Intervention de Stéphane Sautarel

Réunion du 14 décembre 2023 à 10h30
Collectivités territoriales et transition écologique des bâtiments scolaires — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Stéphane SautarelStéphane Sautarel :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l’attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires, déposée le 8 septembre 2023.

Cette proposition de loi est la traduction d’une des recommandations du rapport fait au nom de la mission d’information du Sénat « Le bâti scolaire à l’épreuve de la transition écologique », présidée par notre collègue Jean-Marie Mizzon, et dont la rapporteure était Nadège Havet, également auteure du texte qui nous est présenté.

Ces travaux nous ont alertés sur deux points : l’urgence absolue de rénover rapidement les bâtiments scolaires et les difficultés rencontrées par les collectivités pour financer ces travaux de rénovation, parfois lourds et très coûteux.

Sur le premier point, je partage les constats formulés dans le rapport de la mission d’information.

Le parc immobilier scolaire des collectivités territoriales représente 51 000 écoles, collèges et lycées, pour une surface totale d’environ 140 millions de mètres carrés. De nombreux bâtiments scolaires ont été construits dans les années 1960 pour répondre à l’évolution démographique et à l’allongement de 14 à 16 ans de la scolarité obligatoire. Majoritairement construit avant 1970, l’immobilier scolaire appartenant aux collectivités est donc relativement ancien, mal isolé et, de fait, énergivore.

Ce parc doit donc être rénové pour des raisons réglementaires, économiques et environnementales.

Je rappelle que les collectivités territoriales sont assujetties à des obligations en matière d’économies d’énergie dans les bâtiments tertiaires : elles doivent mettre en œuvre des actions de réduction de la consommation d’énergie finale dans les bâtiments à usage tertiaire afin de parvenir à une réduction d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, et ce par rapport à la consommation de 2010.

Conformément à la révision de la directive européenne sur l’efficacité énergétique, elles sont par ailleurs tenues de rénover chaque année au moins 3 % de la surface totale au sol des bâtiments leur appartenant, l’objectif étant d’avoir des bâtiments à consommation énergétique nette nulle.

Cette rénovation est également nécessaire pour des raisons économiques dans la mesure où, pour les seules communes, les bâtiments scolaires représentent 30 % de la consommation énergétique des bâtiments communaux. Ce poids est de plus en plus problématique dans le contexte de hausse des prix de l’énergie que subit le pays depuis 2022.

Enfin, au-delà des arguments et motivations réglementaires et économiques, les collectivités territoriales ont une responsabilité forte dans la lutte contre le réchauffement climatique au regard du poids de leur patrimoine immobilier dans la consommation énergétique totale au niveau national.

Dès lors, ces rénovations sont une nécessité, non seulement pour réguler les effets à long terme des dérèglements climatiques, mais également pour faire face au réchauffement climatique à court terme, et ainsi améliorer le niveau de confort des élèves et enseignants fréquentant les établissements scolaires.

Si le coût total de ces rénovations reste difficile à chiffrer, l’Institut de l’économie pour le climat, l’I4CE, a estimé à 2, 7 milliards d’euros par an les investissements nécessaires pour la rénovation de tous les bâtiments publics, dont 1, 4 milliard d’euros pour les seuls bâtiments scolaires. Au total, il faudrait donc environ 40 milliards d’euros en vingt-sept ans pour atteindre le niveau « bâtiment basse consommation » (BBC) pour les bâtiments scolaires.

Toutefois, l’institut estime qu’actuellement environ 1, 3 milliard d’euros d’investissements « climat » sont déjà réalisés par les collectivités sur l’ensemble de leurs bâtiments publics. Aussi, ces dernières devraient donc, chaque année, réaliser 1, 4 milliard d’euros d’investissements « climat » additionnels pour l’ensemble des bâtiments publics, ce qui correspond à 700 millions d’euros additionnels par an par rapport aux investissements réalisés actuellement pour le seul bâti scolaire.

Cette évaluation n’est qu’indicative. Elle souffre non seulement d’un manque de données sur l’état actuel du parc des bâtiments, mais également d’un manque de suivi des investissements réalisés par les collectivités pour la rénovation énergétique de leur parc.

Il est néanmoins certain que les montants à engager sont et seront, dans un avenir proche, considérables pour les collectivités territoriales et viendront s’ajouter à d’autres investissements nécessaires concernant les mobilités du quotidien, la voirie ou les travaux nécessaires à la prévention et à la réparation des phénomènes climatiques exceptionnels, qui sont de moins en moins exceptionnels.

Pour financer la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, les collectivités territoriales peuvent d’ores et déjà bénéficier de dotations d’investissement relevant de plusieurs missions du budget de l’État : dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), dotation de soutien à l’investissement des départements (DSID), dotation politique de la ville (DPV) et fonds vert. Elles peuvent également recevoir le soutien d’autres collectivités, avoir recours aux financements externes, comme l’intermédiation bancaire ou le financement obligataire, voire solliciter des prêts de long terme auprès de la Banque des territoires.

Cependant, des freins structurels importants demeurent pour le lancement des projets.

Tout d’abord, les plus petites collectivités manquent parfois d’ingénierie, alors même que, dans le cadre de projets d’investissement en lien avec la transition écologique, une évaluation de la performance énergétique doit également être fournie. Or ces documents se caractérisent par un haut niveau de technicité.

Par ailleurs, l’accès aux dotations est parfois rendu complexe par l’absence d’alignement des calendriers des appels à projet, par les délais contraints pour déposer des demandes de subventions, ainsi que par la multiplicité des pièces demandées.

Enfin, les opérations de rénovation des bâtiments scolaires ont un coût très important pour les collectivités. Bien que réduit par l’apport de financements extérieurs, et notamment par les dotations de l’État, la règle définie actuellement par l’article L. 1111-10 du code des collectivités territoriales, et prévoyant une participation minimale du maître d’ouvrage de 20 % au financement des investissements, peut entraîner un reste à charge trop important pour les collectivités au regard de leur situation financière ou du montant total de l’opération. Je précise cependant que ce pourcentage n’est pas toujours atteint aujourd’hui, tant s’en faut.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi de Nadège Havet et Jean-Marie Mizzon prévoit un abaissement de 20 % à 10 % de la participation minimale du maître d’ouvrage au montant total des financements apportés par des personnes publiques, dans les cas où cette participation de 20 % apparaîtrait disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d’ouvrage.

Cette proposition semble effectivement aller dans le bon sens pour aider les collectivités à boucler le financement de leurs projets.

Elle est équilibrée, dans la mesure où des dérogations à la règle de participation minimale du maître d’ouvrage sont déjà prévues dans certains cas. En outre, elle resterait à la main du représentant de l’État dans le département, et ne présenterait donc aucun caractère automatique. Par ailleurs, elle serait ciblée sur les seules collectivités dont les investissements pour la transition énergétique des bâtiments scolaires entraînent un reste à charge manifestement disproportionné au vu de leur capacité financière, ce qui éviterait tout effet d’aubaine.

Enfin, l’évolution proposée par la présente proposition de loi répond à une attente forte des collectivités territoriales, dans un contexte de relèvement des taux d’intérêt et de forte inflation, qui renchérit le coût des investissements.

Toutefois, je tiens à dire que la règle de participation minimale du maître d’ouvrage est une règle de bonne gestion qui vise à assurer non seulement une certaine qualité des projets présentés par les collectivités, mais aussi la capacité financière de la collectivité, porteuse du projet, à entretenir ensuite l’investissement.

Aussi, dans le seul objectif d’accélérer les investissements dans le cadre de la transition énergétique, et en la réservant strictement aux cas qui le nécessitent de manière objectivée et circonstanciée, la dérogation à la règle des 20 % de participation minimale peut s’avérer utile pour lancer des projets qui pourraient être, sinon, bloqués. Or c’est bien le cas de la présente proposition de loi, en ce qu’elle prévoit une dérogation limitée et encadrée pour les seules opérations de transition énergétique des bâtiments scolaires.

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