport aux estimations initiales, l’accès insuffisant à l’ingénierie, plus particulièrement pour les petites communes. La diversité des acteurs de l’ingénierie locale est une source de perplexité pour de nombreux maires.
Par ailleurs, il nous est apparu que la recherche de financements était assimilée à un véritable parcours du combattant par nombre d’élus. Il en résulte une sous-consommation paradoxale de fonds, qui s’explique notamment par une insuffisante prévisibilité des dotations et subventions, alors que les élus aspirent à une logique pluriannuelle.
Enfin, le reste à charge minimal de 20 % des financements apportés par les personnes publiques a été considéré comme un obstacle. C’est pourquoi nous entendons étendre aux investissements ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires la faculté ouverte aux préfets, en fonction de la capacité financière des maîtres d’ouvrage, de moduler ce seuil à la baisse.
La règle générale fixée par l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales (CGCT) est d’ores et déjà assortie de diverses dérogations : pour les projets d’investissement concernant les ponts et ouvrages d’art, les équipements pastoraux, la défense contre l’incendie, ainsi que la construction, la reconstruction, l’extension et les réparations des centres de santé, lorsque la participation minimale est « disproportionnée par rapport la capacité financière du maître d’ouvrage » ; pour la réparation des dégâts causés par les calamités publiques, ainsi que pour certains projets d’investissement destinés à restaurer la biodiversité au sein d’un site Natura 2000 exclusivement.
Ce texte que je vous propose d’adopter vise donc à élargir ce cadre à la rénovation de nos écoles, toujours lorsque le reste à charge est manifestement disproportionné au vu de la capacité financière de la collectivité territoriale concernée.
Il entend ainsi répondre au double défi posé par l’urgence absolue de rénover rapidement les bâtiments scolaires et les difficultés rencontrées par les collectivités pour financer ces travaux parfois lourds et très coûteux. C’est une mesure concrète pour redonner des marges financières aux élus locaux, et les associations que vous avez auditionnées, monsieur le rapporteur, s’y sont montrées très favorables.
Avant de vous laisser la parole, mon cher collègue, je tiens à vous remercier pour le travail effectué sur ce texte et de nous avoir auditionnés dans une période très chargée pour la commission des finances.
En conclusion, je reprendrai les mots de Mona Ozouf, grande républicaine bretonne ayant habité Lannilis, une commune proche de la mienne, à l’occasion de l’inauguration officielle de l’école qui porte son nom, à Plougastel-Daoulas, en 2021 : « Il faut toujours continuer à fonder nos espérances dans l’éducation. » Je me permettrai d’ajouter qu’en ces temps troublés, c’est une injonction que nous devons garder à l’esprit.